Acklio : relier les objets connectés à Internet

Dans l’essor considérable que connaissent les objets connectés, la question sous-jacente des réseaux qui les supportent est cruciale. Ceux appelés « LPWAN », offrant des caractéristiques de longue portée et de faible consommation énergétique adaptés à l’internet des objets, se posent comme un standard en devenir. Mais leur intégration dans l’internet classique reste à être assurée. C’est la mission que remplit la très prometteuse start-up Acklio, essaimage d’IMT Atlantique et finaliste du Prix Innovation Bercy-IMT, qui sera présente au CES 2019 du 8 au 11 janvier prochain.

 

Combien seront-ils en 2020 ? 2 milliards ? 30 milliards ? Peut-être même 80 milliards ? Si les estimations du nombre d’objets connectés d’ici à 5 ans varient du simple au quarantuple selon les cabinets de conseil ou think tank considérés, une chose apparaît sûre : l’ordre de grandeur se jouera dans la gamme des nombres à 9 zéros ou plus. Autant de communications à assurer pour relier ces objets à Internet afin d’échanger des données avec le cloud, nos boîtes mails ou nos applications sur smartphone.

Seulement, un objet connecté n’est pas comme un ordinateur : il n’est pas relié à la fibre optique, et peu utilisent le WiFi pour communiquer. L’internet des objets (IoT, pour Internet of Things en anglais) s’appuie sur des réseaux radio spécifiques, appelés LPWAN — les plus connus d’entre eux étant les réseaux LoRa et Sigfox. L’un des grands enjeux du déploiement de l’IoT est donc de parvenir à assurer des transferts de données rapides et efficaces entre les réseaux LPWAN et Internet. C’est le rôle de la start-up Acklio, fondée par deux chercheurs d’IMT Atlantique : Laurent Toutain et Alexander Pelov.

Ce dernier détaille l’intérêt des industriels pour les réseaux LPWAN : « Aujourd’hui, avec 3 piles AAA, il est possible d’alimenter un compteur à gaz connecté pendant 20 ans qui transmettra un message par jour. Ces réseaux sont donc très économes en énergie, et permettent de baisser le coût des communications. » Suivi géolocalisé des objets, des animaux et des personnes, mais également logistique ou systèmes d’alertes… tous les secteurs voulant utiliser des objets connectés y auront donc recours.

Pour Alexander Pelov, cela pose cependant un problème : « Selon que l’on choisisse la technologie LoRa ou Sigfox pour mettre en place un réseau LPWAN dédié à des objets connectés, l’approche sera différente. Les développeurs ne travailleront pas exactement de la même manière par exemple. » Impossible donc d’assurer un passage à l’échelle en termes d’infrastructure ou d’environnement pour le déploiement de multiples objets connectés. Et difficile également d’assurer la fluidité du transfert de données entre les LPWAN et Internet si chaque réseau est différent. Autrement dit : un sérieux frein pour le développement de l’IoT.

Afin de lever cette barrière, l’équipe d’Acklio intègre les protocoles de base des LPWAN dans les protocoles standards d’Internet — comme l’IPv6. Alexander Pelov synthétise la démarche de sa start-up de la manière suivante : « Nous définissons une architecture générique, que nous ajoutons au niveau du serveur qui gère les objets connectés. Ensuite, nous faisons passer les messages de ces objets vers Internet et inversement via cette architecture. » La brique technologique d’Acklio se place ainsi comme un intermédiaire dans la transmission des données d’un environnement vers l’autre.

Elle repose sur un principe de compression et de fragmentation des données. Le rôle de la technologie est dans un premier temps de compresser la tête des paquets de données via un mécanisme appelé SCHC — pour static context header compression. Une étape nécessaire pour amener la connectivité Internet dans le réseau LPWAN. Parce que parfois la compression est impossible, ou qu’il arrive qu’elle produise des paquets de données encore trop volumineux pour le réseau LPWAN, Acklio permet en plus de fragmenter les paquets de données IPv6. Grâce à cette technologie deux en un, les développeurs pourront donc travailler sans se soucier de la technologie LPWAN utilisée pour l’application IoT sur laquelle ils travaillent.

Acklio, acteur de la normalisation de l’IoT

Les travaux de la jeune start-up sont si prometteurs qu’elle a été mandatée pour coordonner les travaux de standardisation de la connectivité entre les réseaux LPWAN et Internet. Acklio pilote ainsi un groupe de travail de l’IETF — organisme fortement impliqué dans l’élaboration des standards d’Internet — qui rassemble l’IEEE, la coopération 3GPP pour les standards des télécommunications en Europe, et des alliances pour la normalisation des technologies LoRa et Sigfox (réunissant par exemple Bouygues Telecom ou Orange pour la LoRa Alliance).

En tout, ce sont plus de 200 industriels qui sont représentés dans l’IETF, sans compter les institutions académiques. « C’est une instance où les chercheurs et les ingénieurs peuvent parler de besoins opérationnels, de contraintes techniques et d’enjeux scientifiques sans être dans un lobby business » témoigne Marianne Laurent, responsable du marketing de la start-up. En 2018, l’IETF a reconnu la technologie d’Acklio comme un standard. Synonyme de succès et de qualité des travaux de la start-up, cette nouvelle signifie également une ouverture de la technologie et donc de la concurrence pour la jeune pousse.

Acklio pourra cependant compter sur son avance dans le développement de sa technique de compression-fragmentation. Pour l’instant elle est encore seule, et entrera sur le marché avec deux produits qu’elle présentera à Las Vegas en janvier prochain lors du CES 2019. L’occasion peut-être de poursuivre une série de prix lancée en 2016 avec un prêt d’honneur de la Fondation Mines-Télécom, poursuivie jusqu’à l’obtention en mars dernier du Best Telecommunication Innovation Award lors du Mobile World Congress 2018. L’évènement américain sera aussi surtout l’occasion de trouver de nouveaux clients. Acklio est donc sur la bonne voie pour devenir un bel exemple de réussite de chercheurs dans le monde entrepreneurial, et de valorisation directe de recherches fondamentales en télécommunications.

 

Les LPWAN : des réseaux adaptés aux objets connectés

Alexander Pelov illustre la performance des réseaux LPWAN au travers d’un cas d’usage mené avec la ville de Rennes pour le contrôle du réseau électrique : « Avec seulement deux bornes LWPAN, il est possible de couvrir 95 % de l’agglomération rennaise. » Certes, ces performances viennent avec des contreparties : les réseaux sont lents et seuls quelques messages par jour peuvent être envoyés par les objets connectés à ces réseaux. En l’occurrence, les deux bornes supportent quotidiennement un trafic d’une centaine de messages de 12 octets. Mais les capteurs n’ont généralement pas besoin d’envoyer beaucoup d’information au serveur, ni de le faire rapidement. C’est pour cela que ces réseaux longue portée sont d’ores et déjà la base des communications entre objets connectés.

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