Les individus modestes sont-ils exclus de la révolution numérique ? On l’a longtemps cru. Ils sont peu ou pas diplômés et exercent des métiers qui ne demandent pas d’usage de l’informatique. Pourtant, ils se sont pleinement emparés d’internet et en ont fait un instrument de leur vie quotidienne. La recherche en ligne leur a ouvert un monde jusque-là hors de portée : elle leur permet de percer le mystère des termes médicaux, leur fournit des armes pour l’aide scolaire aux enfants, leur ouvre de nouvelles activités. Des biens et des services, auxquels il leur était impossible d’accéder auparavant dans ces zones rurales, sont à portée de clic, à des prix imbattables. Internet est aussi un lieu de parole et de réconfort : dans l’entre-soi des comptes Facebook, sont confiés aux proches les drames de la vie en milieu populaire – le célibat subi, la perte d’emploi, les incertitudes du travail précaire.
Mais cette aventure a un coût. Ces outils, dont le potentiel d’individualisation est fort, fragilisent la vie collective familiale en multipliant les « moments à soi » entre conjoints et en rendant le contrôle de la sociabilité des enfants impossible. Les achats en ligne contribuent à détruire le petit commerce et à désertifier l’environnement immédiat. Les relations électroniques avec Pôle Emploi ou la CAF tournent souvent au cauchemar et transforment l’État providence en État tourmenteur.
Fondée sur des entretiens et l’analyse approfondie de comptes Facebook, cette recherche sur les classes populaires non précaires, éclaire la tension constante entre ouverture et risque que représente la course à la modernité électronique.
L’internet des familles modestes
Enquête dans la France rurale
Dominique Pasquier
Presses des Mines, 2018
Coll. « Sciences sociales »
222 pages
19 € (broché) – 13 € (numérique)
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À propos de l’auteur
Dominique Pasquier
Sociologue, directrice de recherche au CNRS, enseignant-chercheur à Télécom ParisTech, ses travaux portent sur la sociologie de la culture et des médias.
Après une série de travaux consacrés à l’analyse des professionnels de la télévision, ses recherches ont porté sur la réception de la fiction télévisuelle et la constitution des publics médiatiques.
Elle travaille actuellement sur l’articulation entre les pratiques de sociabilité, les pratiques de communication à distance et les pratiques culturelles et de loisir.
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