Le projet STREAM, sur lequel travaille Mikhaël Hadida à Mines Saint-Étienne, a pour objectif le développement d’une plateforme de culture de tissus osseux contrôlée et maîtrisée. Ce dispositif offrirait une observation plus accessible pour étudier les mécanismes en jeu dans les tissus osseux en réduisant le coût et le temps de la recherche.
Un système de culture de modèles de tissus osseux dans un environnement contrôlé et offrant une observation simplifiée : c’est le but du projet STREAM. Porté par Mikhaël Hadida, chercheur à Mines Saint-Étienne, le projet de recherche STREAM (System for bone Tissue Relevant Environment And Monitoring) vise à offrir un outil utile aux acteurs académiques et industriels pour développer de manière simplifiée, standardisée et automatisée des modèles de tissus osseux.
Ce système de culture in vitro veut présenter une alternative innovante pour s’affranchir de l’expérimentation animale dans la recherche en biologie osseuse. Dans un premier temps pensé à destination des laboratoires, il pourrait aussi servir à la validation d’un système médical pour des composés pharmaceutiques ou dispositifs médicaux. Cela pourrait par exemple offrir des avancées pour la recherche sur l’ostéoporose, ou aider à la fabrication de greffons osseux vivants pour des applications en médecine régénérative.
« La structure du dispositif permet de contrôler les paramètres mécaniques du système » commence Mikhaël Hadida. Il sera possible de contrôler les conditions de culture « et de mesurer l’activité cellulaire en récupérant des données clés en temps réel ». La capacité de contrôler l’environnement mécanique de ce type de culture est encore inédite dans la littérature scientifique. Il y aurait une meilleure reproductibilité entre les expériences, un élément essentiel pour la recherche, et le coût ainsi quel le temps de la recherche seraient réduits.
Des mécanismes encore mal connus
L’un des problèmes avec les dispositifs disponibles actuellement est le manque d’environnement contrôlé. Si l’environnement n’est pas homogène, il est difficile de tirer des conclusions sur les expériences. « Dans la recherche nous avons encore une connaissance assez floue sur ce qui implique des contraintes mécaniques sur les tissus osseux » explique Mikhaël Hadida.
Les dispositifs actuels sont en général conçus par bio-mimétisme sur de l’os déminéralisé. Cela reste très proche du système humain et suppose alors de meilleures performances. « Mais c’est aussi un système très complexe qu’il n’est pas possible de contrôler et de maîtriser » souligne le chercheur.
Il peut y avoir d’autres phénomènes en jeu et cela pèse sur la compréhension des résultats observés. Il est difficile de savoir si ce sont les paramètres appliqués qui impactent la culture, ou si ce sont d’autres mécanismes que les chercheurs ne connaissent pas. De nouvelles structures à base de collagène ont aussi vu le jour, restant tout de même sur ces systèmes très complexes. « C’est essayer de prendre un raccourci, on recherche la performance avant d’avoir compris les bases de ces mécanismes » ajoute-t-il.
Le dispositif Bone Stream
Les contraintes mécaniques de l’os ne sont pas directement liées à l’usure, mais les cellules osseuses réagissent à des stimuli mécaniques pouvant endommager les tissus osseux. Nos os sont composés d’une matrice solide et d’un fluide interstitiel. Marcher ou courir induit des micro-stimulations, des micro-compressions sur ce fluide, créant des « courants » qui stimulent les mécanismes responsables.
« Au Centre Ingénierie Santé, David Marchat peut nous créer des supports de culture sur-mesure qui sont perforés » précise Mikhaël Hadida. Le système sur lequel travaille l’équipe de chercheurs est perfusé pour reproduire ces mouvements de fluides avec le milieu de culture et obtenir des situations proches de la réalité. « Nous avons alors une bonne combinaison au niveau de la chambre de culture et du milieu de culture pour assurer que toutes les cellules osseuses aient un support bien homogène ».
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Cette homogénéité est essentielle pour contrôler le système et comprendre ce qui impacte la culture, pour être sûr que ce sont les mécanismes appliqués qui sont responsables et non pas une autre variable dont les chercheurs n’auraient pas conscience. Les paramètres testés peuvent par exemple être la vitesse de circulation du fluide ou ce qu’on appelle les contraintes de cisaillement. Si vous faites une pression sur un cube en déplaçant votre main sur le côté, vous appliquerez une force parallèle à la surface : c’est une contrainte de cisaillement.
Une observation directe
« Pour l’observation aussi ce type de dispositif présenterait un grand avantage » annonce Mikhaël Hadida. « Les systèmes de culture actuels sont destructeurs. Pour observer la culture il faut l’interrompre » précise-t-il. Il faut sortir le support de culture de son environnement et injecter des marqueurs cellulaires, puis le découper pour pouvoir passer de très fines tranches au microscope. Il est aussi possible de le broyer pour analyser l’ADN.
Si vous souhaitez étudier l’évolution de votre culture, ces méthodes destructives portent un problème conséquent. « Si vous voulez observer votre culture à un jour T, puis deux jours plus tard, puis une semaine plus tard, il faut multiplier tous les besoins pour ces observations » indique-t-il. Il faudra des supports de culture disponibles pour chaque observation, et cela représente un coût considérable en temps de travail et en coûts associés.
« Nous avons alors voulu développer une plateforme capable d’observer la culture en temps réel » annonce le chercheur. Leur support de culture est installé sur la face intérieure, transparente, de la chambre de culture. Celle-ci se continue sur une chambre focale pour suivre l’évolution à travers un microscope sans stopper le support de culture. « Nous avons aussi des capteurs pour étudier l’évolution de l’activité cellulaire » complète-t-il. « Ils suivent très précisément les modifications du milieu de culture et surveillent ainsi la progression des cellules ».
L’objectif maintenant est de continuer à développer cette plateforme pour proposer sur le marché un outil de culture qui se démarque de ce qui se fait. « Nous avons par exemple un projet en cours avec l’Agence Spatiale Européenne, concernée par cette problématique » ajoute Mikhaël Hadida. Les astronautes présents sur la Station Spatiale Internationale (ISS) sont soumis à des contraintes mécaniques particulières et présentent à leur retour un phénomène de vieillissement accéléré des tissus osseux. L’ESA est alors très impliquée dans ces recherches pour mieux comprendre ce phénomène et trouver des solutions pour y remédier.
Par Tiphaine Claveau, pour I’MTech