En partenariat avec le CNRS et deux universités sud-américaines, Télécom Bretagne s’engage dans un projet STIC AmSud mettant à profit l’intelligence artificielle pour pallier à certaines limites du routage Internet. Au travers d’échanges avec l’Uruguay et le Chili, les chercheurs français tenteront de développer un réseau overlay pour router le trafic sur des chemins de qualité de service optimale.
L’explosion du cloud computing ne met pas sous pression que les fournisseurs de service qui doivent répondre à une demande toujours plus grande de la part des entreprises. L’architecture Internet telle que nous la connaissons aujourd’hui atteint aussi ses limites. Le routage IP classique, lors du transport des données, ne prend pas en compte les délais ou la bande passante des liens du réseau. Les chemins, et la qualité de service obtenue lors de transferts de données, ne sont donc pas optimisés. Des flux peuvent en effet très bien continuer à être envoyés par des voies de transmission déjà ralenties. Si pour certaines applications une qualité de service dégradée est supportable (comme les usages de particuliers), dans d’autres cas le problème peut devenir vraiment gênant. Pour les services de cloud computing, qui font migrer des machines virtuelles en permanence, une infime détérioration de la performance peut entraîner de lourds impacts économiques.
Une solution ? « Rajouter une couche au réseau permettant d’attribuer une meilleure route aux données » schématise Sandrine Vaton, chercheuse à Télécom Bretagne et IRISA (UMR CNRS). C’est l’enjeu du projet PROVE, qui associe non seulement l’Institut Mines-Télécom (IMT) au travers de l’école bretonne, mais également le CNRS, l’Universidad de Conceptión du Chili et l’Universidad de la República (Udelar) en Uruguay. Ces quatre partenaires, réunis au travers du programme de coopération STIC AmSud du ministère des Affaires étrangères*, travailleront pendant deux ans à compter de janvier 2016 à inventer cette couche dite « overlay de routage ».
« Dans PROVE nous imaginons qu’il y aura différents relais sur le réseau, et que les paquets de données seront envoyés de relais en relais avec un choix qui sera fait par l’opérateur de l’overlay en prenant en compte la qualité des liens » explique Sandrine Vaton. Ainsi, au lieu d’envoyer les informations sur des chemins déjà saturés, ce niveau supplémentaire permettrait de gérer de façon optimale le trafic. « Les overlays ne sont pas nouveaux, mais la littérature ne rapporte que des travaux sur de petites échelles » pointe Isabel Amigo, chercheuse dans l’équipe de Sandrine Vaton, et ancienne étudiante de l’Udelar. L’objectif de PROVE est donc d’effectuer « une montée en échelle en testant des solutions impliquant plus de 50 relais, afin d’imiter au mieux une situation réelle » poursuit Isabel Amigo.
STIC AmSud développe les coopérations internationales
Pour cela, la collaboration partira des travaux précédents d’un des partenaires : l’équipe d’Olivier Brun au sein du laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS) du CNRS. Tournée vers l’intelligence artificielle, la contribution du LAAS permettra d’utiliser des algorithmes d’apprentissage pour la sélection des routes les plus adaptées pour l’envoi des paquets de données. C’est aussi dans cet aspect du travail que s’intégrera l’Universidad de Concepción. Le rôle de Télécom Bretagne et d’Udelar sera axé sur la métrologie active, c’est à dire le sondage du réseau pour récolter des informations sur le délai et la bande passante disponible des différentes routes. « Le problème de la métrologie c’est que pour obtenir des informations sur l’état du réseau, nous devons injecter du trafic supplémentaire et analyser la qualité de service qu’il reçoit » explique Sandrine Vaton. L’enjeu sera donc de procéder intelligemment au contrôle pour qu’il soit le moins invasif possible.
Le projet PROVE sera aussi une bonne occasion de créer des liens entre institutions, ou d’en renforcer certains. « Nous capitalisons sur des relations existantes. Cela fait quinze ans que nous avons des liens avec l’université uruguayenne, dont plusieurs cotutelles de thèses » indique Sandrine Vaton. Les projets STIC AmSud finançant la mobilité des chercheurs, ce sont plusieurs réunions entre partenaires qui seront mises en place durant les deux ans du projet. Isabel Amigo était par exemple au mois de mars dernier à Montevideo. En 2017, une réunion entre les quatre institutions partenaires aura lieu au Chili, où un rassemblement est déjà prévu entre chercheurs français et sud-américains.
*Le programme de coopération STIC AmSud associe également le CNRS, l’IMT et l’Inria au ministère des Affaires étrangères et du développement international.