Les chatbots sont-ils l’avenir de l’interaction entre humains et machines ? Ces agents conversationnels virtuels se multiplient sur les applications de messagerie pour nous proposer des services touristiques, de divertissement, de restauration… Mais tous ne se valent pas. Botfuel, start-up incubée à ParisTech Entrepreneurs propose ses services aux entreprises pour développer des chatbots haut de gamme.
Ils nous aident pour commander à manger, réserver un voyage, trouver une sortie culturelle ou un bar. Les chatbots, ces interlocuteurs virtuels qui facilitent l’accès à de nombreux services, sont de plus en plus présents sur nos applications de messagerie comme Messenger, Whatsapp, Telegram… C’est sur le marché de ces agents conversationnels que Yan Georget et Javier Gonzalez ont décidé de se placer en 2016 en fondant leur start-up Botfuel, incubée depuis un an à ParisTech Entrepreneurs. Mais pour eux, pas question de développer des chatbots bas de gamme. « Beaucoup d’acteurs visent le marché de masse, avec le plus d’utilisateurs possibles et des chatbots très facile à produire » pointe Yan Georget. « Ce n’est pas notre positionnement » tranche-t-il.
Botfuel s’adresse aux entreprises qui souhaitent apporter à leurs clients une expérience utilisateur de très bonne qualité. La jeune pousse propose ainsi des briques technologiques à l’état de l’art pour le développement d’agents conversationnels intelligents. Elle se différencie ainsi de la démarche classique adoptée pour la conception de chatbots. D’ordinaire, ceux-ci fonctionnent sur la base d’un arbre de décision établi au préalable. Les développeurs imaginent des scénarios basés sur des questions du chatbot à l’utilisateur, et tentent de prévoir toutes les réponses possibles. Seulement, l’humain est imprévisible et taquin. Il arrivera inévitablement que l’utilisateur donne une réponse imprévue, ou teste les limites de l’agent conversationnel. Les chatbots reposant sur des arbres de décision s’essoufflent rapidement et déçoivent souvent les utilisateurs.
« Nous adoptons une approche différente, basée sur des algorithmes de machine learning » explique Yan Georget. Chaque phrase d’un utilisateur est analysée pour en comprendre le sens et classifier ses intentions possibles. Botfuel travaille pour cela en collaboration avec chaque entreprise sur ses bases de données pour comprendre les motivations premières des internautes. La start-up a par exemple collaboré avec BlaBlaCar pour mettre au point des chatbots permettant de trouver facilement un covoiturage. Grâce à cette approche de conception, le chatbot est capable de donner le même sens aux phrases « je veux aller en voyage à Nantes », « j’aimerais partir en voiture à Nantes », et « je cherche un covoit’ pour Nantes ». Chose difficilement possible avec des chatbots plus classiques qui butteront sur certaines formulations sémantiques si elles ne collent pas au scénario de discussion attendu.
En utilisant également des algorithmes d’extraction d’information, pour identifier avec précision les dates, lieux, et services évoqués — et ce quel que soit leur ordre de mention dans la conversation avec le chatbot— la motivation de Botfuel est avant tout la compréhension de l’utilisateur. Pour appuyer cet aspect, Yan Georget explique le choix effectué sur la question de la correction du langage. « Les gens font des erreurs de frappe quand ils écrivent. Nous avons choisi une correction mot à mot, avec un algorithme basé sur l’occurrence de chaque mot dans la langue, sur la ressemblance avec le mot erroné entré par l’utilisateur… Nous ne corrigeons une faute de l’utilisateur que si nous sommes certains du mot qu’il a voulu écrire. » La position diffère d’autres chatbots qui basent la correction sur le sens général de la phrase. Cette seconde approche induit parfois des erreurs en attribuant à l’utilisateur des mauvaises intentions. Même si plus d’erreurs peuvent parfois être corrigées avec cette deuxième méthode, Botfuel préfère valoriser l’absence de malentendu, quitte à ce que le chatbot demande de reformuler la demande de l’utilisateur.
