Entretien avec Christian Roux sur les projets de l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur suite au financement gouvernemental reçu en mars dernier. Quel avenir pour les projets en cours et quels projets à venir ?
Le 22 mars dernier, Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’Industrie, du Numérique et de l’Innovation, a rendu visite à Mines Saint-Etienne. Il y annonçait un financement gouvernemental d’un million d’euros pour le déploiement de l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur. Créée en 2015 suite à la demande des ministères en charge de l’industrie de chaque pays, cette Académie marque l’entente entre l’IMT et l’université technique de Munich (TUM). Elle s’articule autour de projets communs répondant aux besoins futurs de l’industrie. Pour en savoir plus sur les enjeux de ces recherches collaboratives, et l’impact du financement annoncé par Christophe Sirugue, nous nous sommes entretenus avec Christian Roux, directeur de la recherche et de l’innovation à l’IMT.
Quelles sont les grandes problématiques de l’industrie du futur auxquelles répondent les projets de l’Académie franco-allemande ?
Parmi les enjeux actuels les plus forts dans le contexte d’une industrie fortement numérisée se trouvent la sécurité et la prévention des cyber-attaques. Si la numérisation permet des applications nouvelles, elle présente aussi une sensibilité potentielle pouvant aller jusqu’à l’arrêt complet de la production, avec des conséquences graves à plus grande échelle. C’est pourquoi cette problématique de cybersécurité est au cœur des premiers projets de l’Académie.
Un deuxième lot de projets est lié à l’organisation et la coopération. Les chaînes de production vont intégrer de plus en plus de systèmes cyber-physiques. C’est-à-dire des interactions machine-machine, une automatisation plus poussée, la présence d’engins mobiles à l’intérieur des usines… Autant d’éléments qui nous indiquent qu’il faut repenser complètement l’organisation des chaînes de production en fonction de ces technologies.
De plus, la technologie numérique a un impact fort sur l’organisation de l’entreprise, voire sur la notion même de travail. Une réflexion se développe donc également afin d’étudier comment celle-ci va évoluer et permettre d’intégrer les technologies susmentionnées tout en se numérisant elle-même au niveau managérial.
Pouvez-vous nous présenter plus en détail quelques exemples de projets de l’Académie franco-allemande ? Qu’est-ce que le financement va pouvoir leur apporter ?
Par exemple, le projet Secure Connected Industry auquel participe Eurecom, porte sur les aspects sécurité et communication dans l’usine du futur. Le constat est l’évolution dans les entreprises des besoins de communication massive entre les machines dans un contexte industriel où il faut atteindre des objectifs élevés en termes d’efficacité, de fiabilité et de temps de réponse. Il faut par ailleurs prendre en considération le nombre de communications dans cet environnement qui va être de plus en plus important. On y rencontre des capteurs, l’internet des objets, des robots, des exosquelettes et de la mobilité (chariots pour transporter des pièces et des personnes). Toutes ces technologies seront communicantes. Il faudra donc assurer la fiabilité du réseau qui les relie entre elles et c’est l’objectif de ce projet.
On trouve aussi le projet Smart Cyber-Physical Environments, auquel participe IMT Atlantique, complémentaire du précédent. Celui-ci entre dans un contexte où l’on se préoccupe de la création d’une architecture de référence qui soit à la fois logicielle et matérielle (cyber-physique) en rapport avec la chaîne de production. Autrement dit un environnement de production qui va être modulé en fonction de l’environnement afin de devenir autonome.
Ces projets et d’autres ont été amorcés en 2016. Le financement mis en place par Christophe Sirugue va permettre de les faire entrer en maturation. Ils seront ainsi dans de bonnes conditions afin de se présenter pour des financements à des guichets européens. Pour ceux qui s’y prêtent particulièrement, ce sera également l’opportunité de monter des chaires industrielles franco-allemandes avec les entreprises partenaires de l’Académie.
De nouveaux projets vont-ils également voir le jour ?
L’annonce de Christophe Sirugue est une reconnaissance et la preuve que le concept de cette Académie est en train de faire corps et que nous sommes sur la bonne voie. Nous allons désormais élargir le spectre des projets à de nouvelles thématiques. Une nouvelle phase d’amorçage va être lancée avec des appels à projet dans les thématiques des matériaux avancés, de la fabrication additive, de l’efficacité énergétique, de la logistique industrielle et du design. Des domaines d’expertises qui touchent plus particulièrement les écoles des mines, et viennent compléter utilement les compétences du numérique déjà mises en avant lors de la première phase.
L’Académie franco-allemande envisage-t-elle également de nouveaux partenariats ?
Oui, en parallèle nous sommes aussi dans une logique de création d’un club de partenaires industriels. L’idée est d’embarquer une dizaine d’industriels, dont certains sont déjà partie prenante des projets en cours. Ces industriels seront alors engagés dans la gouvernance des projets et pourront participer à l’orientation des activités de l’Académie, en recherche comme en formation. Elles pourront aussi bénéficier de la dynamique de l’Académie en retour à leur engagement et accompagner certains projets via, notamment, des chaires industrielles. Enfin, du côté IMT nous allons mettre en place une cellule interne de conduite du projet de l’Académie.
Les enjeux sur les projets sont forts. Ces actions se mènent dans le cadre d’une démarche à plus long terme de création de l’ossature de l’Académie autour de dorsales scientifiques et technologiques et de montée en puissance d’enseignants-chercheurs qui seront appelés à prendre des responsabilités au sein de l’Académie franco-allemande pour l’industrie du futur.
Retrouvez tous nos articles sur l’industrie du futur ici.
Cette Académie réunit les dynamiques académiques entre IMT et TUM sur l’industrie du futur qui viennent en appui à deux plateformes : Industrie 4.0 (un projet allemand rassemblant des industriels autour de la numérisation de l’industrie) et la plateforme Alliance pour l’industrie du futur. Cette entente entre les deux organismes pose les fondations scientifiques et technologiques autour de la thématique de l’industrie du futur. Elle permet par ailleurs de former les cadres de cette Académie. Le volet formation s’adresse aux principaux agents de cette nouvelle industrie : du cadre intermédiaire au dirigeant d’entreprise, en passant par le cadre supérieur.
L’Académie franco-allemande : de la recherche à la formation
En savoir +