(2/2) Dans le cadre de notre série sur les projets H2020, nous vous avions présenté ConnectinGEO*, un projet européen dont l’objectif est de mettre en relation les différents moyens d’observation et les équipes qui travaillent dans le domaine de l’observation de la Terre. Un des enjeux concerne en particulier les données in situ, des données cruciales qui sont pourtant peu mises à disposition dans certains domaines. C’est pourquoi le centre O.I.E de Mines ParisTech met au point une plateforme ouverte pour agréger les données in situ dans le domaine des énergies renouvelables et illustrer vis-à-vis de l’industrie les actions qui pourront être mises en place grâce à la constitution d’un réseau des réseaux.
Le challenge du projet H2020 ConnectinGEO consiste à dessiner le paysage complexe des réseaux d’observation de la Terre en Europe, avec l’objectif de créer un réseau des réseaux : ENEON (European Network of Earth Observation Networks). Il s’agit également de faire remonter les bonnes pratiques, pour faire en sorte que les données puissent s’échanger de la manière la plus respectueuse des standards internationaux et du concept d’interopérabilité. Ceci concerne plus particulièrement les données satellites et aériennes ainsi que les données in situ, récoltées via des capteurs au sol.
Montrer l’intérêt d’un projet de networking aux industriels
Pour promouvoir le partage des données, en particulier auprès des industriels, le centre O.I.E. de Mines ParisTech a défini un pilote, qui met à disposition une plateforme ouverte pour la communauté permettant de rassembler un certain nombre de fournisseurs de données de mesures in situ. Cet aspect plus technique du projet est développé au sein d’un workpackage spécifique, dont Mines ParisTech est leader, intitulé « Industry Challenges ». L’idée est d’illustrer vis-à-vis de l’industrie les actions qui pourront être mises en place grâce à ConnectinGEO.
« La plateforme sera très intéressante afin de présenter les résultats aux industriels et servira également de support de discussion concernant le nécessaire travail de networking préalable à la mise en ligne de données de mesures in-situ, » indique Lionel Ménard, chercheur au centre O.I.E. et responsable scientifique du projet à Mines ParisTech. Le pilote va aussi permettre de juger de l’intérêt des industriels concernant la notion de variable essentielle. Ce travail en cours de caractérisation des variables essentielles dans les domaines solaire, éolien et ceux des énergies marines effectué dans le cadre du projet ConnectinGEO vise à fournir des éléments de réponse concernant les enjeux industriels stratégique à venir dans les thématiques sociétales telles que définies par GEO (Group on Earth Observation) et plus particulièrement pour les énergies renouvelable.
Des services Web pour partager les données in situ
« Nous voulons permettre l’accès aux données de mesures in-situ via une plateforme ouverte intégrant un ensemble de services Web interopérables, » explique Lionel Ménard. Grâce à ces services Web, les données seront accessibles et pourront être partagées à distance via Internet, indépendamment des plateformes de stockage et des langages sur lesquels elles reposent. « L’idée est d’illustrer cette mise à disposition au regard du travail mené en parallèle sur les variables essentielles déjà identifiées dans le domaine de l’énergie solaire par d’autres travaux : les données solaires in situ (SSI). »
Ce travail a dévoilé trois obstacles. Tout d’abord, les données de mesures in situ sont récoltées via des réseaux et selon des pratiques hétéroclites. Ceci produit un paysage complexe, avec des mesures de fréquence et de qualité variables. Ensuite, les données répondent à des droits de propriété intellectuelle (ou IPR pour Intellectual Property Rights) très différents. Et enfin, les chercheurs doivent faire face à une hétérogénéité concernant l’accès à ces données pouvant aller d’un accès au travers d’un service Web interopérable à un accès via un site FTP (File Transfert Protocol) jusqu’à une demande d’accès aux données via une communication téléphonique avec un opérateur .
Une plateforme open source
En pratique, les chercheurs ont décidés d’utiliser le standard SOS (Sensor Observation Service) de l’OGC (Open Geospatial Consortium) pour mettre à disposition les données de mesure collectées. Mines ParisTech est membre de l’OGC depuis 2011. Une plateforme open source, développée par 52°North, une société allemande, fournit l’environnement permettant de déployer et de stocker les données de mesures in-situ dans une base de données et de les exposer au travers de services Web.
Quatre fournisseurs ont déjà accepté de participer à l’aventure et de mettre à disposition leurs données sur la plateforme du centre O.I.E. « Grâce à l’utilisation de standards (SOS), notre plateforme pourra ainsi exposer les données d’autres instituts ayant partagés les mêmes recommandations et les mêmes bonnes pratiques, illustrant le concept d’interopérabilité. L’échange des données sera ainsi largement facilité, et l’on pourra concrètement illustrer, grâce à ce premier pas, la création d’un réseau des réseaux tel que nous espérons le mettre en œuvre dans le cadre du projet ConnectinGEO, » s’enthousiasme Lionel Ménard.
Les données de mesures in situ sont utilisées quotidiennement, notamment pour calibrer les données satellites. « Ce sont des composantes essentielles de notre activité liée entre autre à l ‘estimation du potentiel solaire préalable au dimensionnement et à installation de centrales photovoltaïques. Sauf qu’aujourd’hui on sait très bien disséminer les données provenant de satellites d’observation et de modèles mais beaucoup reste à faire pour ce qui concerne les données de mesures in situ dans le domaine des énergies renouvelables. »
A lire : ConnectinGEO (1/2) : connecter les réseaux européens d’observation de la Terre
*Coordinating an Observation Network of Networks EnCompassing saTellite and IN-situ to fill the Gaps in European Observations. Projet international financé par la Commission européenne, coordonné par le CREAF.
Chercheurs, quelques conseils pour se lancer dans un projet européen
Le premier conseil de Lionel Ménard aux chercheurs qui souhaitent participer à un projet H2020 est de se rapprocher des acteurs qui, au sein de leur institution (Armines pour les écoles des Mines), connaissent les rouages permettant le ciblage d’une proposition, la constitution d’un consortium ainsi que la rédaction d’un projet ayant un fort potentiel de succès. Participer à des groupements et des sociétés savantes est également une importante plus-value : en effet, c’est notamment parce que le centre O.I.E. participe depuis 2005 à GEOSS et est également membre de l’OGC (l’organisme prescripteur des standards) qu’il a été sollicité pour le projet ConnectinGEO. « Parler et présenter les résultats de nos travaux à l’extérieur est indispensable. La notion de partage est une composante forte de l’ADN de nos établissements et finalement, nous ne faisons qu’appliquer cela jusqu’au niveau du partage des données. C’est une étape indispensable dans la mise à disposition de nos savoirs faires et de nos connaissances. »
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