Incubée depuis un peu plus d’un an à ParisTech Entrepreneurs, l’incubateur de Télécom ParisTech, la start-up SmartPixels ne cesse de se faire remarquer. Le 2 juin, la jeune pousse remportait un nouveau prix : celui de la start-up innovante lors de la journée de l’innovation de Télécom ParisTech. Un succès qu’elle doit à une solution de video mapping performante destinée à améliorer l’expérience client.
« Nous pouvons simuler n’importe quelles texture et couleur sur n’importe quel objet blanc ou gris. » Jeremy Verdo est clair et direct. Il est chargé du développement commercial des produits SmartPixels, une start-up spécialisée dans la projection vidéo en temps réel sur un support 3D mobile. Aussi appelée video mapping, ou projection mapping, la technologie permet donc de diffuser de façon dynamique une animation média sur un objet en mouvement.
Afin de parvenir à ce résultat, l’entreprise s’appuie sur des modèles 3D des objets supports de la projection fournis par les clients de la jeune pousse. L’équipe peut également compter sur des compétences en maillage 3D pour créer elle-même un modèle numérique. À partir de ces représentations virtuelles, une maquette blanche est réalisée, qui servira de support aux animations vidéos. Une simple webcam associée au projecteur, et des algorithmes des développeurs de la start-up assurent la détection des mouvements de l’objet pour faire suivre la vidéo.
Une solution de réalité augmentée à contre-courant
Lorsque Julien Berta, ancien diplômé de Télécom ParisTech, fonde SmartPixels en mai 2015, il a déjà une bonne expérience du secteur. « C’est un ancien de Mechdyne, une des plus grosse boîte de réalité virtuelle et de réalité augmentée au monde avant l’arrivée des géants sur le créneau » témoigne Jeremy Verdo, associé des premières heures de la start-up. Car depuis, les GAFA se sont emparés du sujet et développent de nouvelles expériences multimédia à coup de millions de dollars investis en R&D. Face aux mastodontes de la réalité augmentée, SmartPixels prend le contrepied : « Notre but, ce n’est pas de proposer un produit comme il en existe déjà pour des démonstrations à 150 000 € à destination des journalistes lors de la sortie d’une nouvelle voiture. Nous voulons quelque chose d’abordable, entre 500 et 1 000 € par mois de location » pointe Jeremy Verdo.
Une telle solution intéresse particulièrement les directeurs de magasins de vêtements, dont les moyens restent limités. Le video mapping leur offre de nouvelles perspectives d’expériences d’achat personnalisées. L’enjeu est de taille, car face aux boutiques en ligne, difficile de faire venir les clients en magasin, où la montée en gamme est plus facile. Certes, les expériences de simulation de produits personnalisés existent déjà, mais elles restent contraintes par un écran de tablette ou de borne interactive. « Si le client ne voit pas, il n’achète pas. Ou bien il renvoie le produit parce qu’il n’est pas conforme à l’idée qu’il s’en faisait » tranche Jeremy Verdo. Or le projecteur de SmartPixels peut remplir cette tâche de mettre le consommateur face au rendu authentique du produit qu’il aura dans les mains in fine. Et son coût abordable permet également aux marques comptant beaucoup de points de vente d’équiper plusieurs magasins.
Du côté du luxe — autre marché pour SmartPixels, à l’image de Moët Hennessy — ce n’est pas tant le prix que la performance qui attire les clients. Car l’offre de SmartPixels est versatile, comme le précise Jeremy Verdo : « Ce que nous vendons c’est une caméra, un ordinateur pour traiter les images, et un projecteur. Chacun de ces trois composants peut être adapté en fonction de la demande. » Cette adaptabilité séduit un secteur du luxe désireux de trouver de nouveaux vecteurs de communication. « Le video mapping leur permet de raconter l’historique du produit en vidéo sur la bouteille, du terroir aux procédés de fabrication » poursuit-il.
