L’imagerie 4D pour évaluer le traitement de la paralysie faciale

Mohamed Daoudi chercheur à IMT Lille Douai, travaille actuellement sur un système avancé d’imagerie en 4 dimensions pour quantifier les séquelles de la paralysie faciale périphérique. Cet outil pourrait s’avérer particulièrement utile aux praticiens dans leur mesure de la sévérité de l’atteinte et leur évaluation de l’efficacité des traitements. Le procédé a été présenté lors du forum du CNRS « Que reste-t-il à découvrir ? » qui a eu lieu à Lille le 19 novembre dernier.

 

« La paralysie a commencé par la langue, puis la bouche et enfin tout le côté de mon visage ». Les témoignages de personnes ayant souffert d’une paralysie faciale sont nombreux sur les forums. Quelle qu’en soit l’origine, si les muscles du visage ne répondent plus c’est parce que le nerf facial qui les stimule est atteint. Selon la partie du nerf touchée, la paralysie peut-être périphérique, elle atteint dans ce cas une des parties latérales du visage (ou hémiface) ; ou bien elle est dite centrale et affecte alors la partie inférieure de celui-ci.

Dans le cas d’une paralysie périphérique, si beaucoup d’internautes s’interpellent sur l’origine de ce problème, c’est parce que dans près de 8 cas sur 10 la paralysie est dite a frigore (sans cause apparente). Toutefois la récupération est complète dans plus de 85 à 95 % des cas. Les autres causes fréquentes de paralysie faciale sont les traumatismes faciaux, les causes vasculaires ou infectieuses.

Lors du traitement mis en place par la suite, les médecins cherchent à rétablir l’harmonie et la symétrie faciale au repos et lors d’une mimique faciale. Pour y parvenir il ne suffit pas de s’attarder sur la partie paralysée, il faut également traiter le côté sain. En effet, celui-ci présente souvent une hyperactivité qui favorise l’aspect un peu grimaçant du visage paralysé et les mouvements paradoxaux. De multiples procédés médicaux, chirurgicaux et de rééducation sont mis en œuvre pour y parvenir. Un des traitements utilisés est l’injection de toxine botulique. Elle permet de bloquer partiellement certains muscles pour redonner un équilibre au mouvement facial.

Toutefois, aucun outil d’analyse ne permet une quantification de l’atteinte faciale et l’observation objective des effets du traitement avant et après l’injection. C’est là qu’intervient Mohamed Daoudi [1] chercheur à IMT Lille Douai. Sa spécialité ? L’analyse statistique 3D des formes et notamment des visages. Il étudie en particulier la dynamique de ces derniers et a réalisé un algorithme sur l’analyse des expressions faciales qui permet de quantifier les déformations d’un visage en mouvement.

 

Souriez, vous êtes scanné

Il y a deux ans, un partenariat se forme entre Mohamed Daoudi, Pierre Guerreschi, Yasmine Bennis et Véronique Martinot du service de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique du CHRU de Lille. Ensemble, ils développent un outil qui permet de scanner en trois dimensions un visage en mouvement. Rapidement, un protocole expérimental se met en place [2].

« Les patients sont convoqués en consultation scanner 3D avant et après l’injection de la toxine botulique. Dans un premier temps on leur demande de réaliser des expressions faciales stéréotypées comme un sourire, ou de hausser les sourcils. A cela s’ajoute la prononciation d’une phrase  qui permet d’activer un maximum de muscles de la face et de tester en même temps leur mouvement spontané », explique Mohamed Daoudi.

Les résultats en 4D pré et post-injection sont ensuite comparés. L’évaluation des séquelles de la paralysie faciale périphérique et des effets du traitement devient perceptible mais aussi quantifiable et comparable. En ce sens, l’action de sourire est loin d’être anodine. « Lorsque l’on sourit, des muscles se contractent et le visage subit de nombreuses déformations. C’est l’expression faciale qui rend le plus compte de l’asymétrie qui caractérise la paralysie » précise le chercheur.

L’objectif ultime est de pouvoir redonner au patient une symétrie faciale lorsqu’il sourit et s’exprime. Bien entendu, il n’est pas question de symétrie car aucun visage n’est réellement symétrique. On parle plutôt de symétrie socialement acceptable. Ainsi les zones stimulées lors d’une expression faciale doivent suivre sensiblement la même animation musculaire que celle subit par l’autre côté du visage.

 

Scans d’un visage souriant : a) avant opération, b) après opération, c) visage de contrôle.

 

Le temps : une quatrième dimension essentielle à l’analyse

La prise en compte du temps et donc de la dynamique du visage rend la technologie particulièrement adaptée au suivi de la paralysie faciale. En effet, l’analyse dynamique apporte plus d’informations. « Lorsque l’on regarde une photo, il est parfois impossible de déceler la paralysie faciale. Le visage bouge en trois dimensions, et c’est lors du mouvement que la paralysie va se révéler », explicite Mohamed Daoudi.

Pour modéliser cette dynamique, le chercheur utilise une technologie non invasive : un scanner à lumière structurée. Comment ça marche ? Une grille de lumière à maillage régulier est projetée sur le visage. Elle permet de récupérer un visage 3D représenté par un nuage de l’ordre de 20 000 points. Puis une séquence d’images de la face exécutant les expressions faciales est enregistrée à raison de 15 clichés par seconde. Les trames sont ensuite étudiées une à une grâce à un algorithme calculant en chaque point la déformation observée. Les deux parties du visage sont alors comparées par superposition.

 

Suite d’expressions faciales réalisées au moment du scan.

 

Vers une démocratisation de la technologie 4D

Jusqu’à présent, cette méthode d’imagerie 4D a été testée sur un nombre restreint de patients allant de 16 à 70 ans. Tous l’ont par ailleurs bien tolérée. Les médecins sont également satisfaits du résultat. Ils s’orientent désormais vers une validation statistique de la technologie pour pouvoir la développer à plus grande échelle. Toutefois, le matériel nécessaire à cette imagerie est coûteux. Elle demande également des moyens humains conséquents pour réaliser les acquisitions et les analyses qui s’en suivent.

Pour Mohamed Daoudi, l’avenir du projet de recherche serait de simplifier la technologie via des systèmes de capture 3D à bas coûts mais d’autres perspectives pourraient également s’avérer intéressantes : « Il n’y a qu’un seul service médical dans toute la région Hauts-de-France qui propose cette approche et la plupart des personnes viennent de loin pour pouvoir en bénéficier. A l’avenir, nous pourrions envisager un traitement à distance ou ne nécessitant qu’un ordinateur portable et une technologie de type Kinect. Un autre marché intéressant serait celui des smartphones.  Des caméras de profondeur qui fournissent des images en 3D commencent à apparaître sur ces appareils et les tablettes. Si la qualité d’image n’est pas encore au rendez-vous, je ne doute pas qu’elle va rapidement s’améliorer. Ce genre de technologie serait un bon moyen de démocratiser la technologie que nous avons mise en place« .

 

[1] Mohamed Daoudi est responsable de l’équipe 3D SAM du laboratoire CRIStAL (UMR 9189). Le laboratoire est sous la tutelle du CNRS, de l’Université Lille 1 et de l’Ecole Centrale de Lille en partenariat avec l’Université Lille 3, Inria et l’IMT.

[2] Ce projet a reçu le soutien de la Fondation de l’avenir

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