Pour l’industrie, il devient nécessaire de penser un produit ou un service en étant soucieux et respectueux des problématiques environnementales. Cette réflexion se traduit par une pratique qui gagne de nombreux secteurs : l’écoconception. Valérie Laforest, chercheuse en évaluation environnementale et génie de l’environnement et des organisations à Mines Saint-Étienne, éclaircit pour nous ce terme.
Que veut-dire écoconcevoir ?
VL : Le principe de l’écoconception est d’intégrer les considérations environnementales dès les premières étapes de création d’un service ou d’un produit, soit dès sa conception. C’est une méthode encadrée par des normes, aux niveaux national et international, décrivant les concepts et définissant les bonnes pratiques actuelles de l’écoconception. Il est ainsi possible d’écoconcevoir un bâtiment, aussi bien qu’un T-shirt ou qu’un service de photocopie.
Pourquoi ce besoin d’écoconcevoir ?
VL : Il n’y a plus de mystère sur la pression environnementale que nous avons sur la planète. L’écoconception est un des moyens à notre portée pour réfléchir à l’impact de nos actions sur l’environnement et aux alternatives à une production classique. Plutôt que de produire, et de chercher ensuite des solutions, il est beaucoup plus efficace et efficient de se poser des questions dès la conception du produit pour réduire ou éviter l’impact environnemental.
Sur quelles étapes s’applique l’écoconception ?
VL : Elle se base concrètement et complètement sur le cycle de vie du système, très en amont dans son existence. La réflexion d’écoconception prend en compte l’extraction de la matière première, mais aussi les phases de transformation et d’usage, jusqu’à la fin de vie. Si l’on revalorise le produit lorsqu’il n’est plus utilisable, pour le recyclage par exemple, c’est aussi de l’écoconception. Aujourd’hui les produits en fin de vie sont déposés en décharge, incinérés ou recyclés. Écoconcevoir, c’est alors penser aux matériaux que l’on peut utiliser, mais aussi réfléchir à la manière dont un produit peut être démantelé pour être intégré à un autre cycle.
Depuis quand parlons-nous de ce principe ?
VL : Les premiers outils sont arrivés au début des années 2000 mais le concept est peut-être antérieur à cela. Les enjeux environnementaux et la recherche associée montent en puissance depuis 1990. Mais l’écoconception est vraiment apparue dans un deuxième temps lorsque s’est posée la question de l’impact environnemental de choses assez discrètes : notre ordinateur, l’envoi d’un mail, la différence entre un T-Shirt en polyester et un t-shirt en coton.
Quels sont les outils à disposition de l’industrie pour écoconcevoir ?
VL : Les outils peuvent appartenir à différentes catégories. Il y en a de relativement simples comme les check-list ou diagrammes, et d’autres plus complexes. Il y a par exemple des outils d’analyse de cycle de vie pour identifier les impacts environnementaux, ou des logiciels pour intégrer les indicateurs environnementaux dans les outils de conception. Ces derniers demandent une certaine expertise en évaluation environnementale et une bonne compréhension des indicateurs environnementaux. Et les concepteurs et designers ne sont pas formés à ce type d’outils.
Existe-t-il des freins au développement de cette pratique ?
VL : Il y a un vrai besoin de développement d’outils appropriés à l’écoconception. Certes il en existe déjà, mais ils ne sont pas vraiment adaptés, et certains sont difficilement appréhendables. C’est justement une de nos actions en tant que chercheurs de développer de nouveaux outils et méthodes de la performance environnementale d’activités anthropiques. Nous avons par exemple des projets avec le pôle Écoconception, un acteur très fort de la région stéphanoise, mais aussi au niveau national.
Au-delà des outils, il faut aussi aller dans les entreprises pour faire bouger les choses et voir ce qui les freine. Il faut se demander comment former, comment faire changer, comment pousser les entreprises à intégrer les principes d’écoconception. C’est une façon de penser complètement différente, impliquant une phase d’acceptation pour repenser les manières de faire.
Est-ce que l’économie circulaire est une forme d’écoconception ?
VL : Ou est-ce que l’écoconception est une forme d’économie circulaire ? C’est une grande question, et en fonction des acteurs, les réponses varient. Les axes contribuant à l’économie circulaire diront que l’écoconception en est une partie. Dans l’autre sens, on verra l’écoconception comme initiateur de l’économie circulaire, car il offre une vision de la circulation de la matière afin de réduire l’impact sur l’environnement. Ce qui est sûr, c’est que les deux sont liés.
Tiphaine Claveau pour I’MTech
Cet article est publié dans le cadre du cycle de veille 2020 de la Fondation Mines-Télécom, dédié au numérique durable et à l’impact du numérique sur l’environnement. Au travers d’un cahier de veille, de conférences-débats, et d’actions de promotion des sciences en coordination avec l’IMT, ce cycle s’interroge sur les incertitudes et les enjeux qui pèsent sur les transitions numérique et environnementale.
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