Nous savons exploiter le vent pour produire de l’électricité, mais les grandes éoliennes tripales ne peuvent pas s’intégrer en ville. La start-up Unéole propose ainsi une éolienne adaptée au milieu urbain, mais pas seulement. Elle offre aussi une estimation sur-mesure du mix énergétique le plus efficace. Clovis Marchetti, ingénieur de recherche chez Unéole, présente l’innovation de la start-up incubée à IMT Lille Douai, qui participait au CES de Las Vegas du 7 au 10 janvier 2020.
L’idée de la start-up Unéole naît d’un voyage en Polynésie française, des îles coupées du continent nécessitant une autonomie énergétique. Poussé par l’envie de développer les énergies renouvelables, Quentin Dubrulle se penche sur le fait qu’en zone urbaine, elles se font rares. Le vent, notamment, n’est pas exploité. « Les éoliennes classiques, de grandes tripales, n’y sont pas adaptées » indique Clovis Marchetti, ingénieur de recherche chez Unéole. « Elles sont trop grandes, produisent trop de bruit et ne peuvent pas capter les vents tourbillonnants créés par les couloirs entre les bâtiments ».
Accompagné d’ingénieurs et de chercheurs, Quentin Dubrulle forme une équipe pour étudier le sujet. Puis, en juillet 2014, il fonde Unéole, incubée à IMT Lille Douai. Ils proposent aujourd’hui une éolienne urbaine, d’un peu moins de 4 mètres de hauteur et 2 mètres de large et pouvant produire jusqu’à 1 500 kWh par an. Facilement installable sur les toits plats, elle s’adapte très bien à l’environnement des villes en captant les vents tourbillonnants des milieux urbains. Une innovation que l’équipe d’Unéole a présentée au CES de Las Vegas du 7 au 10 janvier au sein de la délégation IMT.
Produire de l’énergie à bas coût carbone est au cœur du projet. Cela se ressent dans le choix des matériaux et du mode de production. Les pièces sont découpées au laser, une technologie connue et utilisée par beaucoup d’industries à travers le monde. De fait, s’il est question d’installer ces éoliennes sur un autre continent, les pièces peuvent être découpés et assemblées sur place.
Un autre élément important est l’utilisation de matériaux éco-conçus. « Habituellement, c’est une étape de second temps » indique Clovis Marchetti, « mais elle avait une place importante dès les premiers pas d’Unéole. » Tout le squelette de cette éolienne est alors conçu avec des matériaux recyclables. « On utilise de l’aluminium et de l’acier inoxydable, recyclé et recyclable » précise-t-il. « Pour ce qui est de l’électronique, c’est forcément plus difficile. »
Portrait d’une éolienne urbaine
De forme cylindrique, l’éolienne est montée sur trois étages semblables disposant d’hélices incurvées dans lesquelles le vent peut s’engouffrer. Ces hélices sont décalées de 60° d’un étage à l’autre. « Cela améliore les performances, car la production est plus homogène tout au long de la rotation de l’éolienne » révèle Clovis Marchetti. Un autre avantage de cette architecture est de pouvoir démarrer plus facilement : peu importe la direction du vent, un endroit de l’éolienne y sera sensible et permettra d’induire un mouvement.
Le fonctionnement d’une éolienne s’explique par deux concepts d’aérodynamique : la portance et la traînée. Pour la première, une différence de pression dévie le flux de l’air et exerce alors une force, « c’est par exemple ce qui fait voler les avions » illustre Clovis Marchetti. Dans le deuxième cas, le vent souffle sur une surface et la pousse. « Notre éolienne fonctionne essentiellement avec la traînée, mais des effets de portance rentrent aussi en jeu » ajoute-t-il. « Comme l’éolienne est directement poussée par le vent, sa vitesse de rotation sera toujours approximativement égale à la vitesse du vent ».
Et cela joue un rôle important dans le bruit que produit l’éolienne. Les tripales classiques tournent plus vite que le vent grâce à la portance. Elles fendent alors le vent et produisent un sifflement. « La traînée n’entraîne pas ce souci car l’éolienne vibre très peu et n’émet pas de bruit » indique-t-il.
