La version originale de cet article a été initialement publiée sur The Conversation.
Par Xavier Lagrange, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom
Comment fonctionne la 5G ? Est-ce une réelle rupture technologique ou plus simplement une amélioration des générations passées ?
Retour vers le passé
Avant d’étudier plus en détail la 5G, arrêtons-nous un moment sur les anciennes générations. La première (1G) a été introduite dans les années 1980, il s’agissait, à la différence des suivantes, d’un système analogique. Sa principale application était les téléphones de voitures.
La 2G est introduite en 1992, on passe à un système numérique, avec des téléphones capables d’émettre des appels, mais aussi de courts messages (SMS). Cette génération a également rendu possibles les premières transmissions de données à très bas débit, c’est-à-dire à la vitesse des premiers modems pour accéder à Internet.
De 2000 à 2010, c’est l’époque de la 3G, la principale amélioration est la transmission de données plus rapide, pour arriver à un débit de quelques Mégabit/s avec la 3G⁺, permettant une navigation fluide sur Internet. C’est également l’arrivée des terminaux à écran tactile qui ont fait exploser l’usage et le trafic de données sur les réseaux.
Ensuite, de 2010 jusqu’à aujourd’hui, on est passé à la 4G, avec des débits beaucoup plus importants de 10 Mégabit/s pour accéder notamment à des vidéos en streaming.
Toujours plus vite
Voici donc la 5G, l’objectif principal est encore d’accélérer la transmission des données, on devrait disposer d’un débit moyen de 100 Mégabit/s avec des pointes à quelques Gigabit/s dans les cas les plus favorables (10 à 100 fois plus rapide que la 4G).
Il ne s’agit pas d’une rupture technologique majeure, mais plutôt d’améliorations de l’ancienne génération. En effet, la technologie repose sur les mêmes principes que celle de la 4G : c’est la même forme d’onde qui sera utilisée, le même principe de transmission. C’est ce que l’on appelle l’OFDM. Cela permet de faire des transmissions en parallèle : par un traitement mathématique, on arrive à faire un grand nombre de transmissions sur des fréquences très voisines. Cela permet donc de transmettre plus d’informations en même temps. En 4G, on était limité à 1200 transmissions en parallèle, alors qu’en 5G, on sera à 3300 avec, en plus, une rapidité accrue pour chaque transmission.
Dans un premier temps, la 5G est un complément de la 4G : le smartphone se connecte en 4G et une transmission se fait en 5G seulement si disposer d’un haut débit est nécessaire et, bien sûr, si la zone est bien couverte en 5G.
Vie privée et risque d’un « capitalisme de la surveillance », l’oublié des débats sur la 5G https://t.co/NK2X3jmb4W pic.twitter.com/s8sXOijsol
— The Conversation France (@FR_Conversation) September 25, 2020
Un réseau plus flexible
Le réseau qui sera déployé sera configurable, donc plus flexible. Avant, les opérateurs utilisaient du matériel dédié pour faire fonctionner les réseaux. Par exemple, la base de données de localisation indispensable pour joindre un abonné mobile était fabriquée par les équipementiers télécoms.
À terme le réseau 5G fera beaucoup plus appel aux technologies informatiques de virtualisation : la base de données de localisation est un peu comme un serveur web extrêmement sécurisé qui peut tourner sur un ou plusieurs PC. Il en est de même des différents contrôleurs permettant d’assurer le bon acheminement des données quand l’abonné se déplace dans le réseau. L’avantage est que l’opérateur pourra faire démarrer des machines virtuelles pour, par exemple, s’adapter à une demande accrue d’utilisateurs dans certaines zones ou à certains moments, et au contraire diminuer les capacités si peu de personnes sont présentes.
Il est donc possible de reconfigurer un réseau lorsque la charge est faible (par exemple la nuit) en regroupant les contrôleurs et les bases de données sur un nombre restreint de calculateurs et réaliser ainsi des économies d’énergie.
De nouvelles antennes
Comme nous l’avons vu, la technologie 5G n’étant pas très différente de la technologie précédente, il aurait été possible d’utiliser les mêmes fréquences que pour les réseaux 3G par exemple.
