Les processus cognitifs et neurobiologiques chez les personnes dont le cerveau est traumatisé sont complexes. C’est le cas par exemple des victimes d’AVC ou des patients en état de conscience minimale, proches de l’état végétatif. À IMT Mines Alès, Gérard Dray travaille sur de nouvelles techniques mêlant imagerie cérébrale et apprentissage statistique. Ses recherches permettent de mieux observer l’activité cérébrale chez les patients. À terme, elles pourraient grandement aider à la rééducation des patients traumatisés.
À mesure que les techniques d’imagerie cérébrale deviennent plus performantes, le cerveau perd peu à peu de son mystère. Notre capacité à observer plus finement ce qu’il se passe au sein de cet organe ouvre de nombreuses perspectives, notamment en santé. À IMT Mines Alès, Gérard Dray travaille depuis quelques années sur de nouveaux outils pour la détection de l’activité cérébrale. Plus précisément, il s’attache à mieux enregistrer et mieux comprendre les signaux du cerveau enregistrés par des techniques telles que l’électroencéphalogramme (EEG) ou la spectroscopie infrarouge (NIRS). En partenariat avec le centre de recherche EuroMov de l’Université de Montpellier et les CHU de Montpellier et de Nîmes, il met en application ses recherches pour l’accompagnement de patients ayant subis de lourds dommages au cerveau.
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C’est le cas notamment des victimes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). Chez ces personnes, une partie du cerveau n’est plus irriguée par le système sanguin et se nécrose. Les neurones de cette zone meurent, et le patient peut perdre certaines fonctions, dont la motricité au niveau des jambes ou des bras. Ce handicap n’est pas nécessairement définitif. Une rééducation adaptée peut permettre de rendre à la victime d’un AVC une partie de ses capacités motrices. « C’est possible grâce à la plasticité du cerveau, qui permet de déplacer les fonctions cérébrales stockées dans la zone nécrosée vers une autre zone saine » explique Gérard Dray.
Vers la rééducation post-AVC
Concrètement, ce déplacement se fait grâce à des séances de rééducation. Durant plusieurs mois, il sera demandé à une victime d’AVC ayant perdu la motricité d’un membre de s’imaginer bouger celui-ci. Durant les premières séances, un thérapeute accompagnera le mouvement du patient. Petit à petit, le cerveau du patient recrée des connexions cérébrales dans une zone saine en associant la commande au mouvement que le corps ressent. « Ces thérapies sont récentes, elles ont moins de vingt ans » souligne le chercheur d’IMT Mines Alès. Si elles ont déjà prouvé leur efficacité, elles comptent cependant quelques limites que Gérard Dray et son équipe s’attachent à pallier.
L’un des problèmes de ces thérapies est qu’elles contiennent une grande part d’incertitude sur l’implication du patient. Lorsque le praticien bouge le membre de la victime en lui demandant de penser au mouvement, il n’a pas de garantie que le patient effectue correctement l’exercice. Or une mauvaise synchronisation peut retarder la rééducation, voire la rendre inefficace. Grâce à l’imagerie cérébrale, les chercheurs veulent s’assurer que le patient sollicite bien son cerveau et n’est pas simplement passif lors de la séance de kinésithérapie. Mieux encore : en sachant quand le patient pense à lever son bras ou sa jambe, il est possible d’autonomiser une partie de la rééducation.
« Avec nos partenaires, nous avons mis au point un dispositif qui repose sur la détection du signal dans le cerveau, et qui l’associe à un gant automatisé » décrit Gérard Dray. « Lorsque nous repérons que le patient pense à lever le bras, le gant effectue le geste associé. » Le chercheur avertit que cela ne peut pas et ne doit pas remplacer les séances avec un praticien, essentielles pour que le patient comprenne le mécanisme de rééducation. En revanche, cela permet de compléter ces séances par des exercices en autonomie qui accélèrent le déplacement des fonctions cérébrales vers une zone saine. De la même façon qu’après une fracture, un blessé doit à la fois effectuer des séances de kinésithérapie en cabinet, et des exercices seul chez lui.