Petit à petit, SmartPixels fait son nid
Les applications ne s’arrêtent pas là. L’Oréal, premier client de SmartPixels, a fait appel à la start-up en août 2015 pour du prototypage rapide. L’idée derrière étant de s’affranchir du temps d’usinage pour avoir rapidement une idée du rendu d’un produit. Et le champ des possibles est encore plus vaste : « Nous pourrions faire de l’indication de nids de poule sur la route, de la chaîne de montage intelligente… » énumère Jeremy Verdo. La jeune entreprise sait cependant limiter ses ambitions : « Nous faisons ce que nous savons faire de mieux : de l’amélioration d’expérience client sur des objets plus petit qu’un canapé, parce que c’est ce qui demande le moins de projecteurs et qui est le moins cher pour le client » modère-t-il.
Les membres de la start-up ne sont de toute façon pas en reste : les pistes d’amélioration des produits déjà existants sont nombreuses. Dans le collimateur des développeurs de l’entreprise ? S’affranchir de la contrainte de rigidité des supports. Sur des objets flexibles les contours des formes projetées ne correspondent plus forcément aux contours du matériau. « Nous allons bientôt pouvoir nous affranchir de cette contrainte, avec des algorithmes qui détectent la déformation du tissu lorsqu’un client le touche » assure Jeremy Verdo. La projection pourra alors être utilisée sur des vêtements souples comme des chemises ou des pantalons.
Autre piste de développement : la diminution du temps de latence entre le mouvement de l’objet et l’adaptation de la projection. Ce paramètre est une fonction importante de l’ordinateur, et donc du matériel utilisé. Or, afin de garder un faible coût du produit, l’utilisation d’un matériel plus performant n’est pas envisagée. La jeune pousse réfléchit plutôt avec les clients à comment contrôler les déplacements du support sur un présentoir. Cela permettrait alors aux algorithmes d’anticiper au mieux les mouvements d’une plaque tournante par exemple, et de mieux détecter les angles de projection.
En outre, des détails sont en permanence à optimiser, comme l’amélioration de la correspondance entre les codes couleurs numériques RVB utilisés par les développeurs et les couleurs réelles, afin de trouver la micro-nuance exacte attendue. Les algorithmes peuvent également être poussés toujours plus avant sur la détection des formes. « Plus un support est anguleux, mieux nous saurons le reconnaître. Mais lorsque c’est symétrique et plat, c’est un peu plus difficile » explique Jeremy Verdo. Il s’agit donc d’optimiser les performances, toujours sans utiliser de matériel informatique plus coûteux, et ce afin de toujours mieux bluffer le client. « En général, les gens veulent toucher les modèles du doigt, pour bien réaliser que la texture est issue du rendu vidéo, et n’est pas liée au support de projection » témoigne le jeune associé.
Pour progresser sur ces domaines, SmartPixels pourra compter sur des collaborations avec les chercheurs de Télécom ParisTech, et notamment l’équipe infographie de Tamy Boubekeur, au sein du département Traitement du signal et des images. En plus de cette coopération, ce sont également des relations avec des entreprises et un mentoring business qu’offre l’incubateur de Télécom ParisTech. Un soutien aux multiples facettes qui, à coup sûr, permettra à SmartPixels de poursuivre sur sa bonne lancée. La start-up a en effet accumulé les récompenses depuis la rentrée 2015, avec notamment une place dans le classement des 100 start-up où investir en France de Challenges, un prêt d’honneur d’Initiative grandes écoles & universités cofinancé par la Fondation Télécom, et plus récemment le prix de la start-up innovante lors de la journée de l’innovation 2016 de Télécom ParisTech. Ces bons résultats n’augurent que du bon pour SmartPixels, qui envisage en janvier 2017 une levée d’accélération commerciale. Cela devrait leur permettre, entre autres, d’ouvrir des marchés étrangers.