La détection des contaminations au virus SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19 permet notamment de suivre l’évolution de la pandémie. La plupart des méthodes se basent sur le dépistage individuel de patients, présentant des désavantages de coût et de délais. D’autres approches, basées sur la détection du SARS-CoV-2 dans les eaux usées des villes ont été développées pour suivre l’évolution des contaminations. Miguel Lopez-Ferber, chercheur à IMT Mines Alès, a mené une étude de détection du virus des eaux usées au sein du campus de l’école. Cette approche précise à petite échelle permet de collecter des informations sur les causes probables de contamination.
Comment détectez-vous la présence du Sars-CoV-2 dans les eaux usées ?
Miguel-Lopez-Ferber : Nous utilisons la technique développée par Medema en 2020. Après avoir récupéré la partie liquide des échantillons d’eaux usées, nous utilisons une technique de centrifugation qui nous permet d’isoler une phase qui contient les particules de la taille du virus. À partir de cette phase, nous procédons à une extraction des génomes viraux présents pour effectuer des PCR. La PCR (réaction en chaîne par polymérase) est une technique qui permet d’amplifier un signal génétique. Si la PCR amplifie des fragments de génome viral spécifiques au Sars-CoV-2, alors le virus est présent dans l’échantillon d’eau usée.
Cette technique permet-elle de connaitre la concentration du virus ?
MLF : Oui. Grâce à notre partenariat avec l’équipe PHYSE du laboratoire HydroSciences Montpellier et la startup IAGE, nous utilisons la technique de PCR digitale qui est une version plus résolutive de la PCR quantitative. Cela nous permet de savoir combien de copies de génome viral sont présentes dans les échantillons. Avec des prélèvements chaque semaine, nous pouvons connaitre l’évolution de la concentration de virus dans les eaux usées.
Quel est l’intérêt de quantifier le virus dans les eaux usées ?
MLF : Cette méthode permet notamment de détecter rapidement des cas d’infection virale : le SARS-CoV-2 est présent dans les excréments le jour qui suit l’infection. Il est donc possible de détecter des contaminations bien avant l’apparition de premiers symptômes potentiels chez les individus. Cela permet d’affirmer rapidement si le virus circule activement ou pas et s’il y a une augmentation, une stagnation ou une diminution des infections. En revanche, à l’échelle à laquelle ces études sont menées, il est impossible de savoir qui est infecté, ou combien de personnes sont infectées, car la charge virale est variable selon les personnes.
Qu’apporte votre étude sur le campus d’IMT Mines Alès dans ce type d’approche ?
MLF : Jusqu’à présent, les études de ce type ont été menées à l’échelle des villes. Nous avons réduit les cohortes à l’échelle du campus de l’école ainsi que différents bâtiments du campus. Cela nous a donc permis de remonter les informations d’échantillonnage depuis l’école entière jusqu’à certains points précis ce celle-ci. Depuis mi-août, nous avons pu observer les effets des différents événements qui influencent la circulation du virus, dans un sens comme dans l’autre.
De quel type d’évènements s’agit-il ?
MLF : Par exemple, au mois d’octobre, nous avons rapidement vu l’effet d’une fête dans un bâtiment du campus : seulement 72 heures après, nous avons observé un pic de circulation de virus dans les eaux usées de ce bâtiment, indiquant donc de nouvelles contaminations. A contrario : lorsque des mesures restrictives ont été appliquées, comme la mise en quarantaine ou le deuxième confinement, nous avons pu voir une diminution de la circulation du virus dans les jours qui ont suivi. C’est plus rapide que d’attendre de voir l’impact du confinement sur les contaminations 2 à 3 semaines après sa mise en place. Cela montre non seulement l’efficacité des mesures, mais permet aussi de savoir d’où proviennent les contaminations et de les lier à des causes probables.
Que pourrait apporter ce type d’approche dans la gestion de la crise ?
MLF : Cette approche est plus résolutive dans le temps et coûte beaucoup moins cher que celle qui consiste à tester chaque personne pour suivre l’évolution de l’épidémie. À l’échelle des écoles ou des structures similaires, cela permettrait d’agir rapidement pour, par exemple, mettre en quarantaine certains secteurs avant que la contamination devienne trop importante. De manière générale, cela permettrait de mieux limiter la propagation et d’anticiper les situations à venir, comme par exemple les pics d’hospitalisations, jusqu’à trois semaines avant qu’ils n’aient lieu.
Par Antonin Counillon
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