MAGIC : la magie du camouflage infrarouge

Le projet MAGIC a pour objectif la mise au point d’un camouflage face aux caméras infrarouges. Au sein du projet, Mines Saint-Etienne déploie son expertise en propriétés optiques des matériaux pour atteindre ce résultat. Financé par la DGA et soutenu par l’ANR, MAGIC vise essentiellement des applications militaires. Jenny Faucheu, chercheuse à Mines Saint-Étienne sur le projet, nous explique l’approche scientifique choisie.

 

La détection infrarouge est notamment connue par le biais des caméras thermiques. Comment fonctionnent-elles ?

Jenny Faucheu : Elles reposent sur la thermographie, utilisée par exemple pour le diagnostic thermique. Ce sont les images avec des couleurs arc-en-ciel qui indiquent les rayonnements thermiques. Le principe des caméras qui produisent ce type d’image repose sur la captation des longueurs d’onde en infrarouge lointain : ce sont les longueurs d’onde de la lumière qui sont au-dessus de celles de la lumière visible, et qui correspondent au rayonnement électromagnétique d’un corps dont la température est de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de degrés. L’image affichée retranscrit les quantités de ces longueurs d’onde.

Le projet ANR MAGIC veut développer un camouflage vis-à-vis de ce type de détection. De quoi s’agit-il ?

JF : Nous utilisons un matériau à base de dioxyde de vanadium. Il dispose de propriétés thermochromes, c’est-à-dire que sa capacité à émettre des infrarouges va changer en fonction de la température. Plus précisément, nous utilisons un polymorphe de cet oxyde de vanadium — une forme cristalline particulière. Lorsqu’il est chauffé au-delà de 70 °C, sa forme cristalline change, et le matériau passe de 80 % de rayonnement d’énergie à 40 %, ce qui le fait apparaître plus froid qu’il ne l’est sur une caméra thermique. 40 % de rayonnement d’un objet à 75 °C correspondra toujours à moins de rayonnement que 80 % d’un objet à 65 °C. Cette propriété est l’une des deux propriétés de camouflage que nous souhaitons développer.

Quelle est l’autre propriété de camouflage sur laquelle vous travaillez ?

JF : Les caméras thermographiques qui produisent des images multicolores ne sont pas les seules caméras basées sur l’émission infrarouge. L’autre mécanisme de détection, c’est celui sur lequel reposent les caméras qui donnent des images nocturnes en niveaux de gris. Ces caméras amplifient les longueurs d’onde de l’infrarouge proches du visible et les affichent en blanc sur l’image. Ce qui n’émet pas du tout est affiché en noir. Et si jamais il n’y a pas assez d’énergie à amplifier sur l’image, la caméra elle-même émet un faisceau et observe ce qui revient vers elle, un peu comme un sonar. Dans ce cas, même si le matériau en oxyde de vanadium émet moins, il sera détecté car il réfléchira le faisceau de la caméra.

Comment être discret face à ce second type de caméras ?

JF : Il nous faut plutôt travailler sur la texture de la surface des matériaux et leur structure. L’approche que nous utilisons consiste à faire de la texturation par laser du matériau en oxyde de vanadium. Nous donnons une forme à la surface qui disperse les rayons infrarouges émis par la caméra dans toutes les directions. Pour cela nous travaillons avec Manutech-USD, qui dispose d’une plateforme de texturation par laser capable de travailler sur des grandes pièces complexes. Comme le faisceau n’est pas réfléchi en direction de la caméra, c’est comme s’il avait traversé complètement l’objet. Pour la caméra, si rien ne revient, c’est qu’il n’y a rien devant elle. Sur l’image, l’objet qui devrait être affiché en blanc sans camouflage sera affiché en noir.

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Quelles sont les applications envisagées de ces travaux ?

JF : MAGIC est une réponse à l’appel ASTRID, dont les projets sont financés par la direction générale de l’armement (DGA). Les applications visées sont donc essentiellement militaires. Nous travaillons avec la société Hexadrone pour construire un drone de surveillance — comme ceux que l’on trouve en magasins — furtif. Nous voulons aussi montrer qu’il est possible de réduire la signature thermique des moteurs et des fantassins. En ajoutant quelques atomes de tungstène au matériau en oxyde de vanadium, la température de changement de forme cristalline peut passer de 70 °C à 35 °C environ. C’est très pratique pour des possibles applications à l’humain. Là où une personne habillée normalement apparaîtrait à 37 °C sur une caméra, une tenue réalisée avec ce matériau spécial pourrait la rendre indétectable en la faisant apparaître bien plus froid.

 

 

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