Regarder comment l’eau se diffuse dans notre cerveau pour en déduire les structures de neurones, c’est le principe de l’imagerie de diffusion et de la tractographie. Grâce à cela, les médecins peuvent améliorer leurs connaissances sur les maladies cérébrales. Chercheur en traitement de l’image à Télécom ParisTech, Pietro Gori vient de lancer le projet Neural Meta Tracts, financé par le programme Emergence de DigiCosme. Il ambitionne d’améliorer la modélisation, visualisation et manipulation des données très lourdes que produit la tractographie. Cela pourrait permettre d’améliorer considérablement l’analyse de la matière blanche dans le cerveau et ainsi de cerner plus facilement les différences morphologiques entre patients sains et malades.
Quel est le but du projet Neural Meta Tracts ?
Pietro Gori : Le projet vient de mon expérience passée. J’ai travaillé avec l’imagerie de diffusion, qui est une modalité non invasive d’imagerie cérébrale, et la tractographie. Cette technique permet d’explorer l’architecture de la matière blanche du cerveau, qui se structure sous forme de faisceaux de quelques millions d’axones neuronaux. Grâce à la tractographie, il est possible de représenter ces faisceaux sous forme de courbes dans un modèle 3D du cerveau. Cette méthode est très riche, elle donne beaucoup d’informations, mais celles-ci sont difficiles à visualiser et à utiliser pour faire des calculs informatiques. Notre objectif avec Neural Meta Tracts est de faciliter et d’accélérer la manipulation de ces données.
Qui peut tirer parti de ce genre d’amélioration de la tractographie ?
PG : En facilitant la visualisation, nous aidons déjà les cliniciens à interpréter les résultats de l’imagerie. Cela peut les conduire à diagnostiquer plus facilement des maladies cérébrales. Les neurochirurgiens peuvent aussi tirer parti de la tractographie pour de la planification d’opérations. S’ils enlèvent une tumeur, ils veulent être certains de ne pas couper des fibres dans des zones critiques du cerveau. Et plus l’image est précise, mieux ils peuvent se préparer. Pour l’amélioration des calculs et de la manipulation des données, les neurologues et radiologues qui effectuent des recherches sur le cerveau sont en demande. Comme ce sont des données lourdes, cela prend du temps de comparer des groupes de tractographies entre eux pour, par exemple, étudier l’influence de telle structure sur telle maladie.
Cela peut donc aider à comprendre certaines maladies ?
PG : Oui, en psychiatrie et neurologie les médecins-chercheurs veulent comparer des sujets sains et des sujets malades. Ils étudient ainsi les différences qui peuvent soit être la conséquence, soit la cause de la maladie. Dans le cas d’Alzheimer, il y a une atrophie de certaines parties du cerveau. Améliorer la modélisation mathématique et la visualisation des données issues de la tractographie peut donc aider les médecins-chercheurs à détecter ces altérations anatomiques du cerveau. Durant ma thèse j’ai également travaillé sur le syndrome Gilles de La Tourette. Grâce à mes travaux, nous avons pu mettre en évidence des différences anatomiques entre sujets sains et sujets malades.
Comment améliorez-vous la visualisation et la manipulation des données de tractographie ?
PG : Je travaille avec Jean-Marc Thiery et d’autres enseignants-chercheurs de Télécom ParisTech et de l’École Polytechnique sur l’application de techniques de géométrie différentielle. Nous analysons la géométrie des faisceaux d’axones neuronaux, et nous essayons de les approximer au mieux sans perdre d’information. Ensuite nous mettons au point des algorithmes qui vont être capables de comparer rapidement deux données de tractographie. Lorsque nous avons des ensembles de données qui se ressemblent, nous travaillons à les agréger, là encore en perdant un minimum d’information. Il faut bien comprendre que si vous avez une base de données d’une cohorte d’un millier de patients, comparer leurs tractographies pour estimer, par exemple, leurs moyennes ou variabilités principales peut prendre des jours de calcul avec des ordinateurs très puissants.
Avec qui collaborez-vous sur ce projet pour obtenir les données de tractographies et étudier les demandes des praticiens ?
PG : Nous utilisons une base de données librement accessible de sujets sains de très haute qualité, qui s’appelle Human Connectome Project. Ensuite, nous avons des collaborations avec des cliniciens des hôpitaux de la Pitié Salpêtrière, Sainte-Anne et du Kremlin-Bicêtre, en région parisienne. Il s’agit de radiologues, de neurologues et de neurochirurgiens. Ils apportent leur expérience sur les problématiques qu’ils rencontrent. Et nous nous concentrons sur trois cas d’usage dans un premier temps : le syndrome Gilles de La Tourette, la sclérose en plaques, et la chirurgie sur des patients atteints de tumeurs.
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