Caractérisation et mesure de haute précision

Métrologue, spécialiste de l’analyse et de la caractérisation des composants, Yaneck Gottesman contribue, à Télécom SudParis, au développement du laboratoire Optique et Photonique. Celui-ci est équipé d’instruments électroniques de mesure performants et originaux, aux nombreuses applications dans les domaines de la santé, des télécoms ou de la sécurité.

 

 

Pourquoi un composant cesse-t-il un jour de fonctionner ? Que se passe-t-il dans son chemin de transition entre la vie et la mort ? Quelle physique inattendue s’exprime alors ? C’est ce que cherche à comprendre Yaneck Gottesman, intéressé « à traquer les failles dans la compréhension des objets de tous les jours ». Au coeur des recherches de l’enseignant-chercheur à Télécom SudParis, la métrologie, ou science de la mesure, exige rigueur et adaptabilité. Un exemple l’illustre : une expérience au cours de laquelle étaient étudiées les propriétés optiques d’un miroir rendait des résultats difficiles à expliquer. Il a fallu une année de remises en question du cadre d’interprétation pour démontrer que l’objet était soumis à des vibrations quasi imperceptibles car d’amplitude bien inférieure au micron. Une expérience qui aura eu le grand mérite de permettre à l’équipe d’enrichir son expertise et d’établir un protocole pour caractériser les propriétés dynamiques des objets étudiés : « lorsque je procède à une analyse, je dois toujours m’interroger sur ce que je mesure réellement et sur la nécessité de remettre en cause le modèle. Etre capable de dissocier l’objet mesuré de l’instrument de mesure. » Il a fallu ici s’extirper d’un cadre censément statique pour parvenir à mener une analyse dynamique complète.

 

Des instruments « maison » pour répondre à des besoins spécifiques

C’est cette capacité à sortir du champ conventionnel, qualité fondamentale, qui permet de développer ces outils si particuliers qui font la richesse du laboratoire Optique et Photonique, dont l’OLCI (Optical Low Coherence Interferometry) et l’OFDI (Optical Frequency Domain Interferometry), deux instruments spécialement mis au point pour la mesure et l’analyse avec une  résolution micrométrique sur des distances pouvant atteindre 200 m (suivant l’instrument utilisé). L’interférométrie est une méthode qui utilise deux signaux, produits par la même source optique et dont l’un sert de référence tandis que l’autre sonde l’objet à analyser. La superposition de ces deux signaux, qui ont subi des conditions de propagation différentes, fournit ensuite des informations.
A titre d’illustration, dans le contexte des travaux de recherche menés par différents laboratoires français sur les fibres optiques de future génération, les outils du marché ne convenaient pas en raison de l’ambigüité d’interprétation pressentie des informations enregistrées par de tels instruments. Une difficulté qui a conduit Yaneck et ses collègues à tenter de contrôler les propriétés d’émission de la source, disposer d’une architecture interférométrique flexible et maitriser l’ensemble de la chaine de traitement des signaux. Et cette approche a été déterminante pour démontrer une propriété singulière des fibres étudiées.

 

Banc de réflectométrie, Yaneck Gottesman
Prototype du banc de réflectométrie développé dans le domaine fréquentiel : ce banc est utilisé, entre autres, pour la caractérisation spectrale, spatiale et modale des composants et circuits optoélectroniques

