Tester l’efficacité des masques de protection

Un laboratoire de Mines Saint-Étienne et de l’Université Jean-Monnet a reçu l’accréditation pour certifier l’efficacité de filtration bactérienne des masques chirurgicaux. Jérémie Pourchez, chercheur en ingénierie pour la santé à Mines Saint-Étienne, détaille les particularités de cette expertise. Il explique également pourquoi il serait intéressant d’ouvrir ces tests aux masques grand-public en tissu.

 

La pandémie de Covid-19 entraîne une demande croissante de masques chirurgicaux, et de fait un besoin accru de tests pour évaluer ce dispositif de protection. Depuis mai 2020, un laboratoire¹ de Mines Saint-Étienne et de l’Université Jean-Monnet a été accrédité pour certifier l’efficacité de filtration bactérienne des masques chirurgicaux par l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM).

L’agence précise « qu’aucune installation de ce type n’est disponible sur le territoire national » et que cela présente alors un intérêt majeur dans le cadre de l’épidémie de COVID 19. Jérémie Pourchez, chercheur à Mines Saint-Étienne, ajoute que cette expertise est également rare au niveau international et que cette accréditation est temporaire. « Nous sommes opérationnels au niveau scientifique mais cette accréditation nécessite en temps normal plusieurs mois d’inspection supplémentaires pour les normes COFRAC qui concernent la démarche qualité », autrement dit : l’environnement du laboratoire.

Aérosols de pathogènes

Les masques chirurgicaux sont des dispositifs médicaux et répondent à un cahier des charges rigoureux et règlementé par une norme européenne (EN 14683). Il existe trois paramètres à vérifier pour valider cette norme : la propreté microbienne concernant les conditions de packaging et de stockage du masque, la respirabilité, puis la filtration bactérienne. C’est sur ce dernier aspect qu’intervient le banc de mesure développé par le laboratoire. « Le masque chirurgical protège l’environnement du porteur. Il protège typiquement le patient lorsque le chirurgien, masqué, l’opère. Nous allons donc chercher à mesurer l’efficacité du masque du porteur vers son environnement » indique Jérémie Pourchez.

« Nous plaçons le masque chirurgical entre un générateur de bioaérosols (produisant des microgouttelettes d’eau de 3 micromètres contenant une bactérie pathogène, un staphylocoque doré) et un impacteur à cascades (permettant de récolter les aérosols en fonction de leur taille dans des boîtes de pétri)» explique le chercheur. Cela permet donc aux scientifiques d’analyser quelles tailles de particules ne sont pas filtrées par le masque. Les boîtes en question sont ensuite incubées à 37°c durant au moins 24 heures pour voir s’il est possible d’en faire une culture. « Il n’est pas suffisant de montrer que le pathogène traverse le masque, , il faut démontrer qu’il soit viable et cultivable afin de déterminer si ce pathogène qui a traversé le masque pourrait infecter un hôte » souligne le chercheur.

La surprise des masques en tissu

Pour les chercheurs il est aussi intéressant d’effectuer ces tests d’efficacité sur les masques en tissus (les masques à usage non sanitaire) destinés aujourd’hui au grand public. Dans la Loire, beaucoup d’industries du textile se sont mises à fabriquer des masques en tissu dans le cadre de la lutte contre la pandémie, mais jusque-là ces masques grand public ne subissent pas de tests par filtration bactérienne avec un pathogène. « Ils ne répondent pas au même normes, mais à une spécification SPEC76 définie par l’AFNOR, et les masques grand public sont classés en deux grandes catégories de filtration, supérieurs à 70% ou 90%, alors que pour les masques chirurgicaux ils sont supérieurs à 95% ou 98% » ajoute le chercheur Stéphanois. Cependant certains industriels aimeraient connaître l’efficacité de leurs masques en tissus en ayant accès à un test avec aérosols de pathogènes.

« Parmi les masques que nous testons ici au laboratoire, il y a peut-être 15% à 20% de masques en tissus » annonce Jérémie Pourchez, « et certains industriels fabriquent des masques d’excellente qualité, presque équivalents en terme de filtration bactérienne aux masques chirurgicaux les moins efficaces ». Le chercheur insiste sur les bénéfices que pourraient représenter ces masques en tissus s’ils montraient une bonne efficacité de filtration bactérienne. En effet les masques chirurgicaux qui sont composés de matériaux plastiques sont aujourd’hui utilisés beaucoup plus largement. Malheureusement, ils sont trop souvent jetés dans l’environnement, et cela représente un impact environnemental considérable.

Des masques lavables et réutilisables ayant une efficacité de filtration bactérienne presque équivalente aux masques chirurgicaux seraient profitable en matière de développement durable. « Et là encore sur l’aspect lavable et réutilisable, il serait utile d’identifier des méthodes pour laver ces masques de manière plus écologique et pratique qu’une lessive en cycle long à 60°C » ajoute Jérémie Pourchez. « Avec des collègues de l’Université Jean-Monnet nous cherchons donc d’autres solutions, et l’une des pistes étudiées est une décontamination au micro-onde par exemple ». Une approche qui pourrait compléter celle du consortium international ReUse dont fait partie cette équipe de Mines Saint-Étienne avec une équipe d’IMT Atlantique, et qui recherche des méthodes pour décontaminer et réutiliser les masques chirurgicaux.

¹ Le laboratoire correspond à deux UMR de recherche, l’UMR INSERM U1059 Sainbiose et l’UMR EA 3064 GIMAP.

Tiphaine Claveau pour I’MTech

 

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