Qui sont les personnes de l’ombre des expositions scientifiques ? Validation de contenu, proposition de thématiques, élaboration de problématiques à la fois scientifiques et sociétales… Pour en savoir plus, nous nous sommes entretenus avec Stephan Clémençon, chercheur spécialisé dans le machine learning à Télécom ParisTech et conseiller scientifique pour l’exposition Terra data de la Cité des Sciences et de l’industrie consacrée aux données numériques.
En quoi consiste le rôle du conseil scientifique d’exposition ?
Stephan Clémençon : L’organisation de l’exposition a commencé un an et demi environ avant sa sortie. Le conseil était complémentaire en termes de compétences puisqu’il était composé de spécialistes techniques en informatique et en données etc. et d’autres qui s’intéressent aux questions d’usages et aux problèmes juridiques. Notre objectif était d’identifier les thématiques à aborder lors de l’exposition en les illustrant d’exemples. Nous voulions avant tout faire le lien entre données et applications. Dans un deuxième temps, les organisateurs de l’exposition nous ont présenté les différents ateliers et ce qu’ils avaient fait était super.
Quels messages souhaitiez-vous faire passer ?
SC : Nous voulions montrer que les données ne sont qu’une façon de représenter de l’information. Nous abordons par exemple la notion de stockage. Souvent, les gens ne se rendent pas compte de l’aspect réseau, du fait qu’il y a des kilomètres de fibre optique au fond des océans. C’est important de montrer des images de cela. Dans la pratique, les gens allument leur ordinateur, cherchent des informations etc. mais ils n’ont pas forcément idée de l’aspect physique et concret qu’il y a derrière, comme à quoi ressemble un data center. L’important était de démystifier les données.
Sur quelle partie de l’exposition avez-vous plus particulièrement travaillé ?
SC : J’avais mentionné aux organisateurs que la biométrie pourrait faire de l’effet auprès du public. L’idée est de suivre les traces numériques des visiteurs qui sont pris en photo à l’entrée de l’exposition. Sinon, j’ai travaillé avec Françoise Soulié-Fogelman [professeur d’informatique à l’université de Tianjin en Chine] sur l’aspect algorithmique. On illustre comment fonctionnent les moteurs de recommandation et quels sont leurs principes. L’objectif étant de désacraliser l’aspect algorithmique. Un algorithme, c’est simplement une séquence de tâches qui mènent à un résultat. On explique que ce n’est pas quelque chose de nouveau et qu’ils sont déjà utilisés dans la vie courante.
Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à ce projet ?
SC : Je pense qu’aborder le sujet des données est important. Lorsque l’on parle d’intelligence artificielle, de traitement automatique par des machines etc. cela peut faire peur aux gens. C’est à juste titre car ces technologies nous rendent dépendants d’elles. Mais ce n’est pas quelque chose qui est propre au machine learning, c’est lié à toute technique. C’est donc très important d’expliquer comment ces technologies fonctionnent. La cité des sciences permet en plus de toucher les jeunes qui utilisent la technologie mais qui ne se posent pas forcément la question de comment ça fonctionne. Et puis, j’ai aussi participé par curiosité. Je ne savais pas du tout comment les expositions étaient montées et cela m’a permis de découvrir ce monde.
Quel bilan tirez-vous de l’exposition qui résulte de cette expérience et ce qu’elle pourrait engendrer ?
SC : Je trouve que c’est une petite exposition qui est bien pensée. Elle est didactique au sujet des données et à quoi elles servent. Il y a bon équilibre entre les aspects mathématiques et les usages. Ce serait intéressant de généraliser ce genre d’exposition car il y a un réel besoin d’apporter des informations sur le numérique à la société. Avec l’intelligence artificielle qui est revenue à la mode et les la robotisation qui se développe, il y a encore beaucoup de sujets souffrant d’idées reçues qui mériteraient une présentation sous forme d’exposition grand public. Nous sommes actuellement à l’aube de transformations très profondes et c’est bien si les personnes commencent à y réfléchir plutôt que de les subir.
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