Qualité et variété des informations enregistrées

Mais ce qui fait vraiment la valeur ajoutée du travail accompli sur tous les instruments du laboratoire, « c’est la qualité et la variété des informations enregistrées de façon simultanée lors de la mesure d’un objet« . La limite de précision absolue d’un instrument est une première problématique cruciale et délicate. Elle est ici assurée par une approche systématique comprenant l’association d’étalons, de méthodes de référencement optiques et de circuits électroniques, utilisés pour compenser numériquement les fluctuations optiques propres à l’environnement de l’instrument. La seconde problématique concerne la diversité des informations enregistrées. La réponse apportée consiste à développer des instruments capables d’enregistrer simultanément l’ensemble des grandeurs vectorielles de la lumière collectée, telles que l’intensité, les phases spatiale et temporelle ou la polarisation. Du « tout en un » qui fait de chaque instrument un analyseur de spectre en même temps qu’un ellipsomètre, un télémètre, un Doppler… Cette diversité offre en outre une information du champ électromagnétique d’une complétude au sens de l’optique linéaire qui reste inaccessible par ailleurs.
Les approches développées, dont certaines sont brevetées par Télécom Sud-Paris, fournissent des outils d’observation extrêmement puissants dont la déclinaison peut être multiple et spécialisée en fonction des objets étudiés : des instruments fibrés pour composants optoélectroniques ou en espace libre pour l’imagerie OCT (optical coherence tomography). Les applications sont potentiellement larges. Pour la santé, la piste des biocapteurs est ainsi très prometteuse (voir encadré), tout comme celle de l’imagerie cellulaire. Lorsque les biologistes s’empareront de ces instruments, de nombreuses applications médicales verront le jour. D’autres domaines sont concernés, comme les télécommunications, dont les composants profitent d’un diagnostic extrêmement fin. La sécurité bénéficiera aussi du fait de disposer de capteurs biométriques infalsifiables, une propriété qui découle directement de la diversité des différentes mesures effectuées simultanément par ces appareils uniques en leur genre.

 

L’OLCI, un brevet au service de la santé
Grâce à des instruments de mesure innovants, des révolutions sont attendues dans le domaine de la santé. L’OLCI, ainsi que son couplage avec un OCT, deux dispositifs qui ont tous deux valu le dépôt d’un brevet par l’Institut Mines-Télécom, pourraient permettre le diagnostic précoce de certaines maladies. Imaginons une petite goutte de sang versée sur une surface optique miniaturisée, constituée de zones spécialisées sur lesquelles sont disposés des millions de capteurs bio-photoniques réagissant avec les molécules présentes dans le sang. Les réactions chimiques modifient la nature optique de la surface, qui est analysée finement par l’OLCI. Les résultats, corrélés entre eux, sont interprétés par un médecin pour proposer un diagnostic extrêmement précis.

 

Une plateforme instrumentale et une expertise hors pair

Le laboratoire dispose donc d’une base instrumentale, baptisée VCIS (Versatile Coherence Interferometry Setup), qui peut être combinée et architecturée en fonction des besoins et des applications. Elle s’appuie sur des outils extrêmement performants dont Yaneck Gottesman souhaite qu’ils puissent être mis à profit par des laboratoires, des industriels, des universitaires, des fabricants, des chercheurs : « privés ou institutionnels, peu importe, la plateforme leur est ouverte pour venir analyser et expertiser leurs objets d’intérêt, tester les performances de leurs composants, ou développer de nouveaux instruments plus spécialisés en s’appuyant sur la base modulaire existante. »

Au-delà de l’intérêt économique de ce partenariat, il y a la volonté de créer un lieu d’échanges ouverts qui permettra de progresser sur de multiples domaines en même temps. Attirer les utilisateurs, s’en entourer pour comprendre leurs besoins et bénéficier de leur expertise est certainement le meilleur moyen de rester au contact de son milieu et d’anticiper l’avenir.

 

L’optiqPortrait_Yaneck_Gottesmanue comme fil conducteur

Yaneck Gottesman est un ancien élève de l’École Centrale de Marseille (ex ESIM), dont il sort en 1997 tout en suivant parallèlement en dernière année un DEA d’optique à l’École Nationale Supérieure de Physique de Marseille. Il rejoint ensuite le CNET à Bagneux (Centre nationale d’études des télécommunications, devenu Orange Labs) où il prépare et soutient en 2001 une thèse sur la réflectométrie optique pour l’analyse des composants. L’année suivante est consacrée à un séjour postdoctoral au Laboratoire de Photonique et de Nanostructures (LPN) du CNRS à Marcoussis, où Yaneck se penche sur l’optique non linéaire. Il rejoint en 2002 Télécom SudParis (INT à l’époque), au sein du département Électronique et Physique (EPH) où il se spécialise dans la mesure de précision et la physique des composants optoélectroniques. Il est habilité à diriger des recherches depuis février 2014.

Rédaction : Umaps, Frédéric Woirgard

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