Le stockage d’énergie verte est une problématique qui touche de nombreux secteurs, que ce soit dans le cadre de la transition énergétique ou pour l’alimentation d’objets connectés fonctionnant sur batteries. Thierry Djenizian, chercheur à Mines Saint-Étienne, nous explique les enjeux et plus particulièrement le fonctionnement des systèmes de stockage électrochimiques.
Pourquoi le stockage des énergies renouvelables (ENR) est-il important aujourd’hui ?
Thierry Djenizian : Il est devenu indispensable de lutter contre les multiples pollutions issues de la combustion des énergies fossiles (émission de nanoparticules, gaz à effet de serre, etc…) et de faire face à leur pénurie dans les prochaines décennies. Notre seule alternative repose sur l’utilisation d’autres sources naturelles inépuisables (hydraulique, solaire, éolien, géothermie et biomasse). Elles permettent de convertir l’énergie solaire, thermique ou chimique en énergie électrique et mécanique.
Toutefois, l’efficacité énergétique des ENR est considérablement plus faible que celle des énergies fossiles. De plus, dans le cas du solaire et de l’éolien, elles sont « intermittentes » donc variables dans le temps. Leur mise en œuvre nécessite des installations complexes et onéreuses.
Comment stocke-t-on les énergies renouvelables ?
TD : De manière générale, l’énergie produite par les ENR conduit à la production d’électricité que l’on peut stocker dans des systèmes mécaniques (barrages hydrauliques), électromagnétiques (bobines supraconductrices), thermiques (chaleur latente ou sensible) et électrochimiques (réactions chimiques impliquant un échange d’électron).
Les systèmes de stockage électrochimiques sont constitués de trois éléments : deux électrodes (conducteurs électroniques) séparées par un électrolyte (un matériau conducteur d’ions qui peut être sous la forme d’un liquide, d’un gel, d’une céramique etc.). Les transferts d’électrons se produisent à la surface des électrodes (à l’anode dans le cas d’une perte d’électron et à la cathode dans le cas contraire) et leur circulation dans le circuit se fait en sens inverse de celle des ions. Il existe trois grandes familles de systèmes de stockage électrochimiques : les accumulateurs ou batteries, les supercapacités et les piles à combustible. Dans le cas des ENR, les charges produites sont stockées préférentiellement dans des accumulateurs pour des raisons de performances énergétiques et de coût.
Comment fonctionne les systèmes de stockage par électrochimie ?
TD : Prenons l’exemple des accumulateurs (batteries rechargeables) dont les tailles varient selon l’énergie nécessaire au dispositif qu’ils alimentent. Cela peut aller d’une pile bouton pour une montre, à un moteur de voiture. Indépendamment de leurs dimensions, ces accumulateurs fonctionnent grâce à des réactions électrochimiques réversibles.
Plaçons-nous dans le cas d’un accumulateur lithium-ion déchargé. Une des deux électrodes est composée de lithium. Lorsque vous chargez la batterie en lui fournissant des charges négatives (électrons), c’est-à-dire de l’électricité produite par une ENR, l’apport d’électrons déclenche une réaction chimique qui libère le lithium de cette électrode sous forme d’ions. Ces derniers migrent alors à travers l’électrolyte pour venir s’insérer dans l’autre électrode. Lorsque tous les sites de la deuxième électrode pouvant accueillir du lithium sont occupés, la batterie est chargée.
En phase de décharge, les réactions chimiques inverses se produisent spontanément libérant à nouveau les ions lithium qui effectuent le chemin retour. Cela permet la récupération d’un courant correspondant au déplacement des charges préalablement stockées.
Quelles difficultés sont associées au stockage par les systèmes électrochimiques ?
TD : Chaque approche présente ses avantages et ses inconvénients. Par exemple, les piles à combustibles posent des problèmes de coûts élevés à cause de l’utilisation du platine pour accélérer les réactions chimiques. De plus, l’hydrogène (combustible de la pile) présente plusieurs contraintes en termes de production et de sécurité. Il est en effet difficile de l’obtenir en grande quantité autrement qu’à partir de composés hydrocarbonés (fossiles) et il s’agit d’un explosif présentant des contraintes de stockage.
Les supercapacités sont des systèmes utilisés dans des dispositifs nécessitant une forte puissance énergétique sur une durée courte. En effet, ils permettent de stocker peu de charges mais ils les redistribuent très vite. On les retrouve dans les systèmes alimentant l’ouverture des portes d’avion par exemple, car ceux-ci nécessitent une forte énergie sur une courte durée. Ils sont également utilisés dans les moteurs hybrides des voitures.
Les accumulateurs dont nous avons parlés précédemment permettent quant à eux de stocker un grand nombre de charges mais leur libération est lente. Ils ont une grande efficacité énergétique mais une faible densité de puissance. Les deux dispositifs sont en quelque sorte complémentaire.
Comparons ces dispositifs à un autre système dans lequel les électrons sont représentés par un liquide. Les supercapacités sont comme un verre d’eau. Lorsque celui-ci est renversé, il distribue rapidement le liquide qu’il contient. Les accumulateurs sont alors comparables à une bonbonne, c’est-à-dire qu’ils présentent une capacité de stockage d’eau (donc de charges) bien supérieure au verre. Cependant, la bonbonne dispose d’un goulot étroit qui empêche le liquide d’être libéré rapidement. L’idéal serait d’avoir une bonbonne qui libère son contenu et se recharge comme un verre d’eau. C’est justement le sujet des recherches actuelles qui portent sur des systèmes permettant d’obtenir de grandes densités d’énergie et de puissance.
Quels dispositifs sont propices à l’utilisation du stockage des énergies renouvelables pour s’alimenter ?
TD : Le champ d’applications est extrêmement vaste car il englobe tous les besoins énergétiques grandissants que nous devons satisfaire. Il s’étend des grandes installations (smart grid) jusqu’à l’alimentation de dispositifs microélectroniques portables (objets connectés), en passant par les transports (véhicules électriques). Dans le dernier cas, la batterie influe directement sur les performances de l’automobile écologique.
Aujourd’hui, les batteries lithium-ion permettent d’améliorer considérablement les caractéristiques techniques des véhicules électriques et rendent leur utilisation possible. Cependant, ces accumulateurs ont une efficacité énergétique qui reste 50 fois inférieure à celle des hydrocarbures. Pour réaliser des batteries capables de rendre crédible une offre de voiture électrique sur le marché, il faut avant tout augmenter la capacité de stockage d’énergie des batteries. En effet, embarquer un maximum d’énergie pour un encombrement minimal, c’est le défi de tous les transports. La voiture électrique n’échappe pas à cette contrainte.
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