Les opérateurs et les organismes étatiques qui allouent les fréquences ont fait le choix d’utiliser d’autres fréquences. Cela pour plusieurs raisons : pour satisfaire une demande de débit sans cesse croissante et pour ne pas pénaliser des utilisateurs qui voudraient continuer à utiliser d’anciennes générations. Répondre à la croissance du trafic nécessite d’augmenter le spectre hertzien (c’est-à-dire les fréquences) consacré aux réseaux mobiles et cela n’est possible qu’en utilisant des gammes de fréquences plus hautes : 3,3 GHz très prochainement et probablement 26 GHz dans le futur.
Enfin, mettre en service une nouvelle technologie demande une phase de test et d’affinage avant l’ouverture commerciale. Passer à la 5G sur une bande actuellement utilisée pour une autre technologie réduirait notablement la qualité perçue par les utilisateurs (temporairement pour les possesseurs de téléphones 5G, définitivement pour les autres) et ne manquerait pas de provoquer des plaintes de nombreux clients.
Pour émettre à de nouvelles fréquences, il n’est pas nécessaire d’augmenter le nombre de sites avec des antennes-relais ; il faut cependant déployer de nouvelles antennes sur les mats existants. Ces dernières englobent un grand nombre de petites antennes et, grâce à des algorithmes de traitement de signal, ont un rayonnement plus directif qu’il est possible de contrôler finement. L’intérêt est d’avoir une transmission plus efficace en termes de rapidité, mais aussi d’énergie.
Pour comprendre, on pourrait faire une analogie avec les lampes de poche et les pointeurs-lasers. La lampe de poche, représentant les anciennes antennes, éclaire de façon diffuse dans toutes les directions et consomme beaucoup d’électricité pour finalement éclairer relativement peu loin. Le laser, au contraire, consommera moins d’énergie pour éclairer plus loin, mais de façon très étroite. Quelle que soit la technologie d’antenne, la puissance maximale du champ électromagnétique produit dans n’importe quelle direction ne doit pas dépasser les valeurs maximales autorisées pour des raisons sanitaires.
Alors, si ces nouvelles antennes consomment moins d’énergie, la 5G est-elle moins vorace ? On pourrait penser que oui, car chaque transmission d’informations consommera moins, mais malheureusement, les échanges étant de plus en plus nombreux, au global, elle devrait consommer plus. L’utilisation de nouvelles fréquences ne peut, de plus, que conduire à une augmentation de la consommation électrique des opérateurs.
Si les enchères sur les fréquences de la 5G seront lancées en France fin septembre 2020, l’on doit cependant s’attendre à une « apogée de la 5G plutôt pour 2035, sauf accélération inattendue », explique Valéry Michaux, prof. #NEOMAbs, à @FR_Conversation ➡️ https://t.co/gLN3OsiMKL pic.twitter.com/08qkGcbvyE
— NEOMA Business School (@NEOMAbs) September 11, 2020
De nouvelles applications
Lorsqu’on lance une nouvelle technologie sur le marché, il est difficile de prévoir toutes les applications, elles viennent plutôt après et sont provoquées par d’autres acteurs. Cela dit, on peut déjà imaginer plusieurs pistes.
La 5G permettra un temps de latence beaucoup plus faible entre les envois et réceptions de données. Prenons l’exemple d’un chirurgien opérant à distance avec un bras mécanique. Au moment où le robot touchera une partir du corps, l’opérateur pourra « ressentir » presque instantanément (de l’ordre de quelques ms pour une distance de quelques kilomètres) la résistance de ce qu’il touche et réagir en fonction, comme s’il opérait avec ses propres mains. Une latence faible est également utile pour les voitures autonomes et la télé-conduite de véhicules.
Pour les industriels, nous pouvons penser aux usines connectées et automatisées dans lesquelles un grand nombre de machines devront pouvoir communiquer entre elles et avec le réseau global.
La 5G est également une des technologies qui permettra le développement de l’Internet des objets. En équipant une ville de capteurs, il est possible de gérer au mieux l’éclairage public, les flux de véhicules, la collecte des déchets, etc. L’électricité peut être également mieux contrôlée avec une adaptation de la consommation en temps réel à la production par de multiples petites unités interconnectées, appelées smart grid.
Pour le grand public, l’augmentation de la vitesse du réseau permettra de télécharger plus rapidement tout type de fichiers, ou de pouvoir visionner en direct ou en streaming des vidéos de très haute qualité.
Xavier Lagrange, Professeur en systèmes réseaux, IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original