Et si la robotique et le machine learning vous aidaient à soigner vos douleurs lombaires ? Le projet KERAAL, porté par IMT Atlantique, travaille à la conception d’un robot humanoïde capable d’accompagner les patients atteints de lombalgie lors des exercices de rééducation à domicile. Grâce à des algorithmes d’apprentissage supervisé, le robot peut montrer au patient le bon mouvement à effectuer et corriger ses erreurs en temps réel.
La lombalgie, pathologie principalement due au vieillissement et à la sédentarité, concerne une grande majorité de la population. Pour être prise en charge, elle nécessite une rééducation menée par un kinésithérapeute, qui doit ensuite être poursuivie au quotidien et en autonomie. Cette deuxième étape pourtant clé n’est pas suivie avec suffisamment d’assiduité par la plupart des patients, entraînant des conséquences réelles sur leur état de santé. Comment les accompagner de manière personnalisée et les motiver pour mener à bien la rééducation sur le long-terme ?
Le projet KERAAL, financé par l’union européenne via le projet Echord++, porté par IMT Atlantique et réalisé en partenariat avec Génération Robot et le CHRU de Brest, a développé un robot humanoïde capable de montrer des mouvements de kinésithérapie au patient et de corriger ses erreurs en temps réel. Les chercheurs ont ainsi travaillé dans une démarche de co-conception avec les kinésithérapeutes et des psychologues, pour définir les exercices les plus pertinents à implémenter, être le plus précis possible dans la définition des gestes et des instructions orales du robot, mais également étudier son acceptabilité par les patients et les thérapeutes.
« Ce coach à domicile permet au patient d’avoir une présence physique, morale et affective, qui l’encourage à suivre correctement la rééducation. » explique Mai Nguyen, coordinatrice du projet et chercheuse au département Informatique de IMT Atlantique. « Le robot permet d’une part de surveiller quotidiennement le patient sur l’exécution d’exercices répétitifs, tâche lassante pour un thérapeute, et d’autre part d’éviter au patient de se déplacer tous les jours dans un centre de rééducation. »
Un algorithme d’apprentissage supervisé qui corrige en temps réel les mouvements du patient
En 2014, les chercheurs avaient commencé des tests avec le robot Nao, développé par SoftBank Robotics. « Nous avons trouvé que Nao avait trop peu d’articulations pour reproduire les exercices de rééducation. » affirme Mai Nguyen. « C’est pourquoi nous avons finalement choisi de travailler avec le robot Poppy, qui a notamment une colonne vertébrale. Il peut ainsi effectuer des mouvements du dos, ce qui correspond mieux au traitement de la lombalgie. »
Le petit robot humanoïde est équipé d’une caméra 3D et d’algorithmes capables d’extraire un « squelette » de la personne filmée, et de détecter ses mouvements. L’équipe d’IMT Atlantique a travaillé sur un algorithme d’apprentissage supervisé capable d’analyser le mouvement du « squelette » du patient, en le comparant aux démonstrations de l’exercice faites antérieurement par le professionnel de santé au robot. « L’algorithme sur lequel nous travaillons va déterminer quelles sont les caractéristiques communes entre les différentes démonstrations du kinésithérapeute, et quelles sont les variantes possibles, qu’il doit négliger. » précise Mai Nguyen. « Il y a des différences d’exécution qui sont acceptables. Si l’exercice est par exemple porté sur la musculature des bras, la position des pieds n’est pas importante, alors que chaque détail dans le mouvement des épaules compte. Il n’y a pas la même exigence de précision sur toutes les parties du corps, à tout instant. »
Le robot a une liste d’erreurs classiques dans les mouvements de kinésithérapies déjà identifiées, associées à des consignes spécifiques à destination du patient. Ainsi, lorsque le robot détectera une erreur dans l’exécution de l’exercice, il sera capable de communiquer oralement avec le patient tout en effectuant le bon mouvement. « Notre objectif était de créer un système interactif qui puisse répondre au patient en temps réel, sans solliciter l’intervention du kinésithérapeute. » explique Mai Nguyen. « Les données du robot pourraient ensuite être récupérables par les soignants afin d’effectuer un suivi approfondi. »
Une présence motivante et amicale
« Ce que l’on constate pour l’instant, c’est que le système est fonctionnel. Les premiers essais montrent que le robot est capable d’effectuer un suivi continu des patients, mais nous attendons la fin des tests cliniques pour conclure sur l’efficacité du robot en terme de motivation, de rééducation et sur le ressenti des patients et des kinésithérapeutes. » affirme Mai Nguyen.
Dans une démarche de co-conception, Poppy a été soumis à une pré-expérimentation lors de la phase d’élaboration du projet, auprès de cinq personnes âgées peu confrontées à la technologie. Suite à des séances d’exercices physiques coachés par le robot, des psychologues se sont entretenus avec les participants. Le but était de comprendre comment ils avaient perçu la machine, et s’ils avaient correctement interprété ses mouvements. « Avant la séance, les sujets avaient beaucoup d’appréhension à l’idée de travailler avec un robot, mais Poppy a été perçu de manière très positive, avec un côté amical qui a beaucoup plu. » explique Mai Nguyen. « Les sujets étaient très motivés pour bien réaliser leurs exercices ! » Des tests auprès de six patients souffrant de lombalgie ont par ailleurs été effectués au CHRU de Brest et au centre de rééducation de Perharidy.
Pour l’instant, l’ensemble de ces expérimentations ont été menées dans un cadre hospitalier. Mais le but des chercheurs est, à terme, de proposer un robot qui peut être emmené par le patient à son domicile, avec un programme d’exercices personnalisés déjà implémenté par le kinésithérapeute. « Nous essayons de mettre au point un système le plus léger possible, avec seulement une caméra en guise de capteur. » précise Mai Nguyen. Les chercheurs ont également lancé une étude sur le modèle économique en vue d’une production industrielle de ce robot kinésithérapeute.
« Le projet avait des racines très théoriques, mais sa réalisation est de plus en plus concrète ! » affirme Mai Nguyen. « Nous pensons que, dans quelques années, cette solution pourra être disponible sur le marché, amenant de réelles avancées dans la prise en charge des patients. »
Les travaux présentés ici sont financés partiellement par le projet européen EU FP-7 ECHORD++ KERAAL, par le projet CPER VITAAL financé par FEDER, et par le projet RoKINter de l’UBO.
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