Les pannes sur des systèmes industriels causent des arrêts de production pouvant durer plusieurs heures, handicapant de fait une entreprise. Marius Preda et Veronica Scurtu, chercheurs à Télécom SudParis, développent une solution utilisant la réalité augmentée pour mettre plus rapidement en contact un technicien sur site avec un expert distant. Baptisé Rest, ce projet sera présenté le 22 mars lors de la Bourse aux technologies de l’Institut Mines-Télécom qui se déroulera à Paris au ministère de l’Économie, de l’industrie et du numérique.
Les machines industrielles aussi tombent en panne. Et lorsque cela arrive, c’est toute la production qui peut en subir les conséquences. L’entreprise doit alors faire appel au plus vite à un expert dépêché par le constructeur de la machine. Ce dernier se déplace « et se rend compte parfois que l’incident pouvait être rapidement réparé par un technicien de l’entreprise » regrette Marius Preda, chercheur à Télécom SudParis. Dans un tel cas, tout le monde ou presque est perdant : la production de l’entreprise est arrêtée et le temps de l’expert aurait pu être utilisé pour une panne plus complexe. C’est justement pour résoudre ce problème que Marius Preda porte le projet Rest (acronyme anglais pour « Remotely supported troubleshooting », ou « dépannage pris en charge à distance »).
La solution de ce chercheur ? Utiliser la réalité augmentée pour mettre en relation l’expert à distance avec un technicien sur le site de la panne. « Une personne face à la machine utilise des lunettes de réalité augmentée et transmet une vidéo au spécialiste du fabricant. Cet expert peut interagir sur les images pour mettre en évidence des éléments et le technicien voit ce qui est pointé » décrit ainsi Marius Preda. Mettre au point une telle communication vidéo demande quelques innovations techniques. Pour les scientifiques, le plus compliqué est la gestion de la reconnaissance des formes reconnues à l’image. Pour que les logiciels de traitement gèrent bien les informations sur les objets, il faut une bonne évaluation des distances par rapport à la machine. Or, si les conditions d’illumination sont mauvaises ou si les surfaces sont trop uniformes, il peut être difficile d’assurer une bonne reconnaissance des formes. Pour faire face à ce problème, les chercheurs exploitent leurs compétences en traitement du signal.
Vers une base de donnée d’interventions
Une telle technologie présente aussi un autre potentiel : les vidéos sont des données numériques, pouvant être stockées. Marius Preda nous explique que « ces éléments sont enregistrés, puis utilisés pour créer une base de connaissance ». Si le problème sur une machine est déjà présent dans la liste des incidents enregistrés, plus besoin alors d’appeler un expert ; une simple consultation de cette base de données suffit. Loin d’être anecdotique, cet aspect est au cœur du projet Rest.
Cette bibliothèque numérique des interventions possibles pourrait même être enrichie par le constructeur lui-même, en amont des premières interventions. Plus qu’une plateforme collaborative de partage des réparations de pannes, la base de connaissance pourrait ainsi devenir un outil de formation. « Aujourd’hui, les manuels des machines industrielles sont souvent sous forme PDF, avec peu ou pas d’image » déplore Marius Preda. Une absence d’illustration qui selon le chercheur peut induire des confusions ou des incompréhensions.
Une plateforme standardisée, pensée pour l’utilisateur
Reste que la réalité augmentée est un domaine émergent, en particulier lorsqu’elle touche des applications dans le secteur industriel. Difficile donc de trouver des compétences en programmation 3D et multimédia que ce soit chez les fabricants ou les utilisateurs de machines. C’est pour cette raison que le projet Rest s’attache à garder une facilité d’exploitation. « Ce que nous proposons, c’est la mise en place d’un outil de création d’expériences de réalité augmentée pour des utilisateurs qui n’ont aucune compétence en programmation 3D » assure Marius Preda.
Concrètement, Rest prend donc la forme d’un site web. Sur celui-ci sont disponibles des outils simplifiés de création de contenus en réalité augmentée. « Pour les constructeurs, la plateforme a un outil d’importation leur permettant de charger les images de leurs machines » détaille Marius Preda. Le fabricant peut alors créer à partir de là son scénario de panne 3D et sa résolution pour enrichir la base de données. « L’exportation est ensuite réalisée sous un format standardisé ISO, ce qui évite tout problème de compatibilité entre fabricant et exploitant d’une machine » renchérit le chercheur. Tout est donc optimisé pour que les utilisateurs perdent un minimum de temps sur l’aspect technique, et se concentrent vraiment sur l’essentiel : assurer une bonne transmission d’information pour résoudre, de façon collaborative, le problème auquel ils font face.
Le concept de la Bourse aux technologies
La Bourse aux technologies de l’Institut Mines-Télécom est une journée de rencontres et d’échanges entre chercheurs et PME. L’objectif du dispositif est de permettre aux entreprises d’accéder plus facilement aux résultats de la recherche académique et de développer ainsi les innovations de demain. Son originalité est d’apporter les technologies issues de toutes les écoles de l’Institut Mines-Télécom et de ses partenaires, dans une région donnée et sur un domaine. Ces rendez-vous s’inscrivent dans le cadre du programme de promotion de l’offre des technologies des organismes publics de la recherche mis en œuvre par le Consortium de Valorisation Thématique CVSTENE (Investissements d’Avenir) dédié aux sciences et technologies du numérique.
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