Lancé le 15 novembre 2017 dans le cadre de l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur, le projet « Industry without borders » (Industrie sans frontières), rapproche scientifiques français et allemands. Alliant sociologues, économistes, chercheurs en management et en stratégie, il a pour but d’étudier la transformation des industries contemporaines. Madeleine Besson, porteuse du projet à l’IMT, explique plus en détail l’intérêt de cette collaboration avec l’université technique de Munich (Technische Universität München, TUM).
Ce projet se positionne dans le cadre de l’académie franco-allemande pour l’industrie du futur. Pouvez-vous rappeler ce que cette académie vise à achever ?
Madeleine Besson : Dans le cadre du partenariat entre l’Alliance française pour l’Industrie du Futur et la plateforme allemande Industrie 4.0, l’IMT et la Technische Universität München (TUM) ont créé, le 27 octobre 2015, l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur. Cette académie inclut la création de nouveaux contenus pour la formation à la transformation numérique, des écoles d’été, et pour une grande part des projets de recherche en commun. Ceux-ci portent aussi bien sur des thèmes très techniques comme celui des architectures hybrides de blockchain pour l’industrie du futur, que sur des aspects humains et organisationnels de la numérisation.
Dans ce contexte, quel est le but du projet « Industry without borders » ?
MB : L’industrie du futur est caractérisée par des réseaux et des liens entre une variété d’éléments hétérogènes. Les technologies de production, les organisations, les activités d’innovation et les produits — pour n’en nommer que quelques-uns — seront étroitement liés les uns aux autres. En conséquence, des données, des informations et des connaissances seront échangées entre tous ces éléments. Certains de ces échanges auront lieu entre des personnes ou seront au moins contrôlés par eux. Mais dans d’autres cas, ils auront lieu entre des systèmes cyber-physiques sans intervention humaine ni contrôle direct. Les frontières organisationnelles ne limiteront plus les échanges et les flux d’informations qui en résulteront. C’est précisément pourquoi le projet « Industrie without Borders » cherche à comprendre comment la transformation numérique des industries modifie les frontières organisationnelles.
Quelles sont les expertises de l’IMT et de la TUM dans l’étude des transformations des organisations ?
MB : Je coordonne l’équipe française composée de chercheurs de l’IMT répartis sur trois sites : Télécom Ecole de Management (TEM) en région parisienne, Mines Saint-Étienne et IMT Atlantique en Bretagne. Nous avons réuni des expertises tant en management et en marketing à TEM, qu’en stratégie à Mines Saint-Étienne ou qu’en économie à IMT Atlantique. Tous les chercheurs sont fortement impliqués dans la compréhension de l’impact de la numérisation dans leur domaine.
Du côté de la TUM, et plus précisément du MCTS (centre de recherche sur les technologies et la société de l’Université Technologique de Münich), l’expertise de l’équipe de Uli Meyer se situe dans les champs de la sociologie. Cela englobe la sociologie du travail, la sociologie de l’innovation et la sociologie des sciences et des techniques.
Que vous apporte une collaboration avec une université technique allemande ?
MB : Qu’il s’agisse des équipes de TEM ou des chercheurs de Mines Saint-Étienne et d’IMT Atlantique, nous avons une tradition de recherche en management appliquée aux technologies. C’est aussi le cas des chercheurs du MCTS. Cette collaboration nous permet d’étudier un sujet important avec une équipe renforcée et dédiée à cette thématique, de combiner des méthodes complémentaires et d’explorer le sujet des deux côtés du Rhin.
Du point de vue des méthodes, le MCTS est spécialisé dans les méthodes d’ethnographie d’entreprise auxquelles ils vont nous former. À l’inverse nous avons des expertises en matière d’économétrie dont nous pourrons les faire bénéficier. Pour bâtir une véritable recherche franco-allemande, nous sommes en cours d’identification d’entreprises établies des deux côtés du Rhin pour participer à cette recherche. Là encore, la collaboration entre les équipes est précieuse.
Quelle production scientifique est attendue de ce projet ?
MB : Les résultats attendus de ce projet sont de différents types. Nous imaginons bien sûr produire des premiers résultats sur la redéfinition des frontières des organisations en cours de numérisation. Nous souhaitons les diffuser dans des conférences et des revues scientifiques. Nous avons par ailleurs un objectif complémentaire qui est de transformer les éléments recueillis pour réaliser des supports pédagogiques. Finalement, l’objectif que la TUM et nous-mêmes avons dans cette première phase de recherche est de construire un projet franco-allemand ambitieux, dont le financement sera recherché auprès d’agences de la recherche français et allemands. Pour crédibiliser la future proposition, un résultat en soi sera la capacité de l’équipe à développer une méthodologie commune et à recueillir de manière coordonnée des données dans des organisations industrielles qui ont des implantations dans les deux pays.
Le mot de Judith Igelsböck, chercheuse à la Technische Universität München (TUM)
Pour nous au MCTS, c’est un grand privilège de découvrir des cultures épistémiques différentes, et de produire des nouvelles connaissances avec les chercheurs de l’IMT. Ils ont une expérience large dans l’étude des industries et de l’innovation. Grâce à leur expertise, nous pourrons enrichir l’exploration de la façon dont les frontières industrielles se déplacent, s’effacent et se reconstruisent pour s’adapter aux impératifs d’innovation ouverte, des nouvelles technologies numériques, ou de nouvelles formes d’organisation et de distribution du travail. Cela entraînera la création d’un cadre de travail unique pour l’étude interdisciplinaire et transnationale des industries actuelles.
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