Empreintes digitales, notre identité au bout des doigts en 3D

Sélectionné comme finaliste du prix de thèse de la Fondation Télécom qui sera remis le 24 mars prochain, François Lamare met au point une nouvelle méthode d’acquisition des empreintes digitales. Son doctorat, mené à Télécom SudParis, s’est notamment axé sur l’exploitation de la tomographie par cohérence optique pour obtenir des représentations 3D de la pulpe des doigts. Des travaux dont les applications permettraient d’améliorer la sécurité des mesures d’empreintes digitales et de lutter contre l’usurpation d’identité.

 

Chaque individu est unique. Et si nous en doutons, il suffit de regarder le bout de nos doigts pour nous en convaincre. Car il n’existe pas au monde deux personnes partageant les mêmes empreintes digitales ; pas même deux jumeaux. Cette propriété biologique est donc pour chacun une signature personnelle atypique — un paramètre biométrique. L’exploitation des empreintes digitales va aujourd’hui au-delà du fichier de police désormais séculaire. Les technologies et outils mettant à profit la reconnaissance de nos minuties, ces bifurcations et terminaisons des plis de notre peau au bout de nos doigts, se multiplient. Qu’il s’agisse de s’authentifier pour accéder à un ordinateur ou d’améliorer la gestion des flux de personnes (notamment dans les aéroports), il existe déjà de nombreuses applications exploitant l’unicité des empreintes digitales. Seul problème, leur méthode de mesure actuelle n’est pas d’une performance sans faille.

« Il y a principalement deux types de problème » nous avertit François Lamare, doctorant à Télécom SudParis et travaillant sur de nouvelles techniques de biométrie digitale — sous la direction de Bernadette Dorizzi, Yaneck Gottesman et Badr-Eddine Benkelfat de Télécom SudParis. La première limite est liée à l’état de la surface que constituent nos doigts. Chez un travailleur manuel, il sera difficile d’obtenir une bonne empreinte, tant les minuties sont altérées. De même pour un individu effectuant une mesure avec les doigts trop humides ou trop secs, dont les sillons de la pulpe ne seront pas bien discernés sur l’empreinte. Le second problème, comme le précise le doctorant, concerne la sécurité. « Plusieurs travaux ont montré qu’il était facile de récupérer l’impression des empreintes d’une personne et d’usurper son identité » annonce le jeune chercheur.

 

Des doigts en 3D avec la tomographie

Pour pallier ces aspects négatifs, François Lamare a exploré une technique d’imagerie appelée tomographie par cohérence optique (OCT). Celle-ci est basée « sur le même principe que les ultrasons, mais au lieu d’envoyer une onde sonore faire des aller-retours, nous envoyons une onde lumineuse sur le doigt » explique-t-il. Un laser est ainsi projeté sur la pulpe, et la façon dont son rayonnement est diffusé est enregistrée. Cela permet d’obtenir couche par couche, sur une profondeur de deux millimètres, des images contrastées de la matière faisant apparaître plis de la peau et sillons. À partir de ces données, une représentation 3D de l’empreinte est construite.

Empreintes digitales obtenues par imagerie OCT
Le principe d’imagerie OCT (à gauche) permet d’obtenir une représentation 3D de la pulpe du doigt (à droite).

 

Cependant, François Lamare a dû passer un verrou technologique important : celui de la contrainte dimensionnelle. Car actuellement, tous les outils existants sont développés pour des empreintes en 2D, non 3D comme la tomographie les fournit. Et les choses ne sont pas forcément simple pour tout aplatir. « La difficulté est d’obtenir une projection en 2D qui soit invariante par rotation du doigt » explique le doctorant. C’est à dire une projection qui ne soit pas dépendante de l’orientation un peu plus à droite ou un peu plus en avant du doigt face au capteur par rapport à une mesure précédente. François Lamare a donc utilisé une méthode invariante, utilisant les distances minimales en géométrie tridimensionnelle — appelées géodésiques.

Du côté des bénéfices, la tomographie utilise l’information de la phase du laser, qui a la particularité de ne pas être altérée par l’humidité ou la sécheresse de la pulpe. « Nous avons fait les tests sur des doigts humides et tâchés d’encre, et la représentation en phase est robuste » assure François Lamare. En outre, l’OCT peut exploiter des données supplémentaires grâce à la profondeur atteinte. Le derme papillaire, situé entre le derme profond et l’épiderme, est une couche de la peau qui présente une structure semblable à celle des plis et des sillons observée en surface. Le doctorant explique ainsi que « ce derme papillaire est la matrice sur laquelle se renouvèle la peau, c’est lui qui génère les empreintes en surface ». Les travailleurs manuels n’ont donc plus de problème lié à l’altération de la surface de leurs doigts.

 

Des empreintes digitales plus sécurisées

L’exploitation de cette information de profondeur est un avantage considérable pour limiter les risques d’usurpation d’identité. Il serait en effet bien plus difficile de créer un faux doigt avec ces informations, même par impression 3D. Il faudrait en effet contrôler la conception du faux au micromètre près, sur un matériau identique à celui de la peau. De plus, la pulpe de nos doigts recèle des paramètres biométriques autres que l’organisation unique de nos minuties. « Grâce à la tomographie par cohérence optique, nous pouvons enregistrer la position des pores de sudation, dont la répartition à la surface du doigt est aussi propre à chacun » ajoute François Lamare.

Tous ces éléments font de l’OCT une méthode très sûre d’enregistrement des empreintes digitales. Le doctorant concède cependant que la fiabilité absolue n’existe pas : « Je ne peux pas prédire l’avenir, mais de par la richesse des informations acquises, l’OCT rend le leurre parfait plus difficile à créer ». Quant aux faux actuellement utilisés, issus la plupart du temps du moule d’une empreinte sur un film de silicone placé sur le doigt du faussaire, aucune chance pour eux. La tomographie peut en effet révéler, grâce à sa profondeur d’analyse la superposition de deux organisations de minuties. Et même identifier, sous le faux, les empreintes de l’usurpateur.

 

Empreintes digitales d'un doigt A (gauche) et d'un doigt B (milieu) superposées pour créer un leurre (droite).
Les leurres actuellement utilisés consistent à superposer les empreintes d’un doigt A (à gauche) sur un doigt B (au milieu) pour obtenir un faux (à droite).

 


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