Les chatbots, avenir des services en ligne
En plus de BlaBlaCar, de nombreuses entreprises sont intéressées par les chatbots de Botfuel. Le courtier April et la Société générale font partie de leurs clients. Si ces nouvelles interfaces ont autant d’intérêt, c’est avant tout parce que « l’interface conversationnelle est très puissante » souligne Yan Georget. « Pour un service d’achat en ligne, vous n’avez qu’à écrire ce que vous cherchez, et vous avez déjà quasiment finalisé votre achat » L’alternative consiste à passer par le menu du site web d’un commerçant, trouver le produit souhaité dans une liste à travers les filtres de recherche… Plusieurs clics et plusieurs minutes de perdues en comparaison de la simple rédaction du message « Je cherche le dernier roman de Fred Vargas » dans l’interface d’un chatbot.
Pour les entreprises, les chatbots leur permettent également d’apprendre beaucoup sur leurs clients. Botfuel fournit un système d’analyse qui permet de mieux comprendre les liens entre les demandes formulées par les utilisateurs. En conversant avec un chatbot, le client d’un service donne bien plus d’informations qu’en naviguant sur un site web. Il explique ses centres d’intérêt de façon plus détaillée, ou manifeste son mécontentement avec plus d’arguments. Autant de points que les entreprises peuvent valoriser par la suite en améliorant leur offre à destination des utilisateurs.
Les perspectives ouvertes par les chatbots sont prometteuses, mais Yan Georget tient également à tempérer les attentes et à lever certaines craintes : « Le but du chatbot n’est pas de remplacer un humain dans l’expérience client. Leur intérêt est d’exploiter la conversation comme interface avec les machines, à la place des interactions que nous connaissons actuellement. Lorsque le système d’exploitation d’un ordinateur change de version, un utilisateur habitué doit se réadapter à la nouvelle interface. Avec un chatbot, l’interface conversationnelle ne change pas, la conversation est flexible. La seule chose qui change ce sont les fonctionnalités supplémentaires que pourra faire un chatbot à chaque mise à jour. »
Quant au caractère « intelligent » de ces chatbots, là aussi le co-fondateur de Botfuel reste prudent. Détenteur d’un doctorat en intelligence artificielle, il est conscient des limites éthiques et des risques associés à un essor débridé de cette technologie. En ligne de mire : la question de l’apprentissage non supervisé des chatbots, pour leur donner plus d’autonomie face aux utilisateurs. Pour Yan Georget, l’exemple de Tay, le chatbot de Microsoft rendu raciste sur Twitter par les utilisateurs, est marquant. « Le développement des chatbots doit être supervisé par des humains. L’auto-apprentissage serait trop dangereux, et ce n’est pas le genre de risque que nous voulons proposer aux entreprises ou aux utilisateurs finaux. »
Les chatbots : un outil pour l’éducation ?
Le 29 juin dernier à Télécom ParisTech, Botfuel et ParisTech Entrepreneurs ont joint leurs communautés autour d’un meet-up dédié aux chatbots et à l’éducation. Dans ce secteur, les agents conversationnels intelligents représentent un potentiel pour la formation personnalisée. Réviser son baccalauréat devant Roland Garros avec chatbot Messenger ReviserAvecRG, trouver sa voie avec le bot Hello Charly spécialiste du conseil d’orientation pour les jeunes de 14 à 24 ans, ou encore s’exercer à écrire dans une langue étrangère ; les chatbots pourraient bien être des outils de choix.
Le meet-up se proposait de croiser et de présenter des expériences sur des exemples concrets par des entreprises spécialisées. Il s’aligne avec le lancement des « Tech Meet-up » de l’incubateur, des rendez-vous sur des thématiques d’avenir et technologiques. Cet événement est donc le premier d’une série qui se poursuivra en octobre prochain avec un nouveau Tech Meet-up, cette fois-ci dédié à la blockchain.
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