Pour percer les mystères de certaines maladies génétiques, une seule solution : analyser chaque patient gène par gène. Cette analyse du génome porte de nombreux espoirs pour comprendre les maladies rares et apporter une réponse personnalisée à chaque patient. La France souhaite doter son système de santé de cette nouvelle forme de médecine pour 2025. Dans ce contexte, les acteurs institutionnels de la santé s’allient pour élaborer des plateformes de séquençage génétique. L’une d’elles, baptisée Auragen, verra le jour dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Elle implique Mines Saint-Étienne comme partenaire du projet. Vincent Augusto, chercheur en génie industriel à l’école stéphanoise, nous détaille le but d’Auragen et son rôle dans la constitution de la plateforme.
Quel est l’intérêt de la médecine génomique ?
Vincent Augusto : Certaines maladies sont dues à des modifications du code génétique encore incomprises. C’est le cas de plusieurs formes de cancer, ou d’autres pathologies rares. Pour soigner les patients atteints de ces maladies, il est nécessaire de comprendre les altérations génétiques et de déterminer les différences avec les gènes d’une personne saine. L’idée de la génomique est donc de pouvoir séquencer le génome — l’ensemble des gènes — des patients pour comprendre leurs maladies et personnaliser ainsi le diagnostic et le traitement.
Cette médecine génomique est-elle nouvelle ?
VA : Le séquençage génétique existe depuis 40 ans, mais c’était alors une méthode très coûteuse, qui pouvait nécessiter plusieurs mois pour donner le génome entier d’un être vivant. Aujourd’hui, avec les progrès technologiques, le séquençage du génome d’un être humain ne dure que quelques heures. La principale limite au développement de la médecine génomique est d’ordre économique. Certaines start-up proposent des séquençages pour quelques milliers d’euros. Pour fournir ce service dans le cadre du parcours de santé d’un patient, il faut pouvoir réduire ce coût en industrialisant les procédés. C’est le but du projet Auragen.
Qu’est-ce que le projet Auragen ?
VA : Il s’inscrit dans le plan France médecine génomique 2025 lancé en 2016, dont le but est de développer la génomique dans le système de santé français. Le projet Auragen vise à créer dans la région Auvergne Rhône-Alpes l’une des deux plateformes de séquençage en France — l’autre étant SeqOIA en région Île-de-France. Pour cela, il rassemble les CHU de Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, deux centres de cancérologie et des centres de recherche, dont Mines Saint-Étienne. Le but est de créer une plateforme qui permette d’être la plus efficace possible pour séquencer, centraliser les échantillons, et les délivrer aux médecins, avec le plus gros débit et le moins de coûts possible.
Quelle est votre contribution au projet ?
VA : Avec Mines Saint-Étienne, nous intervenons dans l’évaluation organisationnelle de la plateforme. Notre rôle est de modéliser les composantes de la plateforme et les acteurs qui seront impliqués afin d’optimiser l’analyse des séquences et la vitesse de transmission des échantillons. Nous utiliserons pour cela des modèles mathématiques de prise en charge, pour trouver la meilleure organisation possible, de la consultation du patient avec l’oncologue, jusqu’au résultat. C’est une évaluation qui n’est pas seulement économique. Nous voulons également quantifier l’apport de la plateforme en termes de service rendu aux malades. Les outils d’évaluation seront développés de façon à être reproductibles et utilisables dans d’autres initiatives de plateformes de séquençage génétique.
Sur quelles recherches capitaliserez-vous pour évaluer l’organisation de la plateforme Auragen ?
VA : Nous nous inspirerons du projet e-SIS, auquel nous avons participé pour évaluer l’impact des technologies de l’information et de la communication en cancérologie. Ce projet s’inscrivait dans le programme de recherche sur la performance du système des soins (PREPS) du ministère de la Santé. Nous avons proposé des méthodes de modélisation des différents processus, informatisés et non-informatisés, pour comparer l’efficacité des deux. Cela nous a permis d’évaluer de façon quantitative l’apport de systèmes informatiques dans les cabinets des oncologues.
Quels sont les challenges qui se posent à vous pour l’évaluation d’une plateforme de séquençage ?
VA : Le premier challenge est d’essayer de dimensionner et de modéliser un mode de soin qui n’existe pas encore. Nous allons devoir discuter avec les oncologues et avec des chercheurs en génomique pour savoir à quel moment intégrer les technologies de séquençage dans le parcours de soin. Ensuite se pose la question de l’évaluation en elle-même. Nous avons une idée générale du coût des appareils et des opérations de séquençage. Mais cela entraîne également de nouveaux modes de prise en charge des patients auxquels il va falloir donner un coût. Et enfin, il nous faudra penser l’optimisation de tout ce qui se passe autour du séquençage en lui-même. Toutes les activités de bio-informatique permettant l’analyse des données, ou encore les canaux de transmission des échantillons ne devront pas être ralentis.
Quelles sont les échéances pour le projet Auragen ?
VA : Pour notre part, nous interviendrons durant les trois premières années du projet sur la mission d’évaluation. La durée totale du projet est de 60 mois. À la fin de cette échéance, nous devrons avoir une plateforme qui fonctionne, ouverte à tous, dont la valeur ajoutée est déterminée et quantifiée. Mais avant cela, la première échéance viendra en 2019, où nous devrons déjà être capables de soutenir un rythme de 18 000 échantillons séquencés par an.
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