Le centre de culture scientifique La Rotonde, situé sur le campus de Mines Saint-Étienne, consacre une exposition au thème du rire. Par des anecdotes, des dispositifs d’expérimentation et des interactions entre visiteurs, cette médiation amène le spectateur à s’interroger sur le sens social et biologique du rire, sa diversité, ses pathologies et sa présence chez d’autres animaux que l’être humain. À l’occasion de cette exposition, l’une des premières au monde sur le rire, I’MTech a interrogé Alexandre Saffre, chargé de médiation scientifique à La Rotonde.
Le rire n’est pas forcément le thème le plus évident pour une exposition scientifique ; pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Alexandre Saffre : C’est vrai que ce n’est pas le plus évident. C’est un thème assez original en médiation scientifique, au point qu’il s’agit de la première exposition dans le monde qui parle du rire de manière scientifique à notre connaissance. Ce qui est intéressant c’est que c’est un sujet qui parle à tout le monde mais pas sous l’angle des sciences. Pour nous c’est une occasion de détailler les recherches scientifiques sur le rire. Par exemple : le rire est-il inné ? Les animaux peuvent-ils rire ? Y a-t-il des maladies du rire ? Au travers de ces questions, nous abordons de nombreuses thématiques : les sciences humaines, la biologie, la démarche scientifique. Ce thème peut paraitre superficiel au premier abord, mais il est en réalité très riche !
Comment construire une médiation sur le sujet du rire ?
AS : L’exposition met en valeur des anecdotes et des histoires concernant le rire qui sont assez frappantes. Sur la question du caractère inné ou non du rire, nous racontons comment les scientifiques ont obtenu la réponse à cette question. Ils ont observé le cas d’un bébé né sourd, muet et aveugle qui riait malgré une absence de contact visuel ou sonore avec son entourage, ce qui prouvait que le rire était bien inné. Dans l’exposition, le public apprend aussi l’histoire d’une épidémie de rire qui s’est déroulée en 1962 au Tanganyika — l’ancienne Tanzanie. Trois enfants se sont mis à rire dans une classe. Puis toute la classe a été prise d’un fou-rire, puis toute l’école, puis le village. En tout, plusieurs centaines de personnes ont été touchées, et certaines ont ri pendant 16 jours !
Comment ces anecdotes permettent-elles de transmettre une culture scientifique ?
AS : Dans le cas de cette épidémie de rire, les chercheurs ont montré qu’elle relevait d’un cas d’hystérie collective provoquée par le stress. C’est un bon moyen de parler des mécanismes provoquant le rire, et des maladies du rire, souvent peu connues du spectateur. L’exposition rapporte aussi le cas d’une personne atteinte d’un cancer qui ne pouvait pas s’arrêter de rire. Il y a également une histoire sur les personnes aphasiques. Ce sont des gens qui s’attachent à la gestuelle des individus car ils ont du mal à s’exprimer et à se concentrer sur la parole. En regardant un discours de l’ancien président américain Richard Nixon, ils sont partis en fou-rire. Sa gestuelle était tellement peu naturelle qu’elle en était comique.
La spécificité de La Rotonde est d’impliquer le spectateur, de le pousser à expérimenter. Comment propose-t-on au visiteur de cette exposition d’expérimenter sur le rire ?
AS : L’exposition compte une cinquantaine d’activités : des jeux, des expériences, des ateliers… Il y a par exemple une chaise de chatouilles. Elle permet de se mettre dans la peau de scientifiques qui ont chatouillé méthodiquement des milliers de personnes pour voir les zones les plus sensibles de notre corps. Les visiteurs peuvent donc se chatouiller entre eux pour voir s’ils arrivent aux mêmes résultats. Nous proposons également un combat de rire. Les recherches ont montré que plus deux personnes se connaissent, plus elles peuvent se faire rire de loin et facilement. Il y a donc un endroit pour se rendre compte de l’impact de la complicité sur le rire entre deux personnes. Il y a plein d’autres contenus, comme des récits d’expériences pour les adultes, des imitations de rires d’animaux…
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L’exposition traite également du rire des animaux ?
AS : Oui, l’humain n’est pas le seul à pouvoir rire. Les chiens rient lorsque nous les chatouillons, et uniquement dans ce cas d’ailleurs. La hyène rit également, comme le chimpanzé et de nombreux autres animaux encore. L’exposition est une bonne occasion de découvrir un cas où les scientifiques ont enregistré des rires de chiens et les ont diffusés dans un chenil. Les chiens du chenil étaient de meilleure humeur lorsqu’ils entendaient les rires de leurs congénères que lorsque les rires n’étaient pas diffusés. Il y a également eu des expériences avec des rats, montrant que les individus qui avaient été chatouillés étaient en général plus optimistes que les autres.
Il y a vraiment énormément de contenu dans cette exposition. Nous arrivons à intéresser le public avec tous ces dispositifs et ces thèmes abordés. Il se pose des questions qu’il ne se serait pas posées avant. Il évolue dans l’espace de La Rotonde en autonomie. Tout le monde y trouve son compte, à condition de savoir lire. L’exposition est donc à faire à partir de 7 ans, et jusqu’à 120 ans… après c’est interdit !
Les infos pratiques
Où : CCSTI La Rotonde, Mines Saint-Étienne, 158 cours Fauriel, 42023 Saint-Étienne.
Quand : Du 16 octobre 2018 au 30 janvier 2019, les mercredis et samedis de 14 h à 18 h pour le public. Pour les groupes scolaires : du mardi au vendredi sur réservation.
Pour qui : À partir de 7 ans.
Par qui : L’exposition Rire a été conçue par ART’M.
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