Suite de notre série sur les plateformes technologiques du Carnot Télécom & Société numérique avec EUROP (Échanges et Usages pour les Réseaux Opérateurs) à Télécom Saint-Étienne. Celle-ci propose de tester physiquement des configurations réseaux afin de répondre à des besoins de services. Nous nous sommes entretenus avec son directeur Jacques Fayolle, et Maxime Joncoux, chargé de mission sur la plateforme.
Qu’est-ce qu’EUROP ?
Jacques Fayolle : La plateforme EUROP a été conçue au travers d’un double partenariat avec le conseil départemental de la Loire et LOTIM, un opérateur télécoms des territoires, filiale du groupe Axione. EUROP regroupe des chercheurs et des ingénieurs de Télécom Saint-Étienne spécialisés dans le domaine réseau et télécoms ainsi qu’en informatique. De plus en plus, on observe une convergence entre l’infrastructure et les services exploitant ces infrastructures. C’est pourquoi ces deux expertises sont complémentaires.
La problématique de la plateforme est de simuler un réseau opérateur dans une seule pièce. Pour cela, nous en avons reconstruit un complet depuis la production de services jusqu’à sa consommation par une entreprise cliente ou un particulier. On représente ainsi toutes les étapes de la chaîne de distribution d’un réseau jusqu’à la maison.
Quelles technologies sont présentes sur la plateforme ?
JF : Aujourd’hui nous sommes sur des technologies filaires qui constituent la partie opérateur d’un réseau à fibre. Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est de pouvoir comparer l’exploitation d’un service en fonction des protocoles utilisés au fil du transport du signal entre le serveur et le client final. Par exemple, nous pouvons comparer ce qui se passe dans un lotissement lorsqu’une connexion ADSL est remplacée par de la fibre optique FTTH (Fiber to the Home – Fibre optique jusqu’au domicile).
Les technologies de la plateforme évoluent mais la plateforme ne change jamais dans son ensemble. Nous ne faisons que rajouter des possibilités, car l’intérêt est de pouvoir comparer une technologie par rapport à une autre. Un dispositif télécoms a un cycle de vie de 5 à 10 ans. Au début, nous étions essentiellement autour de la technologie cuivre, puis nous avons ajouté de la fibre point-à-point, puis point-multipoint. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous avons plusieurs dizaines de technologies différentes sur la plateforme. Cela correspond à peu près à l’ensemble des technologies couramment utilisées par les opérateurs télécoms.
Maxime Joncoux : Et celles-ci sont toutes fonctionnelles. Le but est de tester des configurations techniques afin de comprendre comment fonctionne une technologie selon les agencements physiques du réseau que l’on met en place.
Comment peut-on représenter un réseau dans une pièce ?
MJ : Le réseau est très grand mais en réalité il tient dans un espace restreint. Si l’on prend l’exemple de Saint-Étienne, ce réseau entre dans un grand bâtiment alors qu’il couvre l’ensemble des communications de la ville. Cela représente environ une centaine de milliers de câbles cuivrés que l’on réduit. Au lieu d’avoir 30 connexions, nous n’en avons qu’une ou deux. Quant aux 80 kilomètres de fibre que ce réseau représente, ils sont simplement enroulés sur une bobine.
JF : Nous avons aussi des simulateurs de distance, ce sont des objets que nous pouvons configurer selon la distance que l’on souhaite représenter. Grâce à ces technologies, il nous est possible de reproduire un réseau réel à très haut débit ou ADSL. Cela nous permet de dire : si je me place dans une situation où j’ai un réseau accessible à très haut débit, par exemple au cœur de Paris, voici comment mon service va pouvoir être consommé. Ou bien si je suis dans un territoire isolé en campagne, mon débit est possiblement moins facile alors voici comment mon service peut être consommé. EUROP nous permet de tester physiquement ces réseaux plutôt que de passer par des modèles informatiques.
