Comment réduire le poids des véhicules sans altérer leurs performances ? Les 10 et 11 juin prochains, Mines Douai accueille le congrès international « Matériaux Polymères & Industrie Automobile », organisé avec la Société Française des Ingénieurs des Plastiques (SFIP) et le Groupement Plasturgie Automobile (GPA). Chercheurs et industriels de l’automobile travaillent main dans la main pour mettre au point des produits innovants capables de répondre aux besoins du secteur. Patricia Krawczak, professeur à Mines Douai, chef d’un département de recherche et d’enseignement, nous explique la place de la recherche dans ce secteur applicatif.
Vous dirigez le département Technologie des Polymères et Composites & Ingénierie Mécanique (TPCIM) de Mines Douai. Qu’apporte l’expertise de vos équipes dans la recherche de solutions innovantes pour l’industrie automobile ?
Le défi industriel actuel est l’allègement des véhicules, visant notamment à faire passer le taux de plastiques et plastiques renforcés (i.e. composites) à bord des véhicules, de 15% à 25%. Il s’agit ici d’une part d’alléger les pièces plastiques tout en conservant la performance mécanique, et d’autre part de poursuivre le remplacement de certaines pièces en verre minéral (i.e. vitrages) et en métaux par des matières plastiques et des matériaux composites. S’agissant en particulier de faire rentrer les composites dans les pièces structurelles (châssis ou caisse en blanc), la faisabilité technologique a été démontrée depuis longtemps, mais pas encore aux cadences de production imposées par la grande série automobile. Or, l’objectif ne peut être atteint qu’en revisitant tout le processus de conception et de fabrication, c’est-à-dire en jouant simultanément sur le design des pièces, les matériaux, les procédés de fabrication et les outillages.
Notre équipe s’y emploie en mettant ses quatre grands domaines d’expertise au service de l’industrie automobile, et plus largement de l’industrie des transports. Le premier concerne l’élaboration de matériaux polymériques avancés aux propriétés fonctionnelles spécifiques.
Le deuxième porte sur la mise en forme par les technologies de plasturgie et de fabrication de composites. L’objectif est d’établir les relations entre procédé de mise en œuvre, structure induite et propriétés résultantes pour maîtriser pilotage des machines, conception, fabrication et utilisation des pièces. On développe aussi des techniques d’assemblage de ces matériaux. Enfin, la fabrication additive (ou impression 3D) est aussi entrée, plus récemment, dans le champ de nos activités.
Le troisième domaine d’expertise est l’analyse des matériaux et produits. L’enjeu est ici de caractériser finement la structure, les interfaces et la morphologie induites par les procédés au moyen de techniques rhéologiques (i.e. à l’état fondu), physico-chimiques ou d’imagerie, le comportement thermomécanique sous sollicitations multiaxiales complexes ; ou encore de développer des méthodes de contrôle non destructif.
Ces caractérisations expérimentales contribuent aussi à alimenter et valider les modèles et outils de simulation numérique, objet de notre quatrième domaine d’expertise. Le challenge abordé est celui de l’ingénierie virtuelle, à savoir, la prévision et l’optimisation « sur écran » de la manière dont une pièce sera fabriquée, dont sa micro-structure sera induite, et comment cela influencera son endommagement, sa durabilité et ses performances. L’idée est de développer des outils numériques pour construire une chaîne intégrée conception/fabrication/contrôle (Advanced manufacturing).
Les activités de recherche du département concernent l’élaboration et la mise en forme des polymères et composites, et l’optimisation des propriétés d’usage de ces matériaux avancés pour les différents secteurs d’application avals de l’industrie de la plasturgie et des composites (transports, emballage, énergie/environnement, santé, bâtiment, mécanique …). Le groupe de recherche pluridisciplinaire comprend 70 personnes et dispose d’une plateforme technologique de 7500 m2.
Associer au sein de la même équipe des compétences relevant des champs de la science des matériaux, de la science des procédés, de la mécanique des structures et des fluides, de la thermique et de la physico-chimie, permet de coupler science et technologie, c’est-à-dire d’aborder des couplages complexes matériau-procédé-produit.
