Vers une nouvelle génération de batteries au lithium ?

Le développement des objets connectés nécessite la miniaturisation et l’intégration des composants électroniques. Thierry Djenizian, chercheur à Mines Saint-Étienne, travaille sur de nouvelles architectures pour des batteries au lithium de taille micrométrique. Elles s’avèrent très prometteuses pour l’alimentation de dispositifs intelligents. Suite à son intervention au colloque IMT dédié à l’énergie dans un contexte de transition numérique, il revient avec nous sur ses travaux et sur les enjeux de ses recherches.

 

Pourquoi est-il nécessaire de développer une nouvelle génération de batteries ?

Thierry Djenizian : C’est avant tout un souci de miniaturisation. Depuis les années 1970, la loi de Moore qui prédit une augmentation des performances des dispositifs micro-électroniques avec leur miniaturisation a été respectée. Mais dans l’intervalle, l’aspect énergétique n’a pas vraiment suivi. Nous nous retrouvons à présent face à un problème : nous savons fabriquer des composants sub-micrométriques très sophistiqués, mais les sources d’énergies dont nous disposons pour les alimenter ne sont pas intégrés dans les circuits car trop volumineuses. Nous cherchons donc à concevoir des micro-batteries pouvant s’intégrer dans les circuits comme les autres briques technologiques. Elles sont particulièrement attendues pour le développement des objets connectés, avec de nombreuses applications dans le wearable (textile intelligent par exemple), les dispotifs médicaux, etc…

 

Quelles sont les difficultés auxquelles vous vous confrontez dans la miniaturisation de ces batteries ?

TD : Une batterie est constituée de trois éléments : deux électrodes, et un électrolyte les séparant. Dans le cas des microbatteries, c’est essentiellement la surface de contact entre les électrodes et l’électrolyte qui définit les performances de stockage : plus elle est grande, mieux c’est. Mais diminuant la taille des batteries, et donc des électrodes et de l’électrolyte, il arrive un moment où la surface de contact est trop faible, et où la batterie n’est plus suffisamment performante.

 

Comment faites-vous alors pour passer sous cette taille critique sans perdre en performance ? 

TD : L’une des solutions consiste à passer d’une géométrie 2D, dans laquelle les deux électrodes sont des couches minces séparées par une troisième couche mince d’électrolyte, à une structure 3D. En utilisant une architecture en colonnes ou tubulaire de taille inférieure au micron, recouvertes des trois constituants de la batterie, nous pouvons considérablement augmenter les surfaces de contact (voir illustration ci-dessous). Actuellement, nous sommes capables de réaliser ce genre de structure à l’échelle du micromètre, et nous travaillons pour y parvenir à l’échelle du nanomètre en utilisant des nanotubes de titane.

À gauche, une batterie en structure 2D. À droite, une batterie en structure 3D : la surface de contact entre les électrodes et l'électrolyte est nettement accrue.
À gauche, une batterie en structure 2D. À droite, une batterie en structure 3D : la surface de contact entre les électrodes et l’électrolyte est nettement accrue.

 

Quel est le fonctionnement de ces nouveaux prototypes de batterie à base de nanotubes de titane ?

TD : Plaçons-nous dans le cadre d’une batterie déchargée. Une des électrodes est composée de lithium, de nickel, de manganèse et d’oxygène. Lorsque vous chargez cette batterie, en la branchant sur secteur par exemple, l’apport d’électrons déclenche une réaction électrochimique qui libère le lithium sous forme d’ions de cette électrode. Les ions lithium migrent à travers l’électrolyte et viennent s’insérer dans les nanotubes constituant l’autre électrode. Lorsque tous les sites de nanotubes pouvant accueillir du lithium sont occupés, la batterie est chargée. En phase de décharge, une réaction électrochimique spontanée se crée libérant les ions lithium des nanotubes vers l’électrode de nickel-manganèse-oxygène générant ainsi le courant souhaité.

 

Qu’en est-il de la durée de vie de ces batteries ?

TD : Lorsqu’une batterie fonctionne, il y a des modifications chimiques structurelles importantes ; les matériaux augmentent de volume puis se rétracte à cause de l’insertion réversible des ions lithium. Et je ne parle pas de petites variations de volume : la taille d’une électrode peut être multipliée par huit dans le cas des batteries 2D utilisant du silicium ! Les nanotubes présentent l’avantage d’atténuer ce phénomène, c’est donc un atout pour la durée de vie de ces batteries. En plus de cela, nous effectuons également des recherches sur les électrolytes à base de polymères auto-réparants. L’une des conséquences du gonflement est en effet que les interfaces de contact entre les électrodes et l’électrolyte sont altérées. Avec un électrolyte qui se répare tout seul, les dommages sont limités.

 

Avez-vous encore des pistes d’amélioration pour ces batteries à architecture 3D ?

TD : L’un des grands enjeux pour les composants micro-électroniques est la flexibilité. Les batteries n’échappent pas à cette règle, et nous voulons aussi les rendre étirables pour satisfaire certaines exigences. Or les nouvelles batteries lithium dont nous parlons ici ne sont pas encore étirables, elles se fracturent lorsqu’elles sont soumises à des sollicitations mécaniques. Nous travaillons donc actuellement à rendre la structure étirable, notamment en modifiant la géométrie des électrodes. L’idée est d’avoir un comportement qui rappelle celui des ressorts : couplée à un électrolyte auto-réparant, après déformation, les batteries reprendraient leur position initiale sans subir de dommage irréversible. Nous avons un brevet en cours sur ce genre d’innovation. Cette solution pourrait vraiment permettre de rendre autonome des circuits électroniques flexibles et étirables pour satisfaire de nombreuses applications, comme les textiles électroniques intelligents.

 

Cet article fait partie de notre dossier Numérique et énergie : des transitions inséparables !