Alexandre Gramfort algorithmise les signaux de nos cerveaux

Chercheur à Télécom ParisTech, Alexandre Gramfort vient d’être nommé lauréat d’une bourse ERC « Starting grant ». Cette reconnaissance européenne vient saluer ses efforts de recherche en traitement du signal et apprentissage statistique. Depuis huit ans, Alexandre Gramfort travaille en effet sur des outils mathématiques permettant de mieux extraire, analyser et visualiser des signaux obtenus en neuroimagerie, principalement par le biais d’électroencéphalogrammes et de magnétoencéphalogrammes.

 

Pour étudier le cerveau de manière non-invasive avec une bonne résolution temporelle, l’électroencéphalogramme (EEG) et le magnétoencéphalogramme (MEG) sont des techniques reines. Elles mesurent respectivement l’activité électrique de nos neurones et les champs magnétiques que cette activité induit. Pour le patient, l’examen EEG consiste au port d’un casque muni de nombreuses électrodes et placé sur sa tête. De son côté, le praticien visualise les signaux jusqu’à la modélisation du cerveau, en 2D ou en 3D, où des zones colorisées transcrivent l’activité cérébrale. Dans l’usage décrit ici, tout semblerait presque simple…

Pourtant c’est tout un aspect crucial de la technique d’imagerie qui est oublié : le traitement du signal. Car pour convertir les données neuronales brutes en une visualisation simple du cerveau, il est nécessaire de développer des outils mathématiques. Cette étape est le cœur du travail de recherche d’Alexandre Gramfort, basé au laboratoire de Traitement et communication de l’information (LTCI), une unité mixte Télécom ParisTech et CNRS.

C’est un sujet que le jeune chercheur développe depuis 8 ans, d’abord durant sa thèse à l’Inria portant sur la détection de l’activité cérébrale et achevée en 2009, ensuite au cours de ses post-doctorats (CEA Neurospin, Harvard), et aujourd’hui au sein de l’équipe « Audio, acoustique et ondes » du LTCI. Les travaux d’Alexandre Gramfort en neuroimagerie fonctionnelle ont été notamment marqués par le développement d’un logiciel open-source : MNE. Aujourd’hui utilisé un peu partout dans le monde, il permet le traitement du signal des EEG et MEG, de la donnée brute jusqu’à la visualisation. MNE prend ainsi en charge divers aspects en exploitant les données, dont la localisation de la source du signal enregistré.

 

Alexandre Gramfort, ERC Grant
Mesures (MEG et EEG) et la localisation de leur origine dans le cerveau (tache rouge)

 

Une bourse ERC « Starting grant »

Une reconnaissance pour la recherche d’Alexandre Gramfort qui a été récemment renforcée par l’attribution d’une bourse « Starting grant » par le European Research Council (ERC). D’un montant de 1,5 millions d’euros sur cinq ans, ces bourses viennent à la fois récompenser des travaux achevés par de jeunes chercheurs et les encourager à construire leur propre équipe. Le lauréat de Télécom ParisTech annonce ainsi le recrutement à venir de six doctorants ou post-doctorants et d’un ingénieur.

« Une grosse partie du travail réside dans les développements mathématiques, algorithmiques et logiciels, explique Alexandre Gramfort. C’est un domaine de recherche dans lequel il faut traiter beaucoup de données, et c’est impossible de le faire tout seul ». Les effectifs supplémentaires pourraient donc permettre au chercheur de structurer une équipe pour pallier à la masse d’analyses requises. Il est ainsi prévu de faire appel à des profils différents, pour couvrir des expertises allant de l’extraction de données au développement de nouveaux outils de traitement.

Ces nouvelles ressources permettront d’approfondir les sujets de recherche déjà menés. L’objectif est de traiter des données qui ne sont pas exploitables actuellement, ou pas suffisamment traitées car les signaux parasites — appelés « bruit » — sont trop importants. La réduction du bruit est donc un axe de travail important. « Le bruit peut venir des capteurs, mais aussi du cerveau même des patients » précise Alexandre Gramfort. Et d’illustrer : « Lorsqu’un individu effectue une action dont on veut enregistrer le signal neuronal associé, il n’y a pas qu’une partie du cerveau qui s’active : tout le reste continue de fonctionner ».

Interrogé sur les enjeux macroscopiques de sa recherche, Alexandre Gramfort répond que « ce type de recherche est très demandé par tous les acteurs effectuant de l’acquisition et du traitement de données ». Car derrière les algorithmes se joue la compréhension des mécanismes du cerveau par les chercheurs en neurosciences. Dans le viseur des neuroscientifiques, des pathologies comme l’épilepsie ou l’autisme. Pour autant, Alexandre Gramfort préfère conclure en tempérant les attentes : « La neuroimagerie fonctionnelle est essentiellement axée sur le diagnostic, pas le traitement. Il s’agit avant tout d’identifier des biomarqueurs du patient permettant de déceler des pathologies le plus tôt possible. »

 

Exemple de visualisation rendue possible par le logiciel MNE :

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *