Les plastiques et composites ne sont pas toujours aussi bien recyclés qu’on le souhaiterait : manque de débouchés, technologies inexistantes ou non rentables, ou encore gisements diffus. IMT Nord Europe développe et améliore des technologies en partenariat avec les industriels.
Les plastiques et composites n’ont pas bonne presse, et pourtant, difficile de s’en passer dans nos objets quotidiens, par exemple nos voitures. Pour que leur usage soit le moins polluant possible, il faut les recycler. Pas simple, aussi bien d’un point de vue technique qu’économique. Deux chercheuses d’IMT Nord Europe s’attachent à améliorer les procédés en vue de leur industrialisation.
Recycler le plastique nécessite de trouver des débouchés pour ces matériaux recyclés. Parmi les principaux freins figure la présence de polluants, notamment des composés organiques volatils (COV) à l’origine d’odeurs désagréables, voire toxiques. D’autant que les normes sont très strictes concernant les émissions de COV et d’odeurs dans l’habitacle des véhicules. Marie-France Lacrampe, chercheuse à IMT Nord Europe, développe une solution qui brille par sa simplicité : l’extrusion assistée à eau.
Supprimer les odeurs
L’extrusion est le procédé classique de fabrication des objets en plastique, consistant à pousser le matériau pâteux à travers une section de la forme souhaitée. En injectant de l’eau dans l’extrudeuse, le plastique est lavé par la vapeur d’eau, qui extrait une grande partie des COV. « Cela nécessite quelques aménagements de l’extrudeuse », précise Marie-France Lacrampe. Ces recherches sont menées avec trois partenaires industriels et un autre laboratoire, et le pilote industriel devrait être opérationnel d’ici deux ans.
Pour améliorer encore ce procédé, la chercheuse prévoit de combiner l’eau avec du CO2 supercritique — du CO2 sous pression qui devient un solvant très efficace. Avantage : enlever des molécules différentes de celles captées par l’eau.
Ecoconception et organisation de filière
Un recyclage efficace commence le plus souvent par la conception de matériaux facilement recyclables. C’est surtout vrai dans le domaine des emballages alimentaires, souvent composés de plusieurs matériaux (les bricks, les barquettes thermoformées ou les sachets à réchauffer par exemple). « L’idéal est de mélanger des polymères compatibles, pour les intégrer dans les filières de recyclage existantes », indique Marie-France Lacrampe.
Bien recycler n’est pas uniquement une question de technique, mais aussi d’organisation de la filière. Il faut utiliser les déchets le plus localement possible, pour baisser les coûts de transport et de logistique, ce qui nécessite d’analyser et de gérer intelligemment le flux.
« Si l’on veut augmenter les taux de recyclage, il faut s’attaquer à ce qu’on ne sait pas faire, souligne Marie-France Lacrampe. Notamment les faibles quantités (gisements diffus), et les matériaux qu’on ne sait pas, ou mal recycler comme le PET opaque (le plastique des bouteilles de lait par exemple). Nous travaillons par exemple à valoriser les faibles quantités en fabrication additive (la version industrielle de l’impression 3D) : on les extrude de nouveau avec des additifs pour les rendre utilisables. »
Les composites, peu recyclés
Le recyclage des plastiques n’est pas toujours facile… alors imaginez celui des composites, ces matériaux formés de fibres (généralement verre ou carbone) et d’une matrice en polymère. Un avion moderne, comme l’Airbus A350, est formé pour moitié de matériaux composites. Ces derniers ont investi des pans entiers de l’industrie : les transports (pas seulement les avions mais aussi les voitures, les bateaux, les vélos…), ainsi que l’électronique, les loisirs, l’éolien…
Aujourd’hui, lorsqu’ils sont en fin de vie, les composites sont essentiellement valorisés énergétiquement. Autrement dit, ils sont brûlés pour récupérer l’énergie de leur combustion. Pas idéal d’un point de vue environnemental ou économique ! « L’aéronautique développe des solutions pour récupérer les fibres de carbone, nuance Mylène Lagardère, également chercheuse à IMT Nord Europe. Elle a surtout recours aux composites à base de carbone. Or, ceux-ci sont plus « nobles », donc plus faciles à valoriser. » Des technologies de recyclage existent pour les composites à fibres de verre, mais aucune n’est rentable.
Développer des méthodes peu coûteuses
Deux procédés sont possibles pour récupérer les fibres : soit un procédé chimique, dans lequel on dissout la matrice dans un solvant (la matrice est alors réutilisable), soit un procédé thermique, qui détériore cette matrice. De son côté, la matrice est soit thermoplastique (on peut la fondre) soit thermodurcissable (qui se dégrade lorsqu’on la chauffe). Résultat : « Chaque couple fibre-matrice est traité différemment, explique Mylène Lagardère. Chaque produit a donc sa filière. » D’où la complexité du recyclage des composites. Plus le matériau est pur, plus le recyclage est facile.
Améliorer le recyclage est donc indispensable, et la recherche sur ce sujet a toute sa place. « Nous tentons de développer des méthodes simples et peu coûteuses, décrit Mylène Lagardère. Nous partons du problème industriel : si nous avons tel gisement de matériaux avec telles propriétés, nous pouvons en tirer tel matériau recyclé avec telle propriété. » Cependant lorsqu’on recycle, on dégrade toujours les propriétés du matériau, car on raccourcit les fibres.
Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’aux prémices du recyclage des composites. Quelques filières commencent à se structurer : dans le nautisme, avec l’association APER qui démantèle les bateaux abandonnés, financée par une écotaxe sur les bateaux neufs, ou encore dans la filière éolienne. L’automobile est également en pointe, grâce à la législation qui oblige à intégrer des matériaux recyclés dans les nouveaux véhicules.
Cécile Michaut
Bientôt de grandes quantités de composites à recycler ? 10 millions de tonnes de composites sont produites chaque année dans le monde, et la croissance de ce marché ne faiblit pas : + 5 % par an. Mais c’est surtout le recyclage qui va connaître une incroyable accélération : les composites arrivés sur le marché il y a 20 à 30 ans arrivent en fin de vie. 50 000 tonnes de pales d’éoliennes doivent être valorisées entre 2021 et 2022. 25 000 bateaux sont à démanteler en 2023, composés aux trois quarts de composites. 4 000 wagons sont en attente de démantèlement. Si aujourd’hui, la ressource est limitée (15 000 tonnes de déchets de production et 7 000 tonnes de matériaux en fin de vie en 2017), la croissance attendue est considérable. Les filières doivent se construire et s’organiser pour être pérennes. |
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