Natacha Gondran, Mines Saint-Étienne – Institut Mines-Télécom
Dans les années 1970, des réglementations émergent pour contraindre les entreprises à prévenir la pollution industrielle. On peut citer le Clean Air Act (1970) aux États-Unis ou la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement en France (1976).Depuis, la prise de conscience des impacts environnementaux générés par l’industrie, mais aussi de l’intérêt stratégique, pour les entreprises, de les réduire, progresse. Certaines compagnies ont mis en place, dès le milieu des années 1990, des démarches pour maîtriser ces impacts. La première norme ISO 14001, sur les systèmes de management environnemental, est ainsi publiée en 1996.
À la même époque, des enjeux écologiques « planétaires » (changement climatique, érosion de la couche d’ozone et de la biodiversité) suscitent une attention grandissante. On comprend, par exemple, que les émissions de gaz à effet de serre générées en un temps et un lieu donnés auront des effets dans plusieurs dizaines d’années… et ne respectent pas les frontières ! Préserver le cadre de vie local ne suffit plus : ces problèmes globaux nécessitent l’organisation de négociations internationales entre les États, à l’image de la Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dans le cadre duquel la COP21 a été organisée fin 2015 à Paris.
Considérer les impacts amont et aval
Simultanément, cette mondialisation des enjeux écologiques s’accompagne d’une autre mondialisation, celle des chaînes logistiques. Les activités productives, générant les impacts environnementaux les plus importants, sont souvent délocalisées dans les pays du Sud.
La plupart des produits mis en vente aujourd’hui font intervenir des entreprises situées dans le monde entier. Si les émissions directes (de gaz à effet de serre, par exemple) générées sur le territoire de certains pays comme la France se stabilisent, leur empreinte écologique ou carbone – indicateur qui prend en compte les émissions associées aux consommations finales des habitants d’un pays – tend à augmenter.
Cela implique que l’entreprise qui souhaite réduire ses impacts sur l’environnement ne peut plus le faire en maîtrisant seulement les impacts environnementaux directs générés sur son site industriel. Elle doit considérer à la fois les effets amont (chaîne logistique) et aval (fin de vie) de ses produits.
La réglementation européenne encourage cette démarche dans le cadre de sa politique intégrée des produits (PIP) qui vise à « promouvoir le développement d’un marché propice à la commercialisation de produits plus écologiques et susciter un débat public sur ce thème ».
Ainsi, la directive européenne 2009/125/CE fixe des exigences en matière d’écoconception pour les produits, liées à l’énergie (en matière de consommation maximale d’énergie ou de quantités minimales de matériaux recyclés à mettre en œuvre dans la fabrication, par exemple).
Par ailleurs, la directive européenne 2008/98/CE relative aux déchets introduit le principe de la responsabilité élargie du producteur (REP) qui vise à « faire obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets qui en proviennent ».
Ce principe vise à soutenir la conception et la fabrication de produits selon des procédés qui facilitent leurs réparation, réemploi, démontage ou recyclage, dans l’optique d’une plus grande efficacité de l’utilisation des ressources naturelles. Il s’applique aux équipements électriques et électroniques dans le cadre de la directive 2012/19/UE, qui rend les producteurs de ces appareils responsables du recyclage et de l’élimination des déchets qui en sont issus.
Envisager la fin de vie du produit
L’écoconception constitue une réponse concrète que peut mettre en place l’entreprise afin d’éviter les transferts d’impacts entre les phases du cycle de vie ou entre les différents impacts environnementaux.
Elle est basée sur une démarche multicritère (prise en compte des différentes catégories d’impacts environnementaux) et multi-acteurs (prise en compte des différentes phases du cycle de vie du produit).
L’écoconception est définie par la norme NF X 30-264 comme l’« intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Cette approche dès l’amont d’un processus de conception vise à trouver le meilleur équilibre entre les exigences environnementales, sociales, techniques et économiques dans la conception et le développement de produits ».
Son principe de base est la notion de cycle de vie, qui vise à prendre en compte, au-delà des phases de fabrication et d’usage envisagées en conception traditionnelle, des considérations relatives à la fin de vie du produit : facilitation des phases de désassemblage, broyage, tri, valorisation, etc.
Une démarche d’écoconception peut aller jusqu’à la mise en œuvre de nouveaux modèles économiques : par exemple, envisager un modèle d’économie de fonctionnalité afin d’étendre la durée de vie du produit.
Des pratiques différentes
Ces dix dernières années, l’écoconception a fait sa mutation. Elle est passée de l’époque des précurseurs et de l’expertise environnementale à celle de l’éco-innovation et des changements de modèles économiques.
La performance est au centre des approches, comme on le voit avec l’évolution des normes. La version 2015 de l’ISO 14001 demande ainsi aux entreprises davantage de leadership, de performance et aussi d’intégrer la perspective du cycle de vie.
Aujourd’hui, cette demande se met en place différemment d’une entreprise à l’autre ; et les outils, méthodes ainsi que le management associé varient beaucoup selon le niveau de maturité de la firme et de son positionnement stratégique initial.
Samuel Mayer, directeur du Pôle Éco-conception et management du cycle de vie, a contribué à la rédaction de cet article.
Natacha Gondran, Enseignante-chercheuse en évaluation environnementale, Mines Saint-Étienne – Institut Mines-Télécom
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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