VU SUR LE SITE DE MINES PARISTECH – Pierre André Juven reçoit le Prix Le Monde de la recherche universitaire pour sa thèse menée au Centre de sociologie de l’innovation (CSI) de Mines ParisTech, et intitulée « Une santé qui compte ? Coûts et tarifs dans la politique hospitalière française ». Ce Prix lui a été remis par le président du jury, Edgar Morin, à l’auditorium du Monde le 18 novembre 2015. Interview.
Comment avez-vous vécu cette soirée du 18 novembre ?
Pierre-André Juven : Ce fut une très belle soirée. Je l’ai bien sûr vécue comme une reconnaissance de mon travail, mais aussi avec un peu de stress, un peu comme une soutenance mais sans le suspense du résultat. Ce fut idéal pour réunir famille, amis, collègues et professeurs. La compétition est réelle : 185 thèses sont présentées, 18 sont pré-sélectionnées et seulement 5 Prix décernés dans la catégorie Sciences Humaines et Sociales. (Et 5 autres en sciences dites « dures »). Cerise sur le gâteau, je vais pouvoir publier un livre aux Presses Universitaires de France, dans la collection Partage du Savoir, ce qui a beaucoup de sens à mes yeux car il y a un objectif à la fois académique mais aussi, au-delà, de faire circuler ce travail dans l’espace public. J’ai déjà commencé l’écriture, c’est un travail conséquent car ce livre sera moins volumineux que ma thèse, il y a là une traduction à opérer.
Pouvez-vous résumer votre parcours ?
J’ai un parcours très orienté vers la sociologie. Après une classe préparatoire littéraire à Clermont-Ferrand, j’ai rejoint l’Institut d’Études Politiques de Rennes et choisi une spécialisation en sociologie des politiques publiques, et j’ai choisi de travailler en incluant la sociologie des sciences et techniques dans ma démarche. Cela m’a notamment donné l’occasion de passer une année à Londres, à la Queen Mary University. J’ai débuté ma thèse en 2010 aux Mines de Paris, sous la direction de Vololona Rabeharisoa et j’ai soutenu en octobre 2014. Je rends hommage à Vololona qui est une directrice à la fois exigeante, humaine et disponible. Nous nous sommes vus tous les 3 ou 4 mois et nos échanges ont été très précieux pour identifier les terrains sur lesquels j’allais travailler et, toujours, la mesure du temps que je pouvais y consacrer. Elle a été une excellente directrice de thèse. Je dois ajouter que c’est une chance d’avoir mené cette thèse à Mines ParisTech, au CSI, où les conditions de travail sont, à mon avis, idéales et où l’on fréquente des chercheuses et des chercheurs de très grande qualité.
Comment avez-vous choisi votre sujet ?
À la source de ce choix il y a mes études en sciences politiques. J’ai été marqué par la lecture de Michel Foucault, et notamment par ses travaux sur la gouvernementalité. Ensuite, à l’occasion d’une première recherche consacrée à la refonte comptable (par branche) opérée à la SNCF, je me suis rendu compte que les outils de gestion ont un effet structurant sur l’organisation, sur la façon qu’elle a de se penser et sur le travail des cheminots. Il est intéressant de comprendre comment les règles de gestion transforment les organisations et les services rendus, comment la création d’indicateurs fragilise aussi les structures mais aussi comment ces transformations sont appréhendées par les acteurs qui en sont l’objet et comment des controverses peuvent naître à partir de ces instruments. J’ai donc répondu à un appel à bourse doctorale du CSI qui me donnait la possibilité de travailler sur les politiques publiques et sur les questions de santé. Je me souviens encore de mon « entretien d’embauche » avec Antoine Hennion, Alexandre Mallard et Vololona Rabeharisoa dans le bureau de Michel Callon, ce qui était pour moi, jeune impétrant, très impressionnant. Nous avons décidé que je travaillerais sur une grande transformation de l’hôpital public, et très vite, notamment sur le conseil de Madeleine Akrich, j’ai décidé de travailler sur la mise en place de la tarification à l’activité, appelée T2A, qui est un instrument de financement des hôpitaux encore controversé.