Simuler les déformations d’un nouveau matériau composite pour l’aéronautique lors de sa mise en forme : voici le sujet de recherche de Laure Bouquerel à Mines Saint-Étienne, dans le cadre de sa thèse Cifre, portée par Hexcel et en relation avec l’INSA de Lyon. Distinguée par le concours SAMPE France, la jeune chercheuse présentera ses travaux aux journées techniques SAMPE France à Bordeaux les 29 et 30 novembre 2018, et concourra pour la sélection mondiale à Southampton, lors des rencontres européennes en septembre prochain.
Un avion se doit d’être léger… mais résistant ! Les pièces primaires qui le constituent, comme les ailes ou le fuselage, forment la structure de l’appareil et supportent les plus fortes contraintes. Ces pièces, initialement fabriquées en aluminium, ont progressivement été remplacées par des structures en matériaux composites à base de fibres de carbone et de résine polymère pour un niveau de performances mécaniques et de tenue à la corrosion accru, tout en réduisant les masses. Au cœur de la problématique des transports aéronautiques, ce gain de masse conduit à augmenter la proportion de charges utiles dans les avions, tout en induisant des réductions de consommation de carburants.
Traditionnellement, les matériaux composites pour les pièces primaires sont mis en forme par des procédés indirects. Ils consistent à utiliser un ensemble de renforts de fibres de carbone pré-imprégnées de résine. La pièce est fabriquée par superposition automatisée de couches, puis cuite en autoclave, un four à pression élevée. Ce procédé, qui est à l’heure actuelle le plus utilisé en aéronautique, est également onéreux, tant par sa mise en œuvre que par le matériau utilisé et son stockage.
« L’entreprise Hexcel propose un procédé direct, grâce à un matériau de nouvelle génération qu’elle a développé : HiTape®. Il s’agit d’un renfort unidirectionnel sec de fibres de carbone intercalé entre deux voiles thermoplastiques. Il est destiné à être déposé de façon automatisé, puis mis en forme avant d’être injecté de résine » explique Laure Bouquerel. La chercheuse mène une thèse sur ce matériau en cours de développement chez Hexcel, à Mines Saint-Étienne. L’objectif est de simuler la mise en forme de cet empilement de renforts de fibres de carbone pour mieux comprendre et anticiper les déformations, et notamment les défauts, qui peuvent survenir. Ces travaux ont valu à la jeune spécialiste des matériaux d’être lauréate du concours SAMPE France*.
Anticiper les défauts pour limiter les coûts
« Les fibres de carbone du matériau HiTape® sont toutes dans la même direction. La rigidité est maximale dans la direction des fibres. Pour fabriquer une pièce, plusieurs couches sont déposées dans des directions différentes. Cela permet d’avoir une très bonne rigidité dans les directions souhaitées, prévues lors de la conception de la structure » précise Laure Bouquerel à propos de son objet d’étude. Mais cette structure particulière et la présence du voile thermoplastique fait que, lors de sa mise en forme dans un moule, les déformations du matériau HiTape® seront spécifiques. Les tensions présentes dans le renfort sont prédominantes, et des plissements peuvent apparaître lorsque le matériau est en flexion. Enfin, des frottements peuvent survenir entre les différentes couches de renfort.
« L’apparition de plissements est un classique. En se plissant, les fibres ne seront plus rectilignes, et les contraintes qui s’appliqueront sur le matériau vont être moins bien transmises » constate la chercheuse. « Ces plissements provoquent également l’apparition de zones moins denses en fibres, où la résine va s’accumuler après la mise en forme, créant des zones de faiblesse dans le matériau. » Avec l’apparition de défauts, c’est ainsi la structure globale de la pièce finale qui est fragilisée.
L’objectif du travail de thèse de Laure Bouquerel est de simuler numériquement la mise en forme du matériau HiTape®, pour identifier et prédire l’apparition des défauts afin d’optimiser le procédé de mise en forme par ingénierie inverse. L’intérêt d’une simulation numérique ? Éviter les essais-erreurs sur des vrais matériaux en laboratoire, et limiter ainsi les délais et les coûts de développement du produit.
Une belle opportunité pour une jeune chercheuse
Diplômée de l’école d’ingénieur de Centrale Nantes, c’est en obtenant un master en matériaux avancé à l’université de Cranfield, en Angleterre, que la jeune chercheuse s’est spécialisée dans ce domaine. Forte de ce double diplôme, elle précisera encore sa vocation par la suite, lors d’une année de césure. Laure Bouquerel forgera ses premières armes chez Plastic Omnium, fournisseur de pièces automobiles à Lyon, et chez Airbus en Allemagne. D’où sa maîtrise des matériaux composites pour l’aéronautique.
Distinguée au concours SAMPE France, la doctorante présentera ses travaux aux journées techniques SAMPE France à Bordeaux les 29 et 30 novembre prochains, et participera au concours SAMPE Europe à Southampton du 11 au 13 septembre. Une occasion unique pour donner de la visibilité à ses travaux. « Ce sera l’occasion de rencontrer des industriels, mais également d’autres doctorants qui travaillent sur des sujets similaires. C’est en discutant avec ses pairs que l’on développe de nouvelles idées pour avancer dans nos domaines de recherche ! »
*Un concours international dédié à l’ingénierie des matériaux
La SAMPE (Society for the Advancement of Material Process Engineering) distingue les meilleures thèses portant sur l’étude des matériaux de structure à travers un concours international. L’édition française SAMPE France, dont Laure Bouquerel est lauréate, a été accueillie les 22 et 23 mars à Mines Saint-Étienne. La sélection mondiale se déroulera à Southampton du 11 au 13 septembre prochain, aux journées SAMPE Europe. L’objectif de ces rencontres à l’échelle internationale est de réunir industriels et chercheurs du domaine des matériaux avancés, pour bâtir des réseaux professionnels et présenter les dernières innovations techniques.