Ce n’est pas de la simulation mais une vraie reproduction en laboratoire. Nous pouvons mettre en place des scénarios de constat et de comparaison de situation par rapport à d’autres configurations. Nous pouvons ainsi évaluer directement l’impact que peut avoir un changement de technologie le long de la chaîne sur le service proposé par un opérateur.
A qui s’adresse la plateforme ?
JF : Nous ciblons directement les entreprises qui souhaitent faire de l’innovation sur la plateforme, soit en validant des configurations services, soit en évaluant l’évolution d’un matériel particulier dans le but d’atteindre une meilleure qualité de service ou un débit supérieur. La plateforme sert aussi directement à l’école comme outil de formation et de recherche. Enfin, elle nous permet de sensibiliser des élus ruraux sur le fait que la montée en débit est un moyen de développer leur économie territoriale.
MJ : Pour les élus, notre but est de fournir un guide pratique sur le déploiement homogène de la fibre. L’objectif n’est pas que dans 5 ans Paris et Lyon soient fibrées alors que le reste de la France est toujours avec de l’ADSL.
Pouvez-vous développer des exemples de partenariats ?
JF : Nous avons fait une étude pour Adista, un opérateur télécoms local. Celui-ci nous a présenté la charge réseau qu’il souhaitait supporter pour un évènement de portée nationale. Notre travail a été de déterminer la configuration nécessaire à mettre en place pour répondre à leur demande.
Nous avons également un partenariat avec IFOTEC, une PME qui fait des réseaux innovants du côté de Grenoble. Ensemble nous avons cherché à apporter du très haut débit dans des zones géographiques compliquées. C’est-à-dire avec des distances au nœud de réseau qui sont supérieures à celles que l’on peut trouver dans les grandes villes. La PME a développé des techniques de déport DSL (une partie de la connexion est en cuivre alors qu’il y a de la fibre en bout de course) ce qui permet d’amener au moins 20 Mo de débit à 80 kilomètres du nœud de réseau. C’est le genre de cibles industrielles avec lesquelles nous faisons de l’innovation en allant chercher un protocole ou un matériel innovant.
Que vous apporte le label Carnot ?
JF : La labellisation Carnot nous apporte de la visibilité. Les PME sont toujours un peu hésitantes dans la collaboration avec des académiques. Ce label nous amène de la crédibilité. En plus de cela, il y a la charte qualité sous-jacente au Carnot qui donne du corps à nos contrats.
Quel avenir pour la plateforme ?
JF : Notre objectif est d’aller vers une technologie OpenStack [1] utilisée dans les grands centres de données, pour nous attaquer au big data et au cloud computing. Beaucoup d’entreprises se posent la question du fonctionnement de leurs services actuels dans un mode cloud. Nous nous intéressons également à la mise en place de systèmes de configurations adaptés à l’internet des objets. L’ensemble de ces technologies repose sur un réseau efficace. La plateforme EUROP est donc là pour permettre de valider les configurations nécessaires.
[1] plateforme à base de logiciels open source pour le cloud computing
Le Carnot TSN, un gage d’excellence dans la recherche partenariale depuis 2006.
Labellisé Carnot depuis 2006, l’institut Carnot Télécom & Société numérique constitue le premier institut Carnot « Sciences et technologies de l’information et de la communication » d’ampleur nationale. Avec plus de 2000 chercheurs, il se concentre sur les implications techniques, économiques et sociales de la transition numérique. En 2016, le label était renouvelé pour la deuxième fois consécutive, démontrant ainsi la qualité des innovations produites par les collaborations entre chercheurs et entreprises.
Ses composantes sont Télécom ParisTech, IMT Atlantique, Télécom SudParis, Télécom, École de Management, Eurecom, Télécom Physique Strasbourg, Télécom Saint-Étienne, École Polytechnique (laboratoires Lix et CMAP), Strate École de Design et Femto Engineering.
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