Le projet européen MAESTRIA, lancé en mars 2021 pour une durée de 5 ans, s’apprête à relever les grands défis de l’intégration des données et de la médecine personnalisée dans le but de prévenir affections du rythme cardiaque et AVC. Comment ? En utilisant les approches d’intelligence artificielle pour créer des outils numériques multi-paramétriques. Porté par Sorbonne Université et financé par l’Union européenne à hauteur de près de 14 M€, le projet rassemble 18 partenaires de l’UE, et aussi britanniques, canadiens et nord-américains. Entretien avec Anne-Sophie Taillandier, directrice de Teralab, la plateforme Big data et IA de l’IMT, membre de ce consortium.
Dans quel contexte sanitaire le projet MAESTRIA a-t-il vu le jour ?
Anne-Sophie Taillandier – La fibrillation atriale (FA), trouble du rythme cardiaque, et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont des problèmes de santé majeurs en Europe. Ils sont le plus souvent l’expression clinique de la cardiomyopathie auriculaire, mal identifiée en raison du manque d’outils diagnostiques spécifiques.
Quel est l’objectif de MAESTRIA ?
AST – MAESTRIA (pour Machine Learning Artificial Intelligence for Early Detection of Stroke and Atrial Fibrillation) a pour ambition de prévenir les risques liés à la fibrillation atriale afin d’assurer à la population européenne un vieillissement en bonne santé. Des recherches multidisciplinaires et des approches stratifiées (consistant à adapter le traitement au patient en fonction de ses caractéristiques biologiques) sont nécessaires pour diagnostiquer et traiter la FA ainsi que les AVC.
Quelles technologies seront déployées ?
AST – Les technologies du « jumeau numérique » (digital twin), un riche intégrateur de données combinant la biophysique et l’IA, seront utilisées pour générer des jumeaux virtuels des oreillettes du cœur humain en utilisant des données spécifiques au patient.
MAESTRIA créera des outils numériques multi-paramétriques basés sur une nouvelle génération de biomarqueurs qui intègrent le traitement de l’intelligence artificielle (IA) et les mégadonnées issues de technologies de pointe en imagerie, électrocardiographie et omique (incluant les réponses physiologiques modulées en fonction de la sensibilité individuelle et des facteurs liés au mode de vie). Des outils de diagnostic et des thérapies personnalisées pour la cardiomyopathie auriculaire seront développés.
Des modèles expérimentaux uniques de grands animaux, des cohortes de patients en cours, et une cohorte prospective de patients MAESTRIA fourniront une validation rigoureuse des nouveaux biomarqueurs et des outils développés. Un laboratoire central dédié collectera et homogénéisera les données cliniques. MAESTRIA sera organisé comme une plateforme centrée sur l’utilisateur, facilement accessible via des paramètres cliniques couramment utilisés dans les hôpitaux européens.
Quel est le rôle de Teralab, la plateforme Big Data et IA de l’IMT ?
AST – L’équipe de TeraLab, animée par Natalie Cernecka et Luis Pineda, a un rôle central dans ce projet, à triple titre. En premier lieu, TeraLab va s’impliquer pour assurer la mise à disposition de données de santé hétérogènes et sensibles pour le consortium, tout en garantissant la compatibilité juridique et de sécurité.
En second lieu, TeraLab va bâtir et gérer le data hub pour les données du projet, et les mettre à disposition des équipes de chercheurs, pour qu’ils puissent les agréger et les analyser, et construire ensuite un démonstrateur des résultats à destination de médecins et de patients.
Enfin, TeraLab pilotera le data management plan ou DMP (plan de gestion des données), volet indispensable de la conduite de tout projet européen. Il s’agit d’un document évolutif qui définit un plan pour gérer les données utilisées et générées dans le cadre du projet. Initié au début du projet, ce plan est mis à jour de manière périodique pour s’assurer de son adéquation avec le déroulement du projet. Il est d’autant plus nécessaire s’agissant de la gestion des données de santé.
Qui sont les partenaires de MAESTRIA ?
AST – MAESTRIA est un consortium européen de 18 cliniciens, scientifiques et acteurs de l’industrie pharmaceutique, à la pointe de la recherche et des soins médicaux aux patients atteints de FA et d’AVC. Un conseil consultatif scientifique comprenant des utilisateurs cliniciens potentiels aidera MAESTRIA à répondre aux besoins cliniques et du marché.
C’est un projet international, centré sur les pays de l’UE mais certains partenaires viennent d’Angleterre, du Canada et des États Unis. L’université d’Oxford, par exemple, a développé des solutions intéressantes de traitement et d’agrégation de données cardiologiques. Elle fait partie du consortium et nous allons bien évidemment travailler avec ses chercheurs.
Nous avons des partenaires français importants comme l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) impliquée dans l’acheminement et la gestion de données. Le projet est coordonné par Sorbonne Université.
Quelles sont les prochaines étapes importantes du projet ?
AST – Le projet MAESTRIA vient d’être lancé, la première étape importante est de mettre à disposition les données et de définir le cadre juridique.
Comme les données utilisées dans ce projet sont hétérogènes – d’où l’intérêt de les agréger – il faudra comprendre les spécificités de chaque type de données (données humaines, données animales, images, fichiers médicaux…) et adapter nos espaces de travail aux utilisateurs. Ces données étant sensibles, les défis de sécurité et de confidentialité sont donc primordiaux.
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Propos recueillis par Véronique Charlet
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