Le 7 juillet, les Interconnectés, en partenariat avec l’Institut Mines-Télécom, ont organisé une journée dédiée aux datas intitulée « La donnée au cœur de la cité : enjeux des politiques publiques et révolution des usages ». Michel Plantié, chercheur en informatique à Mines Alès, a participé aux ateliers « data project ». Il nous a expliqué comment l’analyse des réseaux sociaux peut servir au développement de projets innovants pour la ville de demain.
Aujourd’hui, les données sont tellement importantes qu’il est difficile de prendre des décisions en prenant tout en compte. « La connaissance existe mais il faut savoir l’utiliser correctement ; et l’informatique, en particulier les statistiques au sens large, a beaucoup apporté, » explique Michel Plantié, chercheur à Mines Alès. L’idée est de collecter de la connaissance et ensuite de l’utiliser pour faire de l’aide à la décision. » Ces connaissances peuvent provenir d’observations scientifiques, de rapports d’ingénieurs, de réseaux de capteurs, etc. Mais aussi, dans de nombreux cas, des réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux, source de connaissances
L’analyse des réseaux sociaux, parce qu’elle permet d’analyser le comportement et les réactions des gens, est une de ces sources de connaissances. En pratique, les chercheurs récoltent les éléments d’information présents, pour les traduire en connaissances, puis en notes, pour ensuite les analyser grâce à des processus informatiques « Par exemple, pour faire de la recommandation de films, on collecte les opinions positives et négatives sous forme de texte, qu’on traduit en éléments de connaissance – ce film est très bon pour la qualité de son scénario – auxquels on attribue des notes. » Grâce à une stratégie d’agrégation, l’analyse permet ensuite de déterminer quels sont les éléments importants à prendre en compte ou au contraire rédhibitoires.
Les connaissances issues des réseaux sociaux ont ensuite une influence dans des domaines très variés. « Elles peuvent avoir un impact sur la façon dont on va choisir les composants des matériaux pour un bâtiment ou un produit (analyse de l’impact sensoriel), concevoir les systèmes de traitement des eaux usées, ou encore gérer une situation de crise. » précise Michel Plantié. Le chercheur dirige un projet de thèse en partenariat avec les pompiers du Gard pour détecter via l’analyse des réseaux sociaux les lieux où des gens sont en détresse lors d’une situation de crise et où il n’y a pas de pompiers. « Bien souvent, il y a plus d’informations en temps réel sur les réseaux que les autorités n’en ont, car elles cherchent des informations validées. Les réseaux sociaux dans ce cas sont une aide précieuse. »
Identifier des communautés pour développer de nouveaux services
Michel Plantié et son collègue Michel Crampes travaillent plus particulièrement sur la détection de communautés à partir de graphes. Cela consiste, à partir des dialogues, à regrouper les individus en fonction des critères qui les rapprochent tout en différenciant au mieux les groupes ainsi formés. Identifier des communautés peut servir à identifier les tendances, faire des recommandations, offrir de nouveaux services ou faciliter la communication. A l’occasion de la journée data organisée par les Interconnectés et l’Institut Mines-Télécom, Michel Plantié a justement présenté deux projets innovants qui utilisent leurs algorithmes pour créer de nouveaux services.
En partenariat avec la société ESII, qui gère les files d’attente, les chercheurs développent des modèles prévisionnels de temps d’attente par apprentissage de données. « L’ESII veut améliorer son service pour que les gens attendent moins. C’est un problème complexe, pour lequel les algorithmes connus ne fonctionnent pas bien, car il repose sur des processus souvent aléatoires. La météo, par exemple, joue un rôle sur la présence ou non de monde dans les magasins. L’idée est d’exploiter les données des réseaux et les données ouvertes, pour trouver des communautés d’usagers. »
Le projet Dropbird est une plateforme de « click & collect » destinée aux commerces de proximité. « Dans les gares SNCF, on propose un guichet internet pour acheter des produits du centre-ville pour ceux qui n’ont pas le temps de flâner. Des véhicules électriques les apportent à la gare où les gens peuvent retirer les produits, par exemple le soir sur le trajet retour. » Télécom Bretagne participe au développement de l’application qui permettra aux commerçants de concevoir des vidéos de présentation pour leurs produits. Côté clients, Mines Alès s’occupe du système qui collectera et analysera les données de l’application mobile Dropbird, ainsi que des algorithmes de recommandation personnalisée des produits.
« Analyser les réseaux sociaux, c’est complexe. D’abord parce qu’il y a beaucoup d’informations (big data ou mégadonnées), mais aussi parce qu’il faut prendre en compte des connexions entre les gens, c’est-à-dire des graphes, qui sont des structures complexes. » Extraire la connaissance est en effet d’autant plus difficile que les gens sont connectés de plusieurs manières : ils peuvent être liés directement entre eux par des liens d’amitié par exemple, mais également par des partages d’information (tweets, images, etc.). Aujourd’hui, pour les chercheurs, le défi consiste à « prendre en compte tous les partages d’information, pour améliorer la vie de la cité. »
Les chercheurs utilisent une mesure de qualité pour définir les « bonnes » communautés : la modularité. « Une communauté a une modularité d’autant plus forte qu’il y a plus de lien entre les membres de la communauté que de de liens avec l’extérieur. » Le souci, c’est que cette méthode ne permet pas de trouver la meilleure solution en un temps raisonnable mais une solution parmi d’autres, et « souvent on trouve des communautés un peu instables. » C’est en empruntant à la théorie des jeux que Michel Plantié et Michel Crampes ont trouvé le moyen d’identifier les communautés les plus solides au sein des réseaux sociaux. Selon John Nash, dans un jeu où tout le monde connaît ce que vont jouer les autres joueurs, chaque joueur peut choisir une stratégie pour faire en sorte de gagner quelque chose. Il existe alors un équilibre pour lequel chaque joueur sait que s’il joue, il perd plus que s’il ne joue pas (équilibre de Nash). « On a considéré que les membres des réseaux sociaux étaient des joueurs qui jouaient pour appartenir à une communauté, et chaque communauté est une stratégie de jeu. Dans cette hypothèse, on arrive à trouver un équilibre, où l’ensemble des communautés sont stables. » Cette méthode permet également de prendre en compte le fait que, dans la réalité, les individus appartiennent à plusieurs communautés. Ces travaux leur ont valu le prix du meilleur article lors de la conférence “Ingénierie des Connaissances” qui s’est tenue à Lille en 2013.
En savoir + sur la recherche en réseaux sociaux à Mines Alès
Voir le blog de Michel Plantié
2 comments
Pingback: Réseaux sociaux : leur utilisation par les professionnels - RECHERCHE & INNOVATION
Pingback: Réseaux sociaux : leur utilisation par les professionnels