eOdyn : une avancée technologique dans l’observation des courants marins de surface

Les méthodes de mesures actuelles des courants marins de surface sont coûteuses, difficiles à mettre en œuvre et limitées dans leur récolte d’informations. La solution proposée par la start-up eOdyn, basée sur une analyse algorithmique des données du trafic maritime, crée une réelle rupture technologique. Très abordable et plus efficace, elle permet d’observer en temps réel et différé les courants marins sur toute la surface du globe. À partir de cette technologie, eOdyn développe de nombreux services à destination des acteurs du transport maritime, de l’offshore pétrolier, du sauvetage en mer et de la recherche sur l’évolution du climat. Incubée à IMT Atlantique, la start-up a pour clients ou partenaires CMA CGM, Airbus Defence and Space, l’Agence spatiale européenne et Ifremer.

 

Pour mesurer les courants marins en haute mer, deux solutions sont principalement utilisées. La première consiste à lancer à la mer des bouées dérivantes munies de GPS et à suivre leur déplacement. Une technique historique, toujours efficace, mais coûteuse et difficile à mettre en œuvre. Elle nécessite notamment d’ensemencer l’océan de façon homogène, et de changer régulièrement les batteries de ces capteurs à la dérive. La deuxième méthode consiste à mesurer les courants marins grâce aux 6 satellites altimétriques actuellement en orbite autour de la Terre. Au mieux, lorsque les six satellites se trouvent au-dessus des océans, et non au-dessus des continents, ils permettent d’obtenir à un moment donné six mesures du niveau de la surface de l’eau, dont on peut déduire la présence et le sens des courants. Une technique qui requiert également des moyens économiques considérables, comme l’atteste le coût de 1,2 milliard d’euros du projet de développement, de lancement et de fonctionnement sur trois ans du prochain satellite altimétrique nouvelle génération, baptisé SWOT.

La start-up eOdyn propose maintenant une solution simple et peu coûteuse d’analyse numérique de données ouvertes, notamment des données AIS (Automatic Identification System), pour mesurer les courants en temps réel et différé. Ces données permettent d’exploiter les navires comme autant de capteurs récoltant des informations sur les courants. Sachant qu’environ 100 000 navires naviguent en simultané autour du globe, cela représente 100 000 points de mesures. Contre 6 actuellement fournis par les satellites.

 

Une solution simple, abordable et complète d’observation des courants marins

Chaque navire émet un message AIS toutes les dix secondes. Ce message comporte des informations sur le navire lui-même, sa position et sa route. Toutes les données sont collectées par un réseau international de récepteurs et d’antennes installés le long des côtes ou de satellites en orbite basse. Ces messages AIS sont à la base pensés et utilisés comme un système de sécurité maritime anticollision. « Il a fallu créer un système ouvert par nature qui permet des échanges entre navires d’informations non cryptées, afin qu’ils puissent se voir les uns les autres » précise Yann Guichoux, fondateur de la start-up.

eOdyn collecte et analyse ces données AIS, et les soumet à un algorithme capable d’analyser la trajectoire de chaque navire dans différentes conditions de navigation et d’en tirer un modèle de comportement hydrodynamique. À partir du mouvement du navire par rapport à sa trajectoire prévue, il déduit la direction et l’intensité du courant auquel il est soumis. « L’algorithme a besoin d’un volume conséquent de données pour fonctionner » explique Yann Guichoux. « Ici, des notions de big data et de machine learning entrent en jeu. Pour l’algorithme, il y a une phase d’apprentissage pour chaque navire analysé. »

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En plus d’être peu coûteuse, la solution proposée par eOdyn permet de fournir des données bien plus complètes que les satellites altimétriques : « La mesure par altimétrie est limitée, parce qu’on obtient des informations sur le courant uniquement perpendiculairement à la trace du satellite » précise Yann Guichoux. « Et l’information fournie ne porte que sur un courant géostrophique, un courant théorique. Le courant réel  prend en compte ce courant géostrophique, mais également le courant de marée et le courant lié à la force du vent, ce qu’eOdyn restitue. »

 

Économie de carburant, sauvetage en mer et recherches sur le climat

« Au début, notre business model consistait à vendre les données obtenues. Maintenant, nous migrons progressivement vers de la fourniture de services à valeur ajoutée à destination de différents secteurs » explique Yann Guichoux. Dans le domaine du transport maritime, plutôt que de vendre directement des données à des compagnies qui ne savent ni les traiter ni les utiliser, la start-up fournira des routes de navigation optimales pour permettre aux navires d’exploiter les courants porteurs et d’économiser ainsi du carburant. Par ailleurs, un système de monitoring est prévu à destination des sociétés de l’offshore pétrolier. Il alertera en temps réel sur la présence de tourbillons capables de perturber les opérations de forage, de causer des dégâts matériels et le rejet de polluants dans l’océan. Yann Guichoux prévoit également le développement d’un outil de prédiction de dérive pour le sauvetage en mer, qui fournira une estimation de la position d’un homme à la dérive pour aiguiller les recherches. Enfin, la start-up s’intéresse également à la fourniture de données pour la recherche sur l’évolution du climat, pour déterminer, par exemple, le ralentissement du courant du Gulf Stream.

Mais eOdyn ne s’arrêtera pas là. À partir de la même base algorithmique, modifiée avec d’importantes variantes, la start-up travaille sur de nouveaux projets de mesures de la houle et du vent, qui sortiront courant 2018. « Un navire est un mobile sur l’eau, soumis aux contraintes des courants, de la houle et des vagues. Lorsque l’on regarde les données et leur analyse, on a une signature sur ces trois paramètres » affirme Yann Guichoux. Ainsi, avec le développement de nouveaux outils basés sur l’observation de ces phénomènes, de nouveaux champs d’application restent encore à découvrir.

 

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