Pour la première fois en 38 éditions, la conférence internationale sur la microscopie du ciment (ICMA) se déroulait en France. Cet événement reconnu dans le milieu de la recherche sur les matériaux de construction s’est tenu du 17 au 21 avril 2016 à Lyon. Mines Douai et l’Institut Mines-Télécom (IMT) en étaient partenaires. L’occasion de revenir sur les travaux menés par l’école douaisienne en la matière.
Le saviez-vous ? Le ciment, c’est avant tout une affaire française ! C’est en tout cas ce qu’aime rappeler Vincent Thiéry, chercheur à Mines Douai. Car bien que le brevet du ciment Portland — le plus utilisé — ait été déposé en 1824 par l’anglais Joseph Aspdin, la paternité de ce liant est bien accordée à Louis Vicat qui l’a mis au point en 1817. C’est également un français, Henry Le Chatelier, qui a réalisé les premières observations microscopiques sur ces matériaux. L’expertise historique française sur le ciment était d’ailleurs le cœur de la présentation de Vincent Thiéry — effectuée en partenariat avec le groupe LafargeHolcim et le laboratoire de recherche sur les Monuments Historiques — lors de la conférence internationale sur la microscopie du ciment qui se tenait à Lyon en avril dernier.
Au-delà d’une connaissance des travaux successifs réalisés sur le ciment depuis le XIXe siècle, ce chercheur douaisien est surtout spécialiste de la caractérisation des géomatériaux. Ses travaux concernent entre autres les pathologies d’ouvrage, comme la réaction alcali-silice. Celle-ci survient lorsque certains granulats contenant du quartz sont mélangés au ciment et à l’eau pour former du béton. « Il s’agit là d’un matériau dont le milieu est très alcalin, c’est à dire au pH très élevé. Or le quartz présente parfois des défauts cristallins, ce qui le rend instable en milieu alcalin. » explique Vincent Thiéry. Conséquence : le béton gonfle, puis des fissures apparaissent qui se remplissent ensuite des produits de cette réaction, affaiblissant le matériau.
Prévenir la réaction alcali-silice
Afin de détecter la présence de ces grains de quartz mal cristallisés, et d’identifier si les granulats sont potentiellement réactifs ou non, le chercheur étudie les bétons par microscopie. Avec un de ses collègues, David Bulteel, il travaille ainsi sur l’ajout de composés au béton pour inhiber la réaction alcali-silice. « Nous avons par exemple travaillé sur l’addition de schistes calcinés, qui sont des résidus de combustion de certaines centrales électriques » illustre Vincent Thiéry.
La détection et la prévention de la réaction alcali-silice n’est pas la seule application de la microscopie aux ciments. Elle est également utilisée pour faire du contrôle qualité. Bien qu’elle soit concurrencée sur ce point par d’autres techniques comme la diffraction des rayons X, la microscopie est encore de mise pour certains usages. C’est le cas de l’analyse du clinker, qui est l’ingrédient de base du ciment : « Le clinker est le produit de la cuisson de calcaire et d’argile, décrit Vincent Thiéry. La microscopie a été largement appliquée en sortie des fours pour optimiser les conditions de cuisson. Actuellement nous l’utilisons également pour caractériser des clinkers historiques et remonter à leur procédé de fabrication. »
La microscopie du ciment a donc de beaux jours devant elle. A fortiori lorsque les axes de développement des bétons sont pris en compte. Car dans le viseur des industriels se trouve l’utilisation de granulats à base de bétons concassés pour fabriquer… du béton. Ces matériaux recyclés sont déjà utilisés pour la construction de routes, et les recherches sont en cours pour leur emploi dans les bâtiments. « Notre laboratoire est très impliqué de ce côté, confie Vincent Thiéry. Et c’est un gros enjeu pour la microscopie également, puisqu’il faut arriver à caractériser le premier béton issu du concassage pour pouvoir optimiser son utilisation et aboutir à un béton final performant. »
En savoir + sur le recyclage des bétons pour créer de nouveaux matériaux
En savoir + sur les travaux de Mines Douai sur les matériaux de construction
2 comments
Pingback: Vincent Thiéry - I'MTech
Pingback: Améliorer la qualité du béton pour optimiser les constructions