Quèsaco une smart grid ?

Fer de lance de la modernisation du réseau électrique, la smart grid — ou grille intelligente — est forte de promesses. Pour les énergéticiens et les consommateurs, elle permettra de faire des économies. Pour l’environnement, elle est un bon moyen de développer les énergies renouvelables. Hossam Afifi, chercheur en réseaux à Télécom SudParis, nous explique ce qui se joue derrière la smart grid.

 

Quel est le but d’une smart grid ?

Hossam Afifi : L’idée d’une smart grid est de rendre le réseau électrique plus intelligent pour faire des économies. L’objectif final c’est de ne pas gaspiller, de faire en sorte que chaque watt produit soit utilisé. Il faut comprendre qu’aujourd’hui le réseau est souvent contrôlé par des équipements électro-mécaniques et datent encore des années 1960. Pour simplifier,  il est contrôlé par des ingénieurs qui manipulent des interrupteurs pour allumer ou éteindre à distance des moyens de production et alimenter des quartiers en énergie. Avec la smart grid, tout cela sera informatisé. Cela se fait en deux étapes. D’abord en introduisant une capacité de mesure grâce à des capteurs connectés et à l’internet des objets. Et ensuite ajouter une partie contrôle via le machine learning pour piloter intelligemment les réseaux à partir des données acquises par les capteurs sans aucune intervention de l’homme .

 

Des exemples concrets de ce que la smart grid peut apporter ?

HA : La baisse de la facture énergétique pour les villes — les mairies et donc les taxes locales ­— et les grandes infrastructures est déjà un exemple concret. De façon plus visible, des projets architecturaux voient le jour pour faire des bâtiments qui abritent à la fois des bureaux et des logements, afin de lisser la consommation électrique sur la journée et limiter les pics  de surconsommation aux heures de pointe. La smart grid interroge la façon de concevoir les villes. Les zones d’activités commerciales par exemple ne sont pas du tout avantageuses pour les énergéticiens. Elles demandent beaucoup d’énergie dans des courtes périodes, entre 17 h et 19 h notamment. Cela demande d’allumer des générateurs pour assurer la même qualité de service durant ces pics. Allumer et éteindre représente un coût. Le mieux est de lisser les usages, pour faciliter ensuite l’optimisation de l’offre. C’est là que la smart grid rejoint la problématique de la ville intelligente.

 

La smart grid se veut aussi une réponse aux problématiques environnementales. Où est le lien entre les deux ?

HA : Une chose très importante qu’il faut comprendre c’est que l’énergie se stocke difficilement. C’est une des limites au déploiement des énergies renouvelables car le solaire, l’éolien ou l’énergie marine produisent parfois à des moments où nous n’avons pas besoin d’électricité. Toutefois, avec un réseau capable de gérer intelligemment la production et la distribution, les énergies renouvelables peuvent être favorisées. Par exemple, les batteries des voitures électriques peuvent être utilisées pour stocker l’énergie produite par des sources renouvelables. Lors des pics de consommation, les usagers peuvent choisir de s’effacer du réseau classique et d’utiliser l’énergie stockée par leur voiture qui est au garage, contre rétribution financière de leur fournisseur. Ceci n’est possible qu’avec un réseau intelligent capable d’adapter l’offre en temps réel à partir de gros volumes données de consommation et de production.

 

Quelle importance tiennent les données dans le déploiement des smart grids ?

HA : C’est l’un des aspects les plus importants bien sûr. Toute l’intelligence du réseau repose dessus puisque ce sont elles qui alimentent les algorithmes de machine learning. À elles seules elles demandent de mener des projets de recherche. Nous en avons soumis un par exemple avec la communauté des communes de Saclay. Nous proposons de mettre en place des banques de données publiques pour rassembler les données de production et de consommation dans cette zone-là. L’open data est une dimension importante du développement des smart grids.

 

Qu’est ce qui limite encore le déploiement des smart grids ?

HA : L’une des grosses barrières à lever est celle de la normalisation. L’idée de la smart grid vient des États-Unis, mais avec un objectif complètement différent. Là-bas, le souci principal est d’interconnecter les réseaux des états qui étaient jusqu’à présent indépendants pour éviter le black-out. En Europe, nous nous sommes inspirés de cela avec l’idée de déploiement des énergies renouvelables et d’économies énergétiques. Cependant, il nous faut aussi nous interconnecter avec les autres états européens. Et contrairement aux États-Unis, nous n’avons pas les mêmes normes sur les réseaux avec nos voisins allemands ou italiens. Il y a un gros travail à mener au niveau européen pour définir des formats de données et des protocoles communs à tous. Nous contribuons à ce travail au travers du projet SEAS mené par EDF.

À lire sur I’MTech : Comment le projet SEAS redéfinit le marché de l’énergie

 

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