Parce que l’industrie n’a pas les mêmes attentes envers les objets connectés que la société civile, il faut que l’internet des objets (IoT, pour Internet of things) s’adapte à ses contraintes. Cette spécificité amène même à parler aujourd’hui d’un champ bien défini : l’IIoT, ou Industrial internet of things (internet des objets industriel). Nicolas Montavont, chercheur à IMT Atlantique, détaille les enjeux industriels qui justifient la spécificité de l’IIoT, et les défis posés à la communauté scientifique.
Quelle forme concrète prend l’IIoT ?
Nicolas Montavont : Le monitoring de chaînes de production est l’exemple le plus simple à se représenter et à comprendre. Des capteurs vont s’assurer de la bonne condition de fabrication d’un produit, en contrôlant ce qui circule sur un tapis, en mesurant la température, l’humidité, ou la luminosité pour des environnements spécifiques de travail. Ensuite, à partir de ces données récoltées, il peut y avoir des actionneurs, comme la reconfiguration d’une chaîne en fonction de l’environnement ou du contexte afin qu’une machine fasse une tâche un peu différente.
Qu’est-ce que l’IIoT apporte à une entreprise ?
NM : Il y a des gains sur tous les aspects : le temps de production, la performance de la chaîne, les coûts… Et il y a surtout un gain sur la flexibilité car le système devient plus autonome. Les chaînes de production tournent et s’adaptent avec moins d’intervention humaine. D’une fonction de gestion et de manipulation, le personnel passe à un rôle de supervision et de contrôle. C’est un changement qui favorise beaucoup les petites entreprises. Aujourd’hui, la production est très orientée sur des grands volumes. Amener de la flexibilité et de l’autonomie permet de retrouver des moyens de fabriquer des petites quantités de manière rentable.
Qu’est ce qui justifie de parler de l’IIoT comme d’un champ à part entière, en marge de l’IoT plus conventionnel ?
NM : Parce que les technologies classiques de l’IoT ne sont pas faites pour les contraintes de l’industrie. En général, lorsque l’IoT est utilisé pour des applications, il n’y pas de grandes exigences de performance. Les objets communicants sont utilisés pour envoyer des paquets de données non critiques, sans grand impératif temporel. Tout l’inverse de la demande de l’industrie, qui souhaite que ses réseaux d’objets envoient des données importantes avec le moins de latence possible. Il faut donc développer des standards de l’IoT spécifiques au milieu industriel, d’où le nom dédié IIoT. Par exemple : les entreprises ne veulent pas être contraintes par des standards propriétaires, et veulent donc pousser Internet comme réseau supportant leurs architectures.
Pourquoi les entreprises ont-elles plus de contraintes sur la performance de leurs réseaux d’objets communicants ?
NM : Un bon scénario pour se représenter les contraintes de l’industrie est celui que nous avons sélectionné pour le projet SCHEIF, mené dans le cadre de l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur (AFA). Avec la Technische Universität de Munich (TUM), nous avons initié une collaboration autour de la qualité du réseau et de la qualité des données dans un environnement industriel. Nous sommes partis d’un scénario exploitant un ensemble de robots qui se déplacent de manière autonome dans un environnement de travail. Ils peuvent accomplir des tâches spécifiques, mais aussi détecter un environnement et s’adapter. Si un humain traverse la zone par exemple, il ne faut pas que les robots le percutent. Il y a un fort enjeu de sécurité dans ce scénario, qui impose d’avoir un réseau efficace, une latence faible, une qualité de communication des données satisfaisante, et une évaluation efficace de l’état de l’environnement.
Quels sont les défis scientifiques sur un exemple comme celui-ci ?
NM : Tout d’abord, la problématique de localisation temps réel des robots en intérieur n’est pas évidente. Des technologies existent, mais elles ne sont pas parfaites encore et il faut plus de performance à ce niveau. Ensuite, il faut s’assurer que les robots s’échangent des données de monitoring de façon adéquate, en hiérarchisant les informations. La problématique centrale est « Qui doit envoyer quoi, à quel moment ? » Nous travaillons donc sur l’ordonnancement des communications et la représentation de la connaissance que les robots ont de leur environnement. De plus, nous avons des contraintes sur les consommations énergétiques, au niveau matériel d’abord, et aussi sur la partie réseau. Et enfin il y a bien entendu une dimension cybersécurité importante sur laquelle la communauté scientifique se penche avec attention.
Une école d’été franco-allemande pour l’IIoT
Du 4 au 7 septembre a lieu à Saint-Malo la première édition de l’école d’été sur l’IIoT co-organisée par la TUM et l’IMT dans le cadre de l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur, ainsi que l’IRISA (Institut de Recherche en Informatique et Systèmes Aléatoires). Réunissant des étudiants en master et en doctorat, et des chercheurs en réseaux, elle s’attarde sur la problématique du contrôle de la qualité de l’air par des objets communicants basés sur la technologie LoRa. Tenue en marge de la conférence internationale AdHoc Now, elle permet l’échange de savoirs entre des grands noms de la discipline et les étudiants, notamment au sujet des standards en cours de développement. Les codes, matériels et idées produits durant l’école d’été pourront servir de support à des innovations en termes de mesure de la qualité de l’air ; un sujet particulièrement intéressant pour Rennes métropole, partenaire de l’école d’été.
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