En ce début d’année 2018, IMT Lille Douai dévoile une plateforme de fabrication additive dédiée aux pièces de grande taille : LASCALA. Ce dispositif représente une innovation à l’échelle mondiale. Pouvant utiliser n’importe quel type de polymère, elle ouvre même la voie à l’impression 3D de pièces composites plusieurs mètres. Un challenge scientifique relevé avec succès, qui ouvre le champ des possibles pour les industriels.
Vous pensez avoir une bonne idée de ce qu’est une imprimante 3D ? La plateforme de fabrication additive LASCALA* risque de vous surprendre. Oubliez la tête d’impression de quelques centimètres carrés glissant sur des rails de la taille d’une règle d’écolier. Avec son bras robotisé d’une portée de plus de 2 m et une charge maximale de 150 kg, LASCALA n’a rien d’une imprimante 3D de salon. Hébergée dans les locaux d’IMT Lille Douai, elle a pour ambition de pousser la fabrication additive à base de polymères un cran plus haut dans son potentiel industriel. Jusqu’à présent cette technique de conception n’était en effet réservée qu’à des pièces plastiques de petite taille — quelques centimètres cubes. Avec LASCALA, les pièces imprimées en 3D pourront atteindre des dimensions de plusieurs mètres et être renforcées de fibres.
Fonctionnelle depuis janvier 2018, la plateforme elle-même constitue une innovation considérable dans le secteur. Le recours à un bras robotisé de grande taille se démarque déjà des autres systèmes de fabrication additive. Le choix logique aurait été d’utiliser une structure classique avec des portiques et une tête d’impression se déplaçant dessus. En somme, reproduire en plus grand ce qui est déjà connu. Toutefois, le bras robotisé présente l’avantage de disposer de 7 degrés de libertés : 6 axes de rotation et 1 plan de déplacement. La tête d’impression fixée à son extrémité peut alors tourner dans tous les sens et se déplacer dans toutes les directions de l’espace.
Autre argument de poids : ce système est à terme technologiquement plus avantageux. « Habituellement, une imprimante 3D superpose des couches planes » explique Jérémie Soulestin, chercheur en matériaux à IMT Lille Douai et en charge de LASCALA. Cela entraîne un effet d’escalier sur les bords des pièces : lorsqu’une couche moins large est placée sur une autre, il y a formation d’une marche. « Avec le robot, nous pourrons développer des couches courbes, limitant cet effet » poursuit le chercheur. Cette nouvelle manière de construction par couches courbes a un effet positif à la fois sur l’esthétisme, et sur les propriétés mécaniques des pièces.
Vers l’impression 3D de composites
Si LASCALA est la première plateforme en son genre, d’autres équipes que celle d’IMT Lille Douai se sont essayées à l’impression 3D de grande dimension. C’est le cas par exemple de Local Motors, première entreprise à avoir proposé une voiture en matériaux polymères — nommée Strati — entièrement imprimée en 3D. Mais les tentatives effectuées jusqu’alors n’ont jamais proposé des machines d’une telle flexibilité capables de déposer n’importe quel type de matériau polymère dans n’importe quelle direction. La plupart du temps, les matériaux compatibles sont même limités par le constructeur de l’imprimante 3D. LASCALA propose quant à elle une conception libre dans le choix des plastiques utilisés. « C’est cet argument et l’idée de ne pas être limité par cette contrainte qui nous a poussé à développer notre propre machine » assure Jérémie Soulestin.
Et parce qu’ils étaient désormais maîtres de la machine qu’ils concevaient, les chercheurs ont pu choisir d’aller plus loin que leur idée originale. La tête d’impression contient un dispositif d’extrusion : « une vis sans fin dans un fourreau chauffé pousse la matière au travers d’une buse qui dépose un fil fondu » détaille le chercheur. La forme des buses peut être adaptée pour déposer le fil de différentes manières et permet d’améliorer significativement la qualité des pièces. De plus, deux matières peuvent être déposées dans le même fil fondu, créant ainsi un matériau avec un cœur constitué d’un polymère, et une peau faite d’un autre plastique.
Enfin, les chercheurs ont également tenu à penser la plateforme pour les usages industriels de demain. La tête d’impression prend ainsi en charge la dépose de polymères renforcés de fibres. LASCALA peut alors réaliser de l’impression 3D de matériaux composites à fibres coupées courtes et même à fibres continues. Cette spécificité vaudra d’ailleurs à la plateforme d’être présentée au plus grand rendez-vous annuel mondial sur les composites : le salon JEC World, qui se tiendra du 6 au 8 mars à Paris. De telles capacités ne manquent pas d’intéresser les industriels. « Nous savions que le secteur aéronautique serait demandeur, mais nous avons été surpris de constater que l’automobile s’est également tournée vers nous très rapidement » constate Jérémie Soulestin. Il faudra encore une petite année pour que LASCALA passe de « fonctionnelle » à pleinement « opérationnelle ». Une année d’optimisation avant que cette innovation technique ne puisse donner naissance à de beaux projets pour préparer les procédés de fabrication de demain.
*LASCALA, LArge SCALe plAstics & composites 3D printing, est un projet soutenu par la Région Hauts-de-France et co-financé par l’Union Européenne
À écouter : le podcast de France Culture sur l’impression 3D comme révolution industrielle
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