Sélectionnée comme finaliste du prix de thèse de la Fondation Télécom qui sera remis le 24 mars prochain, Émilie Guy développe de nouveaux outils d’informatique graphique. Durant ses trois années de doctorat à Télécom ParisTech, elle a notamment travaillé sur la modélisation et la détection de similarités de formes 3D. Des recherches qui ont abouti au développement de nouveaux outils, permettant de faciliter l’édition de structures 3D.
« Au départ, il s’agissait de créer des structures de contrôle sur des objets en 3D pour faciliter leur déformation » débute Émilie Guy pour expliquer sa thèse menée à Télécom ParisTech. Mais la voie vers le doctorat est parfois sinueuse, et les sujets changeants. Soutenue le 29 janvier dernier sous l’intitulé « Interactions computationnelles pour la modélisation de formes 3D », la thèse s’est quelque peu écartée de son objectif initial. « En voyant la forme que prenaient les recherches, je me suis tournée vers le développement de deux briques techniques » explique alors Émilie Guy. C’est ainsi que la jeune chercheuse s’est intéressée à la fois à une nouvelle méthode d’abstraction de formes tridimensionnelles, et à la détection de similarités dans les structures 3D. Deux travaux menés sous la direction de Tamy Boubekeur.
Nouvelle méthode de décimation
Au centre de la recherche se tient l’aspect utilisateur. L’enjeu du développement d’une nouvelle technique d’abstraction est par exemple d’aider les informaticiens et graphistes à mieux appréhender, modifier ou compresser les environnements 3D. Actuellement, les algorithmes établissent des maillages de formes en définissant des points à la surface des structures, puis en les reliant. Cela aboutit à des objets tridimensionnels dont la surface est constituée de triangles. Lorsque l’utilisateur souhaite simplifier sa modélisation pour, par exemple, diminuer son poids numérique, il procède par décimation, c’est à dire en enlevant des points et en essayant de retrouver la triangulation. « Mais au bout d’un certain seuil, il n’y a plus assez de points pour avoir une bonne représentation de la forme » indique Émilie Guy.
C’est à ce problème que la chercheuse s’est attaquée, en collaboration avec le doctorant qui l’a précédée. « Nous avons cherché à remplacer cette représentation surfacique par du volumique » précise-t-elle. Ainsi les points ont fait place à des sphères, non plus en surface mais à l’intérieur des formes 3D. Lors de la décimation, les sphères les plus proches sont fusionnées de façon automatisée par une métrique d’erreur qui assure une déformation minimale de la structure. La technique est particulièrement efficace pour les formes tubulaires. Dans ce cas, le maillage par triangulation demande de garder beaucoup de points, contrairement à la modélisation par sphères qui n’a besoin que d’un orbe en entrée du tube et d’un en sortie pour le reconstruire. Cette méthode permet ainsi de repousser le seuil de décimation à partir duquel la forme n’est plus identifiable.
La décimation est utilisée dans plusieurs processus en informatique graphique, rendant ces travaux particulièrement intéressants pour les utilisateurs. « Lorsqu’une scène est représentée, un objet très loin va avoir besoin de peu de pixels, mais doit tout de même être reconnu » illustre Émilie Guy. Une décimation performante est également utile pour les jeux-vidéos en streaming, qui chargent les niveaux de détails de façon dynamique. Cette technique de modélisation 3D peut également faciliter le travail d’édition des formes pour les professionnels. Un aspect sur lequel la seconde partie de la thèse d’Émilie Guy trouve aussi des applications.
Des similarités pour une meilleure modélisation 3D
En parallèle de la mise au point d’une nouvelle méthode de décimation, la chercheuse s’est également attardée sur la reconnaissance de similarités. Là encore, il s’agit d’aider l’utilisateur, en lui permettant de pouvoir travailler plus facilement sur des structures semblables, sans qu’il répète plusieurs fois la même action. « Il y a une grosse littérature sur ce sujet, mais il s’agit souvent d’algorithmes hors-ligne automatiques et longs » indique Émilie Guy. Pour changer cela, elle a donc mis au point un outil permettant à l’utilisateur d’indiquer l’action qu’il souhaite faire. Dans ce logiciel qu’elle a développé, SimSelect, il existe donc trois types de sélection. Le premier consiste à identifier des composantes similaires au sein d’un même objet. Le deuxième permet à l’utilisateur de modifier les frontières de la forme sur laquelle il travaille. Lors de l’identification d’une structure bouclée, comme un cheveu, il pourra alors éliminer ce qui n’en fait pas partie pour mieux permettre la sélection des formes similaires par la suite. Enfin, le dernier mode de sélection permet de peindre une surface particulière à la main pour que l’utilisateur définisse lui-même une forme.
L’idée derrière ces deux briques techniques serait de les coupler pour aboutir à de nouvelles applications. « Lors de l’utilisation du logiciel Sphere-Mesh de décimation, je me suis rendu compte qu’il pouvait être intéressant de déformer des parties similaires, ou même de décimer en même temps plusieurs parties semblables » explique-t-elle ainsi. Bien que la thèse soit terminée, Émilie Guy continue un temps ce travail au travers d’un projet commun entre Télécom ParisTech et l’université Paul Sabatier de Toulouse. Les réflexions sur l’avenir des travaux sont nombreuses. « Tout cela peut également être utilisé pour faire du traitement du signal, en étudiant ce qui fait la similarité, pour développer de nouveaux outils d’édition graphique » conclut la chercheuse.
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