Enerdigit : une « smart grid » responsable en période de grand froid

Enerdigit propose aux entreprises de diminuer temporairement leur consommation électrique lors des pics de consommation en hiver. Cette solution, appelée « effacement de consommation » permet de s’affranchir de la mise en route de centrales thermiques, trop couteuses et polluantes. La start-up incubée à IMT Atlantique utilise pour cela des outils numériques de supervision performants, lui permettant de gérer en temps réel l’activité des grosses machines industrielles les plus consommatrices.

 

Par période de grand froid comment celle qui nous touche actuellement, le réseau électrique français peut rapidement se retrouver saturé lors des pics de consommation. C’est une spécificité nationale, conséquence du pari effectué il y a plusieurs décennies de miser sur le chauffage électrique. Un choix établi à la fois pour les logements privés et pour le parc industriel. Résultat : en fin d’après-midi, lorsque les particuliers rentrent chez eux et allument leurs radiateurs, la demande énergétique croît subitement. Faute de capacité à subvenir à ce besoin soudain, le risque encouru est la coupure pure et simple d’alimentation électrique.

En pratique, bien sûr, ces cas restent rares. Une solution a été prévue dès l’origine pour faire face à cette fluctuation journalière et saisonnière, avec la construction de nouvelles centrales thermiques. Celles-ci sont appelées à l’aide pour subvenir ponctuellement à la demande en électricité. Cette solution a cependant un coût : les centrales doivent être entretenues tout au long de l’année pour n’être utilisées que quelques jours. En outre, leur démarrage est également coûteux, et elles polluent. Face à ces deux maux (pollution coûteuse ou coupure de réseau), la start-up Enerdigit propose de ne pas faire de choix, et de passer par une alternative responsable.

Cette jeune pousse incubée à IMT Atlantique amène sur la table une autre réponse, basée sur la gestion intelligente du réseau énergétique grâce aux outils numériques ; une solution « smart grid » en somme. Enerdigit mise tout sur le concept d’effacement de consommation. « Il s’agit de demander aux industriels de limiter leur consommation électrique aux heures de pointe, ce qui efface une partie de la demande en énergie sur le réseau » explique Bénédicte Pléau, fondatrice de la start-up.

L'effacement de consommation consiste à supprimer le surplus de demande énergétique aux heures de pointe. Crédits : Enerdigit.
L’effacement de consommation consiste à supprimer le surplus de demande énergétique aux heures de pointe. Crédits : Enerdigit.

 

Enerdigit, intermédiaire entre acteurs du réseau et consommateurs d’énergie

Pour convaincre les entreprises, Enerdigit joue la carte financière en rémunérant celles qui acceptent de réaliser un effacement de consommation. Le modèle économique de la jeune pousse s’apparente alors à celui d’un intermédiaire. Elle se rémunère du côté des gestionnaires de réseaux, comme RTE (filiale d’EDF). Bénédicte Pléau résume la situation de la façon suivante : « D’un côté, il est plus avantageux pour les gestionnaires de payer les gros consommateurs d’électricité pour qu’ils s’effacent que de mettre en marche une centrale thermique. De l’autre, les entreprises compensent la limitation de leur consommation par ce que nous leur versons. »

Le rôle d’intermédiaire joué par Enerdigit est consolidé par les compétences que la start-up développe sur les outils numériques. Elle base sa valeur sur des technologies liées au big data. En remontant des données à la fois des industriels et de RTE, elle est capable de faire de la supervision en temps réel des consommations énergétiques. Elle anticipe alors les risques de dépassement de la capacité maximale du réseau et gère en direct l’effacement des entreprises.

En étant incubée à IMT Atlantique, la jeune pousse profite de la proximité avec les chercheurs pour perfectionner sa capacité de gestion des risques et de supervision. Elle travaille en collaboration avec eux sur les problématiques de contrôle des matériels informatique industriels. Bénédicte Pléau détaille : « Nous concevons ainsi des boitiers connectés aux outils de production des usines et nous pouvons ordonner l’effacement sous certaines conditions. Les entreprises n’ont donc pas à mobiliser de personnel. » Le partenariat avec les chercheurs permet notamment sur cet aspect d’offrir des solutions qui fonctionnent avec tout type de protocole informatique susceptible d’être trouvé dans le milieu industriel.

 

La rapidité de l’effacement est la clé du système

La fondatrice d’Enerdigit pointe qu’il « ne s’agit pas de couper toute une chaîne de production d’un coup, mais d’arrêter par exemple une presse ou un four. » Cibler les machines affectant le moins la productivité tout en réduisant de façon conséquente la consommation est la clé de la relation avec les entreprises. Pour cela, la start-up propose toute une phase amont d’audit pour trouver les meilleurs compromis possibles. « Ensuite nous montons des contrats sur mesure, qui tiennent compte des contraintes de chaque industriel, comme la spécificité de ses machines ou de l’importance de celles-ci sur la chaîne de production » souligne Bénédicte Pléau.

Encadrer avec précision l’ensemble du mécanisme d’effacement est crucial. Lorsque les pics de consommation se font sentir, il est important d’agir rapidement, et que rien ne freine l’exécution de l’effacement de consommation des entreprises. « C’est assez soudain, rapporte la fondatrice. Nous pouvons être amenés à avertir une entreprise seulement quelques minutes avant la coupure. » Parfois cependant, le délai peut être plus long : quelques heures, voire un jour avant.

C’est la valeur de l’effacement en fonction du marché de l’électricité qui dicte les coupures. Lorsque le risque de coupure est grand et soudain, l’effacement de consommation prend une grande valeur. Enerdigit se retrouve alors à devoir rapidement réduire la consommation des industriels. C’est en général plus avantageux pour eux également, qui reçoivent alors une compensation plus grande.

 

Une activité très saisonnière

Bien entendu, ces cas n’arrivent pas tous les jours. Les gros risques pour le réseau ne surviennent qu’en période de grand froid. Du fait d’un réseau de chauffage largement basé sur l’électricité, la consommation est très liée à la température extérieure. « Un degré de moins représente une demande supplémentaire de 2 gigawatts, ce qui correspond à la mise en réseau de deux réacteurs nucléaires ancienne génération— ou 1,5 EPR » illustre Bénédicte Pléau.

Aussi la start-up a donc une activité très polarisée : forte en hiver, bien plus faible en été. « Il nous arrive d’être sollicités à la mi-saison aussi, comme lors des périodes de froid au mois d’avril » ajoute-t-elle. L’été reste cependant une période très creuse, où l’équipe d’Enerdigit se concentre plus sur les étapes commerciales. Les prochaines périodes estivales permettront donc à la start-up de convaincre de nouvelles entreprises d’adopter cette solution plus responsable, autant d’un point de vue écologique qu’économique.

 

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