Un mix énergétique optimal
L’éolienne urbaine n’est pas la seule innovation proposée par Unéole. Le cœur de ce projet est de combiner les énergies renouvelables possibles pour trouver le mix énergétique le plus optimal en un point donné. De fait, cela implique un travail conséquent de modélisation pour analyser les vents sur le terrain. Cela revient à modéliser un quartier en prenant en compte tous les détails impactant les vents : l’ensemble du relief, les bâtiments, la végétation, etc. Une fois les données sur les vents récoltées auprès de Météo France, l’équipe étudie au cas par cas comment le vent se comportera en une situation donnée.
« En fonction du relief et de l’endroit, la capacité énergétique de l’éolienne peut changer du tout au tout » indique Clovis Marchetti. Cette étude des vents leur permet de générer une carte pour repérer où il est le plus pertinent de promouvoir l’éolien, mais aussi de savoir où cela fonctionne moins. « Le but est de voir la bonne manière d’utiliser les toits pour produire de l’énergie et d’optimiser le mix énergétique, il nous arrive alors d’orienter les clients vers du photovoltaïque » précise-t-il.
« Un point important est la complémentarité du photovoltaïque et de l’éolien » ajoute Clovis Marchetti. L’éolien maintient la production la nuit, mais il est aussi plus favorable à l’hiver, alors que le photovoltaïque préfèrera l’été. Le mariage des deux technologies offre des avantages considérables au niveau énergétique, par exemple, une production nivelée. « Si nous installons uniquement du solaire, nous aurons un pic de productivité l’été à midi, mais rien la nuit » précise-t-il. Il faut alors stocker ce pic d’activité, ce qui coûte cher et implique aussi une perte d’une partie de la production. Une production plus nivelée permet alors de produire plus régulièrement sans avoir à stocker l’énergie produite.
Dans ce sens, Unéole travaille sur le projet d’une plateforme de mix énergétique : un ensemble comprenant leurs éoliennes urbaines complété par un toit de photovoltaïque. Cette association de technologies permettrait de produire jusqu’à 50% d’énergie en plus par rapport à l’installation seule de panneaux photovoltaïques.
Une éolienne connectée
« Nous travaillons aussi à rendre cette éolienne connectée » ajoute Clovis Marchetti. Cela offrirait deux avantages essentiels. D’une part, l’éolienne pourrait communiquer directement sur sa production et son bon fonctionnement. Pour le propriétaire c’est un élément important pour suivre le bon fonctionnement du parc énergétique. « Si l’éolienne communique qu’elle ne tourne pas alors qu’il y a du vent, nous savons directement qu’il faut intervenir » précise-t-il.
D’autre part, une éolienne connectée pourrait prédire sa capacité de production en fonction des prévisions météorologiques. « C’est un élément clé pour la smart city de demain de pouvoir gérer la consommation en fonction de la production » complète-t-il. Nous avons aujourd’hui des prévisions météorologiques assez fiables jusqu’à 36 h à l’avance, il serait alors possible d’ajuster nos comportements. Imaginons qu’un gros coup de vent est prévu à 15 h, il serait préférable d’attendre ce moment pour lancer une simulation par exemple, coûteuse en énergie.
Le CES : dernière étape d’une accélération en 3 temps
Du 7 au 10 janvier 2020, le CES de Las Vegas marquera l’étape finale d’une accélération en trois temps pour les start-up les plus prometteuses de l’IMT.
Étape 1.
Au départ : 42 jeunes pousses issues du réseau des 11 incubateurs IMT ont participé à l’édition 2019 de Vivatech en juin dernier.
Étape 2.
Parmi celles-ci, 20 ont été retenues pour présenter leurs solutions en novembre 2019 au Prix Innovation Bercy-IMT.
Étape 3.
Lors de cet évènement, les membres du jury en ont sélectionné 10 pour bénéficier d’un tremplin international grâce au CES. Les lauréats du Prix Innovation Bercy-IMT seront dévoilés lors de la soirée Convergences 2020, le 7 janvier 2020, en présence de l’écosystème de l’innovation français.
En savoir plus sur le Prix Innovation Bercy-IMT
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