Des produits intelligents qui perçoivent leur environnement, communiquent, traitent l’information et agissent en conséquence… De la science-fiction ? Non, de la mécatronique ! Nous croisons au quotidien des systèmes mécatroniques, de l’appareil photographique reflex aux systèmes de freinage de nos voitures. Au-delà des caractéristiques techniques de ces appareils, le terme mécatronique s’applique également à l’aspect systémique et global de leur conception. Pierre Couturier, chercheur à IMT Mines Alès, répond à nos questions sur l’élaboration de ces systèmes multi-technologiques complexes.
Qu’est-ce que la mécatronique ?
La mécatronique est une approche interdisciplinaire et collaborative pour la conception et la production de produits multi-technologiques. Pour concevoir un produit mécatronique, il faut faire appel à plusieurs corps de métiers différents pour résoudre simultanément des problèmes d’électronique, d’informatique et de mécanique.
Aussi, la conception d’un produit mécatronique suppose d’adopter une démarche systémique et de prendre en compte les besoins des parties prenantes sur le produit tout au long de son cycle de vie, depuis sa conception, sa réalisation, sa production, son exploitation, jusqu’à son démantèlement. Les problématiques de recyclage et d’élimination des matériaux sont ainsi pensées dès les phases amont de la conception. La mécatronique amenant des corps de métiers très différents à collaborer, cette vision systémique permet de faire consensus auprès de tous les spécialistes impliqués.
Quels sont les caractéristiques d’un produit mécatronique ?
Un produit mécatronique est capable de percevoir son environnement grâce à des capteurs, de traiter l’information reçue, puis de communiquer et de réagir en conséquence dans cet environnement ou sur cet environnement. Pour développer de telles capacités, il est nécessaire d’intégrer en synergie des technologies mécaniques, électroniques, informatiques, et automatiques. L’idéal est de concevoir un produit capable de s’auto-piloter et de s’autocorriger en fonction de l’usage qui est fait de lui. Dans ce but, nous faisons appel à des technologies d’intelligence artificielle et à différentes formes d’apprentissage : supervisé, non-supervisé ou par renforcement.
Pour quels types d’application fait-on appel à des produits mécatroniques ?
On retrouve des produits mécatroniques dans de nombreux domaines : transports, mobilité, robotique, équipements industriels, machine-outil, mais également pour des applications grand public… Les appareils photographiques reflex, qui intègrent une part de mécanique avec des pièces mobiles, sont par exemple des produits mécatroniques.
Dans le transport, nous sommes également confrontés quotidiennement à la mécatronique, avec par exemple le système d’aide au freinage ABS intégré dans la plupart des véhicules individuels. Ce système détecte un patinage des roues et relâche la demande de freinage du conducteur pour rétablir l’adhérence entre la roue et la route.
Par ailleurs, à IMT Mines Alès, nous menons plusieurs projets mécatroniques autour de la santé et du handicap, notamment une roue motorisée pour fauteuil roulant tout chemin. Le principe est d’apporter une assistance électrique au fauteuil proportionnelle à la poussée exercée par la personne sur la main courante.
Quels autres types de projet sur la santé menez-vous à IMT Mines Alès ?
Dans le secteur de la santé, nous avons développé pour une société orthopédique de Lozère un dispositif de mesure des pressions exercées par la chaussure sur le pied. Ce produit est adressé aux personnes diabétiques, qui peuvent avoir un mauvais retour sensoriel au niveau des pieds : ils risquent ainsi de se blesser avec des chaussures inadaptées sans qu’ils ne ressentent de douleur. Par le biais de chaussettes, équipées de capteurs placés des points particuliers, il est possible d’identifier les zones de pression excessive. Les données sont alors transmises à un poste distant qui reporte sur un modèle en trois dimensions les différents points de pression. On peut alors en déduire les corrections à apporter sur la chaussure pour assurer le confort de la personne.
Par ailleurs, nous avons aussi mis au point, pour les personnes handicapées en scooter, une béquille escamotable qui se déploie lorsque le véhicule est à faible vitesse pour éviter que la personne ne tombe. Toujours dans le domaine du handicap, nous avons travaillé sur un système de commandes pour fauteuils roulants électriques constitué, d’une part, d’une tablette tactile avec deux zones de pression pour avancer et reculer et, d’autre part, de capteurs tactiles actionnables avec la tête pour se diriger à gauche et à droite.
Quelles difficultés peut-on rencontrer dans l’élaboration de produits mécatroniques complexes ?
La première difficulté est d’abord de faire collaborer autant de métiers différents sur la conception d’un produit. Il y a de véritables aspects humains à gérer ! La deuxième difficulté, d’ordre technique, est due aux interactions physiques, non toujours prédictibles, entre les divers composants d’un produit. À IMT Mines Alès, nous avions par exemple réalisé une machine pour tester la résistance de matelas en mousse. Un rouleau se déplaçait sur toute la longueur du matelas pour le fatiguer. Or entre la mousse et le rouleau se produisaient des phénomènes électrostatiques qui entraînaient des décharges électriques dont nous avions sous-évalué l’importance… Nous avons dû changer le matériau du rouleau pour mettre fin au problème. À cause de la complexité des systèmes, on découvre ainsi certaines interactions physiques auxquelles on ne s’attend pas toujours lors de la conception des produits !
Pour éviter ce type de problème, nous menons des recherches en ingénierie système pour évaluer, vérifier et valider des principes de solution au plus tôt dans les phases amont de la conception, avant même de lancer la réalisation physique des composants du produit. L’idéal serait évidemment de concevoir directement un produit par modélisation et simulation numérique, puis de le produire sans passer par la phase de prototypage… Mais ce n’est pas encore possible ! Dans la réalité, la mise au point d’un prototype est encore indispensable pour détecter des propriétés ou des comportements difficiles à mettre en évidence par simulation, du fait de la complexité croissante des produits mécatroniques.
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