Mieux organiser l’hôpital grâce à la simulation numérique

Comment réduire les temps d’attente aux urgences, améliorer la gestion des hospitalisations programmées, ou faire face à un afflux inattendu de patients ? Vincent Augusto, chercheur en ingénierie des systèmes de soin à Mines Saint-Étienne, tâche de répondre à ces problématiques. Il développe des programmes basés sur la simulation numérique, en vue d’optimiser les flux de patients ou l’attente au sein de l’hôpital, et plus particulièrement dans les structures d’urgence.

 

La saturation chronique des services d’urgences et les délais de prise en charge inadaptés font régulièrement l’objet de propositions d’axes d’amélioration. Plusieurs d’entre eux  ont été examinés : la réduction de l’afflux en amont, l’organisation au sein des services d’urgences, et la gestion des hospitalisations en aval. Dans ces deux derniers domaines, les modèles développés par Vincent Augusto et son équipe du living lab MedTechDesign du centre ingénierie et santé de Mines Saint-Étienne apportent des informations très intéressantes. « Nous avons travaillé sur plusieurs projets successifs avec des hôpitaux, pour lesquels nous avons développé des programmes utilisant la simulation numérique. Le principe est que tout système est susceptible d’être suivi et reproduit à partir des données qu’il génère ; arriver à les traiter en temps réel pourrait permettre une vraie optimisation des ressources. Malheureusement, il existe de grandes inégalités en matière d’informatisation d’un hôpital à un autre. »

Vincent Augusto est spécialisé en modélisation, analyse et pilotage de flux en milieu hospitalier. « A l’hôpital de Firminy, nous avons modélisé les arrivées imprévues par les urgences, pour essayer de mieux dimensionner le nombre de lits et améliorer la planification des patients programmés. » Les services programment des hospitalisations pour des patients nécessitant des explorations diagnostiques ou des traitements. Cependant, comme il est difficile de prévoir le nombre de places disponibles à l’avance, il n’est pas rare que des hospitalisations programmées soient annulées au dernier moment, allongeant les délais de prise en charge des patients. D’autre part, le manque de lits d’aval favorise le surencombrement des services d’urgence. D’où l’importance de mieux gérer les flux internes et externes à l’hôpital.

Un jumeau numérique modulaire

Au centre hospitalo-universitaire (CHU) de Saint-Étienne, un jumeau numérique du service des urgences a été créé. Il a permis d’évaluer différentes mesures mises en place pour améliorer le fonctionnement des urgences. Vincent Augusto détaille les étapes de son développement : « Il y a  d’abord une phase d’observation sur le terrain, avec collecte des données numériques à partir des différents logiciels existants. Puis vient une phase de développement qui consiste à comprendre et modéliser les flux du service, et à faire un premier modèle sur papier, confirmé par le personnel du service. Nous pouvons alors créer un modèle numérique d’évaluation reproduisant le fonctionnement des urgences, qui va ensuite subir une phase de validation. »

Pour cela les chercheurs reprennent une année antérieure d’activité du service. Ils entrent les données dans le système, et vérifient que les indicateurs prédits par le modèle correspondent effectivement à ceux enregistrés à l’époque. Cette approche comporte trois volets différents : l’un analyse le processus qui correspond au circuit de prise en charge du patient, le second les ressources humaines selon leur type d’activité, et le troisième l’organisation et les interdépendances des ressources. « Une fois le modèle validé, il est possible de tester différents scénarios car le système est modulaire : nous pouvons faire varier les ressources humaines, simuler une entrée massive de patients, réduire le temps d’obtention des examens complémentaires — comme un scanner — ou le délai de transfert vers un service d’hospitalisation… » précise le chercheur.

La première mesure testée a été la séparation en trois filières : les urgences graves (accidents de la route, problèmes respiratoires…), les urgences fonctionnelles (entorses, sutures…), et les urgences fonctionnelles rapides (des soins pouvant être réalisés rapidement). À leur entrée, les patients sont répartis dans une de ces trois filières constituées d’équipes différentes. Selon Vincent Augusto et les utilisateurs du système « Il est ainsi permis d’évaluer de manière claire le gain de temps et la réduction des coûts engendrés par des modifications organisationnelles, ou par une augmentation des ressources humaines, avant tout changement. C’est un gros plus pour les services, car les modifications d’organisation sont très chronophages, parfois dépensières, pour des impacts finalement faibles. »

L’impact réel de cette organisation sur le fonctionnement des urgences a été évalué, et a permis  de poursuivre le travail sur un autre élément d’amélioration possible : la création d’une filière pour la psychiatrie dans le service des urgences, avec des lits dédiés. Afin d’aider à dessiner les plans des futures urgences, l’équipe de Mines Saint-Étienne développe une interface en réalité virtuelle permettant de visualiser directement les flux de manière réaliste, et plus facilement ergonomique que les indicateurs et les tableaux générés par le système de simulation numérique. L’objectif étant d’optimiser les circuits effectués par les patients au sein du service ainsi que leur prise en charge médicale.

Augmenter la résilience de l’hôpital en cas d’imprévu

Cette méthode représente également une aide à la gestion des situations de crises caractérisées par un afflux massif de patients aux urgences, tels que ceux observés en cas de catastrophes, d’attentats, ou encore d’épidémie. « Le système a été développé pour gérer, en plus du flux habituel, une arrivée exceptionnelle mais prédictible de patients » précise le chercheur. Il est ainsi utile lors des plans de tensions : des situations exceptionnelles qui poussent le système dans ses retranchements. Dans ces cas, le service fait face à une situation critique de prise en charge des urgences hospitalières, pouvant aboutir au déclenchement d’un plan blanc, qui implique généralement la déprogrammation d’activités jugées non-prioritaires.

Pour ce faire, le programme est mis à jour en temps réel via une connexion directe aux systèmes informatiques de l’hôpital. Il permet donc de connaître l’état actuel du service à tout moment. En injectant dans le système un nombre variable de patients avec des pathologies spécifiques d’une situation (atteinte respiratoire grippale, plaies par balles…), la simulation permet de déterminer les mesures les plus efficaces à prendre. C’est ce que les ingénieurs appellent un outil opérationnel. « À court et moyen terme, les services  disposent ainsi d’un outil leur permettant d’optimiser la résolution des problèmes rencontrés, et ainsi améliorer les prises en charge des patients » conclut Vincent Augusto.

 

Article rédigé par Sarah Balfagon, pour I’MTech.

 

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