Cela conduit, d’une part à maîtriser et optimiser la mise en forme des matériaux et des pièces industrielles en polymères et composites (plasturgie), et d’autre part à analyser et prévoir le comportement des structures mécaniques, tout en prenant en compte les préoccupations liées au développement durable : matériaux biosourcés (issus de ressources renouvelables) et rematérialisés (recyclage, valorisation), procédés de transformation à impact environnemental limité, éco-conception.
Quels seront les thèmes abordés lors du congrès des 10 et 11 juin prochains ?
Le secteur automobile poursuit plus que jamais ses efforts pour réduire ses émissions de dioxyde de carbone (CO2), « motivé » par l’approche de l’échéance de 2020, date à laquelle entre en vigueur la réglementation européenne fixant à 95 g la quantité de CO2 émise par kilomètre parcouru pour une voiture (pour 130 g en moyenne ces dernières années). L’allègement des véhicules est l’une des voies adoptées, et en la matière, les atouts des plastiques et des composites en font des matériaux de choix.
L’objet du congrès international annuel « Matériaux Polymères & Industrie Automobile » est de présenter les dernières avancées dans ce domaine. L’édition 2015 sur le thème « Les matériaux plastiques et composites : un atout pour l’allègement des véhicules », organisée à Mines Douai, tout comme les trois précédentes éditions, s’articulera autour de quatre sessions thématiques : innovation matières, de nouvelles perspectives ; allègement par les matériaux cellulaires ; modélisation/simulation des procédés et du comportement, vers l’ingénierie virtuelle ; innovation procédés et conception, vers de nouvelles applications.
Qu’attendez-vous de ces deux journées annuelles de rencontres avec les industriels du secteur automobile ?
Avec environ 200 participants représentant toute la filière, à savoir constructeurs, équipementiers et transformateurs, producteurs de matières premières et de renforts, éditeurs de logiciels, fournisseurs de services, ce congrès annuel constitue le terreau d’échanges fructueux pour les enseignants-chercheurs du Département TPCIM de Mines Douai.
C’est l’opportunité d’assurer auprès de la communauté industrielle la promotion et la valorisation de notre savoir-faire, notre expertise, nos compétences et nos moyens en illustrant nos travaux de recherche, mais aussi d’affiner notre perception des enjeux industriels et verrous technologiques actuels pour en dégager les problématiques scientifiques auxquelles s’atteler à l’avenir (montage et engagement de nouveaux projets collaboratifs, voir encadré ci-dessous).
En tant que chercheurs d’un établissement placé sous tutelle du ministère en charge de l’industrie, notre vocation est de travailler avec et pour les acteurs du monde industriel et économique. A cette fin, maintenir le contact et cultiver les échanges avec les industriels concernés est crucial. Cette manifestation co-organisée avec les sociétés savantes (ici SFIP) et groupements professionnels (ici GPA) concernés y contribue.
Les collaborations industrielles au coeur de l’activité des chercheurs
Dans le domaine ferroviaire, les chercheurs de Mines Douai ont ainsi apporté leur expertise pour développer des wagons de trains en matériaux composites structuraux (projet ULTIMAT), et des armements caténaires en composites (projet ACMC).
Dans celui de l’aéronautique, on peut mentionner par exemple la contribution du département à la conception d’un réservoir souple résistant au crash et auto-obturant, suite à un impact balistique (projet BALLOO).
Dans le secteur automobile, parmi les multiples projets traités, on peut citer à titre d’exemple le développement d’une assise de siège multi-matériaux (projet LYCOS), ou la mise au point de matériaux de surface multicouches thermoformables (projet MATSIESA).
Au-delà, les équipes de recherche contribuent aussi au développement de matériaux polymères d’origine renouvelable, biosourcés, par exemple pour les industries de l’emballage, de l’automobile ou de la santé, en optimisant leurs procédés de mise en forme et leurs propriétés d’usage, notamment dans le cadre de l’Institut Français des Matériaux Agro-Sourcés (IFMAS). Le département pilote également le volet dédié à l’impression 3D thermoplastique pour applications biomédicales (FATIMA) de l’ambitieuse action concertée de l’Institut Carnot M.I.N.E.S. sur la fabrication additive (ACLAME) dont il assure par ailleurs la coordination.
Congrès international « Matériaux Polymères & Industrie Automobile »
Mercredi 10 et jeudi 11 juin 2015
Mines Douai, Résidence Descartes, rue du Kiosque, Douai
Programme complet et inscription
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