Le challenge principal de ce dispositif est de parvenir à détecter le signal cérébral associé avec le mouvement du membre. Lors de l’observation de l’activité du cerveau, les outils d’imagerie captent en effet une constellation de signaux associés à toutes les activités de fond que gère le cerveau. Le signal neuronal caractéristique du mouvement d’un bras se retrouve alors noyé dans la masse. Pour l’isoler, les chercheurs font appel à des outils d’apprentissage statistique. Les patients sont d’abord invités à effectuer des actions motrices encadrées et guidées par une personne, pendant que leur activité cérébrale est enregistrée. Puis ils bougent librement au cours de plusieurs séances tout en étant encore surveillés par EEG ou NIRS. Après suffisamment d’acquisition de données, les algorithmes peuvent classer les signaux par catégorie d’action et peuvent ensuite déduire, à partir de l’imagerie cérébrale en temps réel, si le patient est en train de tenter d’essayer de mobiliser son bras ou pas.
Une première étude clinique du dispositif a été menée sur vingt sujets en partenariat avec le CHU de Montpellier. Les résultats ont permis de mettre le dispositif à l’épreuve. « Les résultats sont corrects mais ne nous satisfont pas pleinement encore » concède Gérard Dray. « Les algorithmes ne détectent l’intention du patient de bouger son bras que dans 80 % des cas. Cela signifie que deux fois sur dix, le patient y pense sans que nous ne le repérions par l’imagerie cérébrale. » Pour améliorer ce taux de détection, les chercheurs travaillent sur de nouveaux algorithmes de classification des signaux du cerveau. « Nous essayons notamment de coupler les techniques d’imagerie entre elles pour pouvoir détecter des signaux plus fins » poursuit le chercheur.
Détecter la conscience après un traumatisme crânien
L’amélioration de ces outils de détection de l’activité cérébrale ne sert pas que le dispositif de rééducation post-AVC. L’équipe d’IMT Mines Alès utilise les techniques qu’elle développe sur les personnes ayant subi un traumatisme crânien et dont l’état de conscience aurait été altéré. Suite à un accident, une victime qui ne réagit pas mais dont les fonctions respiratoires et circulatoires sont en bon état peut être dans plusieurs états différentes : état de conscience totale et normale, coma, état végétatif, état de conscience minimale, syndrome d’enfermement… « Ces différents états sont caractérisés par deux paramètres, la conscience et l’éveil » résume Gérard Dray. Dans un état normal, nous sommes éveillés et conscients. À l’inverse, une personne dans le coma n’est ni éveillée ni consciente. Une personne en état végétatif est éveillée, mais n’est pas consciente de ce qu’il se passe.
Selon ces différents états, les soins administrés et les perspectives d’amélioration seront différents. La grande difficulté pour les praticiens est de parvenir à identifier les patients qui sont éveillés sans être actifs, mais dont l’état de conscience n’est pas nul pour autant. « Chez ces personnes, il y a un espoir de faire revenir leur état de conscience à la normale » explique le chercheur. Cependant, l’état de conscience est parfois très faible, et il est nécessaire de le détecter par des outils d’imagerie cérébrale de qualité. Pour cela, Gérard Dray et son équipe utilisent des EEG couplés à un stimulus sonore. Il explique le protocole : « Nous parlons à la personne en lui expliquant que nous allons la stimuler par une série de signaux qui ont des fréquences graves, au milieu desquels il y aura des sons aux fréquences aigües. Nous lui demandons de compter les fréquences aigües. Son cerveau va réagir à chaque son, mais lors des sons aigus, la réponse cérébrale sera plus importante car ce sont ces signaux qu’il doit repérer. Plus précisément, une onde appelée P300 est générée lorsque nous sommes stimulés. Dans le cas des sons aigus, le cerveau du patient va générer cette onde de manière importante. »
Les patients dont l’état de conscience n’est pas nul vont ainsi présenter un EEG caractéristique d’une réponse à l’exercice, malgré leur impossibilité de communiquer ou de bouger. En revanche, une victime en état végétatif ne répondra pas aux stimuli. Les résultats de ces premières expérimentations cliniques sur des patients ayant subi un traumatisme crânien sont en cours d’analyse. Les premiers retours sont prometteurs pour les chercheurs, qui arrivent déjà à détecter les différences de génération des ondes P300. « Nous ne sommes qu’au début de ces travaux » rappelle Gérard Dray. « Nous avons commencé nos recherches sur la détection de conscience en 2015, et c’est un domaine très récent. » Avec les progrès croissants des techniques d’imagerie cérébrale et des outils d’apprentissage, c’est donc tout un pan de la neurologie qui s’apprête à vivre des avancées majeures.
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