Arrivé à terme fin 2020, le projet ERC PERFUME dirigé par David Gesbert, chercheur à EURECOM, a abouti au développement d’algorithmes permettant des prises de décisions locales au sein du réseau mobile. Testés sur des drones autonomes, ces travaux répondent en particulier aux besoins de la robotique connectée dans le contexte de l’après 5G.
Maintenant qu’elle est arrivée, qui pense à l’après 5G ? L’équipe de David Gesbert, chercheur spécialiste des systèmes de communication sans fil à EURECOM, vient de finir son projet ERC PERFUME sur le sujet. Alors à quoi ressembleront les réseaux sans fil à l’horizon 2030 ? Tandis que la 5G se base sur la centralisation des calculs dans le cloud, les réseaux du futur auront besoin, au contraire, d’un réseau distribué. Comprenez ici l’émergence d’un réseau plus coopératif. « À l’avenir, le déploiement massif d’objets et de dispositifs robotisés pour effectuer des tâches autonomes augmentera le besoin de prendre des décisions au niveau local, ce qui est difficile au sein d’un système centralisé », présente David Gesbert. L’objectif reste néanmoins le même : optimiser la qualité du réseau. D’autant que la multiplication d’appareils connectés risque de causer davantage d’interférences et donc de nuire à la qualité les informations échangées.
Pourquoi décentraliser les prises de décisions sur le réseau ?
Dans le cadre de la 5G, chaque appareil connecté au réseau peut envoyer des mesures au cloud. Celui-ci dispose d’une très grande capacité de calcul lui permettant de traiter une quantité incommensurable de données, avant de renvoyer des instructions aux terminaux (une tablette, un téléphone portable, un drone, etc.). Toutefois, ces transferts d’information prennent du temps. Une denrée très précieuse pour les applications de la robotique connectée ou les missions critiques. Les véhicules autonomes doivent par exemple prendre des décisions instantanées lors de situations critiques. « Dans le contexte d’applications de type temps réel, il faut donc optimiser la vitesse de réponse du réseau. Décentraliser les décisions plus près des stations de base est justement la solution qui a été étudiée dans notre projet PERFUME », explique David Gesbert. La 5G n’étant pas encore équipée pour répondre à cette contrainte, il est nécessaire d’introduire de nouvelles évolutions du standard.
Les chercheurs d’EURECOM misent ainsi sur la coopération et la coordination des capacités de calcul de terminaux locaux tels que nos téléphones portables. En s’échangeant quelques informations, ces terminaux pourraient se coordonner dans le choix de leur puissance et de leur fréquence d’émission ce qui limiterait les interférences limitant à leurs tours les débits, par exemple. Ils ne se consacreraient plus uniquement à leur fonctionnement local, mais participeraient ainsi à l’amélioration globale de la qualité du réseau. Un travail d’équipe qui se manifesterait au niveau de l’utilisateur par une plus grande rapidité d’envoi de fichiers ou encore une meilleure qualité d’image lors d’un appel visio. Toutefois, bien que possible, cette collaboration reste difficile à mettre en œuvre.
Vers des réseaux sans fil plus coopératifs
Les réseaux distribués posent un problème de taille : l’accès à l’information d’un terminal à l’autre est incomplet. « Notre problématique d’échange d’informations en local est comparable à la situation d’une équipe de football qui jouerait les yeux bandés. Chaque joueur n’a accès qu’à une partie d’information bruitée et ne sait pas où se trouvent les autres membres de l’équipe pour aller marquer le but ensemble », illustre David Gesbert. Les chercheurs développent alors des algorithmes de prise de décision dits robustes. Leur objectif ? Permettre à un ensemble d’appareils connectés de traiter localement ces informations bruitées. « Les réseaux sont devenus trop compliqués pour être optimisés par des solutions mathématiques conventionnelles et ils fourmillent de données. C’est pourquoi nous avons conçu des algorithmes basés sur le traitement du signal mais aussi le machine learning », poursuit le chercheur .
Ces outils ont ensuite été testés dans un contexte concret de réseau 5G en partenariat avec Ericsson. « L’objectif était que des cellules 5G se coordonnent sur le choix de faisceaux directionnels d’antennes MIMO (multi-input multi-output) pour diminuer les interférences entre elles », présente le chercheur. Ces antennes intelligentes, déployées dans le cadre de la 5G, sont de plus en plus souvent installées sur des appareils connectés. Elles font du beamforming, cela signifie qu’elles orientent un signal radio vers une direction précise – plutôt que dans toutes les directions – et améliorent ainsi l’efficacité du signal. Ces résultats prometteurs ont ouvert la porte à des tests de grande ampleur sur des applications de robotiques connectées, l’autre axe majeur du projet ERC. EURECOM a ainsi expérimenté certains algorithmes sur des drones autonomes.
Des drones au service du réseau ?
Suite à un sinistre comme une avalanche, un tsunami ou un tremblement de terre, une partie des infrastructures réseau au sol peuvent être détruites et l’accès au réseau coupé. Il serait alors possible de reproduire une architecture réseau temporaire sur place à l’aide d’une flotte de drones servant de relais aérien. Sur le campus d’EURECOM, l’équipe de David Gesbert a développé des prototypes de drones autonomes connectés à la 5G. Ces derniers déterminent une formation de vol stratégique et leurs positions respectives afin de résoudre des problèmes d’accès au réseau d’un utilisateur au sol. Les drones se déplacent ensuite librement et recalculent leur placement optimal selon la position de l’utilisateur. Ces travaux ont notamment été récompensés par le prix de meilleur projet de recherche 2019, attribué par le Pôle Solutions communicantes sécurisées de la région Provence Alpes Côte d’Azur.
Cette solution pourrait être envisagée dans le cadre de missions de sauvetage et de géolocalisation des personnes disparues. Toutefois, plusieurs défis doivent être relevés pour que cette méthode se développe. En effet, les réglementations actuelles interdisent les vols d’appareils autonomes. De plus, ceux-ci ont une durée de vol d’environ 30 minutes, encore trop insuffisante pour offrir des solutions durables.
« Ces recherches sont également adaptées aux problématiques des voitures autonomes, ajoute David Gesbert. Par exemple, lorsque deux véhicules arrivent à un croisement, il faut mettre en place un protocole de coordination afin que les véhicules franchissent le croisement le plus vite possible et avec la probabilité de collision la plus faible. » Par ailleurs, la médecine et l’usine connectée seraient également des cibles applicatives des réseaux distribués. Quant à l’intégration de ce type de standards dans la future 6G, elle dépendra des intérêts des acteurs industriels des années à venir.
Par Anaïs Culot
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Great project !