Nouvelle branche de la métallurgie, la fabrication additive permet l’élaboration de nouveaux alliages. Les propriétés particulières de ceux-ci intéressent fortement les industriels, en particulier de la filière aéronautique. Mines Albi collabore depuis plusieurs années avec des entreprises pour faire avancer ce domaine prometteur, qui reste encore trop dans l’ombre de l’impression 3D à base de polymères.
Au royaume de la fabrication additive, les métaux veulent se faire leur place ! Certes, aux yeux du grand public, les imprimantes 3D de pièces plastiques sont les plus courantes. C’est simple, si vous n’êtes pas spécialiste du domaine, il y a fort à parier que toute démonstration d’impression 3D que vous ayez vue ait été faite à partir de polymères. Du côté des industriels en revanche, la fabrication additive de pièces métalliques est scrutée avec beaucoup d’attention. Et comme souvent lorsqu’il s’agit de nouveaux matériaux ou procédés, la filière aéronautique est à l’affut.
Farhad Rézai-Aria est chercheur en sciences des matériaux et spécialiste des propriétés mécaniques des alliages métalliques au sein du centre de recherche Institut Clément Ader (UMR CNRS 5312) à Mines Albi. En l’espace de quelques années, il a vu la fabrication additive métallique émerger au sein de la communauté scientifique et des acteurs industriels, et ses travaux en être influencés sous la demande du secteur de la construction aérienne et spatiale. « Au début, il s’agissait juste de faire des pièces de prototype par les procédés de frittage laser. Ce procédé consiste à faire joindre à l’état solide des poudres métalliques afin de les consolider et de fabriquer des pièces avec des résistances et des microstructures acceptables » témoigne-t-il. À ce stade, la technologie n’était pas encore aboutie, et l’activité industrielle au mieux frétillante. Aujourd’hui, le progrès technologique et la puissance des sources de chaleur disponibles, comme les lasers, permettent de remettre en fusion ces poudres et donc réduire ces porosités.
Ce n’est vraiment que depuis des années récentes qu’un nombre de plus en plus élevé d’entreprises s’intéresse à la fabrication métallique, motivé par des raisons diverses. « Ce qu’ils cherchent dépend des acteurs » témoigne Farhad Rézai-Aria, engagé avec son équipe dans de nombreuses collaborations avec des industriels depuis 2011. Certains constructeurs de pièces veulent de meilleures performances pour leurs structures et pièces. La fabrication additive permet en effet de les rendre plus légers en adaptant la composition chimique et en optimisant leur forme. Il est possible d’obtenir ainsi de meilleurs tenues mécaniques, différentes de ce qu’il est possible de faire via des procédés classiques comme la fonderie ou la forge par exemple.
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Des alliages aux propriétés uniques
Ces performances sont dues au principe même du procédé. En élaborant un alliage à partir de poudre, il est plus facile de contrôler à la fois les quantités de chaque métal de l’alliage, et l’homogénéité de leur répartition. Il devient notamment plus facile d’ajouter de faibles quantités de métaux additifs, et donc d’optimiser les performances des alliages finaux grâce à ceux-ci. « Les essais de traction sur les pièces élaborées par fabrication additive montrent d’une manière générale une résistance plus élevée, mais une ductilité— c’est à dire une capacité à se déformer sans rupture — plus faible » rapporte le chercheur pour illustrer la différence de propriétés des alliages obtenus par fabrication additive. Certains procédés de fabrication additive métallique permettent une projection multi-poudres, afin de créer des matériaux avec un gradient de propriétés désirées.
C’est justement afin de pouvoir développer de nouveaux alliages que Mines Albi est associée dans des projets avec les sous-traitants de pièces aéronautiques comme Fusia et Prismadd. L’enjeu pour l’école albigeoise est de déterminer les meilleurs choix de poudre ou encore le paramétrage optimal des machines pour parvenir à maîtriser le procédé. « Des industriels viennent nous solliciter lorsqu’il s’agit de combler un manque de connaissance sur le comportement et le tenue des matériaux. Grâce aux analyses de microstructures et aux modélisations de comportement que nous sommes capables de faire, nous leur apportons notre contribution pour mieux définir les process » détaille Farhad Rézai-Aria.
Une collaboration de ce genre a également été menée avec le Centre national d’études spatiales (Cnes) pour optimiser des pièces satellitaires, au travers du projet Almia piloté par Sogeclair et rassembant Ratier Figeac et Fusia. Dans ce cas, l’objectif n’était non pas de développer de nouvelles pièces, mais de faire de l’optimisation topologique de pièces existantes. « À partir d’une pièce connue, les entreprises voulaient modifier son design tout en gardant la même performance en tenue mécanique » problématise Farhad Rézai-Aria. Les chercheurs de Mines Albi ont donc eu pour rôle d’étudier les relations entre les effets de géométrie, les propriétés mécaniques, et la tenue en fatigue.
Réduire les coûts de prototypage
Les préoccupations des industriels ne s’arrêtent pas simplement à des questions d’optimisation de forme des pièces. Certains veulent plutôt utiliser le procédé pour s’affranchir des coûts des opérations de mise en forme et d’usinage par exemple. La fabrication additive permet en effet d’élaborer des pièces avec un cycle de production plus rapide. « L’un des paramètres majeurs dans ce domaine, c’est ce que les industriels appellent le ‘temps avant vol’, c’est à dire la durée qui s’écoule entre l’étape d’idéation d’une pièce et le moment où elle est embarquée dans un avion » nous raconte Farhad Rézaï-Aria. Or ce « temps avant vol » peut être sensiblement réduit grâce à la fabrication additive, qui raccourcit les étapes de protypage.
L’aéronautique reste cependant l’un des secteurs dans lequel ce procédé offre autant d’atouts. La technologie reste peu adaptée aux grandes séries à l’heure actuelle, du fait de la capacité de production des machines et de leur coût. Celles-ci présentent également le désavantage de proposer des dimensionnement de l’ordre de la dizaine de centimètre. Rares sont les machines de fabrication additive pouvant sortir des pièces à l’échelle du mètre, voire de la dizaine de mètres. « À Mines Albi, nous ne pouvons travailler que des pièces de 125 millimètres d’arête » illustre le chercheur, soit un volume légèrement inférieur à 20 L. « Actuellement, cela suffit à répondre à la plupart des demandes de travaux de recherche, mais nous ne sommes pas sûr qu’Airbus ou d’autres industriels se contenteront de ces tailles » prévient-il.
Chercheurs et industriels devront poursuivre leurs collaborations afin de mieux maitriser et de développer ce procédé. L’un des gros enjeux sera notamment d’augmenter le nombres d’alliages pouvant être supportés par la fabrication additive. « En l’état actuel des choses, il faut adopter le procédé à chaque alliage. Et certaines fois, nous ne le pouvons pas » regrette Farhad Rézai-Aria. En attendant que tous les alliages puissent être maîtrisés et produits par fabrication additive, les industriels devront donc continuer à utiliser des procédés plus classiques, comme la métallurgie de poudre, ou la fonderie. La fabrication additive n’a d’ailleurs pas vocation à faire disparaitre les technologies existantes, mais à les compléter, voire à les faire évoluer.
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