Pour lutter contre les drones malveillants, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a lancé le projet ANR ANGELAS. A Télécom SudParis, l’équipe de recherche Navigation va tenter de tromper leurs systèmes GPS pour prendre le contrôle de ces petits appareils.
Le projet ANR ANGELAS (Analyse Globale et Evaluation des technologies et méthodes pour la Lutte Anti UAS*) a pour objectif de développer des solutions pour détecter, identifier et neutraliser les drones aériens lorsqu’ils survolent des « zones sensibles » et en particulier les sites de centrales nucléaires. « C’est un projet flash, qui a été lancé pour répondre aux problématiques d’intrusion de petits drones (moins de 25kg), qu’on trouve dans le commerce, » explique le chercheur Alexandre Vervisch-Picois de Télécom SudParis.
Son équipe de recherche, experte en géolocalisation par satellite, a été sollicitée par Thales pour prendre part au projet, sur un cas très spécifique : le leurrage des drones. « L’idée est de prendre le contrôle des drones dont l’itinéraire a été programmé avec des way points, des points GPS enregistrés dans son navigateur et par lesquels il doit passer. » Ce type de navigation présente un gros avantage pour celui qui l’envoie : le drone ne laisse aucune signature et est donc plus difficile à repérer. Mais cela permettrait aussi de le tromper plus facilement.
* Unmanned Aerial System
Un signal pour tromper le récepteur GPS du drone
« Les drones de petite taille utilisent des récepteurs GPS et des systèmes assez sommaires, » précise Alexandre Vervisch-Picois. Il est donc possible de les leurrer : « On veut faire croire au drone qu’il est à un endroit alors qu’il est à un autre, et éventuellement le faire se poser. » Comme on ne peut pas reprogrammer le trajet du drone à distance, il faut que les chercheurs trouvent un moyen pour envoyer au drone un signal qui trompe son récepteur GPS.
Le système GPS repose sur une constellation de satellites synchronisés et qui envoient en permanence des signaux vers la Terre. En pratique, pour calculer sa position, le drone fait ce qu’on appelle de la « trilatération ». « Le récepteur calcule la distance qui le sépare du satellite en mesurant le temps de propagation du signal. On peut en déduire que l’appareil est sur une sphère, centrée sur la position du satellite et de rayon la distance, mais on ne sait pas où sur la sphère. Avec 3 satellites, on peut détecter sa position précise, qui correspond à l’intersection des trois sphères. » Le principe du leurrage consiste donc à « envoyer un signal qui fasse comme si le drone recevait des signaux satellites mais trafiqués », de manière à fausser sa position.
Une constellation de « pseudolites »
L’équipe d’Alexandre Vervisch-Picois s’est spécialisée depuis une quinzaine d’années dans l’émission de signaux de type GPS pour le positionnement indoor. En effet, à l’intérieur des bâtiments, le signal est faible et perturbé par les trajets indirects (réflexion, diffraction…). « On recrée une constellation de type GPS à l’intérieur des bâtiments et on émet des signaux qui ressemblent aux signaux GPS. » Ils parlent de « pseudolites », pour pseudo-satellites. « Nos signaux ont la même forme que les signaux GPS, ils sont faits de la même façon, utilisent les mêmes antennes et les mêmes bandes de fréquence, si bien qu’un récepteur GPS peut les traiter. »
Des défis à relever
Dans le cadre du projet ANGELAS, les chercheurs vont devoir faire face à un nouveau challenge scientifique : Quelles modifications faut-il faire pour tromper le récepteur GPS du drone ? Comment envoyer le signal ? Comment couvrir une zone pour tromper tout drone susceptible de la survoler, avant même qu’il ne soit détecté ? « Grâce aux plateformes expérimentales mises à disposition dans le projet, on va pouvoir tester beaucoup de choses. » Il y a aussi beaucoup d’éléments extérieurs à prendre en compte, comme les problèmes de vie privée et de règlementation : « Normalement, on n’a pas le droit d’émettre un signal perturbateur, car il ne faut pas leurrer tous les autres GPS autour. » Les chercheurs ont déjà quelques pistes en tête pour relever ces défis. Leurs travaux débuteront en septembre et les premiers résultats sont attendus pour 2016.
En savoir + sur le projet ANGELAS
Le consortium du projet Angelas
- L’ONERA coordonne le projet et apporte son expertise « système drones ». Il met également à disposition son site d’essai afin d’opérer et de tester les drones en environnement maitrisé.
- Telecom SudParis, Thales, le CEA Leti et Exavision, apportent au projet des moyens de détection, de géolocalisation et de neutralisation ;
- EDF apporte ses connaissances des risques et des besoins ainsi qu’un premier retour d’expérience des solutions proposées, et coordonnera les démonstrations opérationnelles à l’issue du projet ;
- L’Institut de Criminologie de Paris assure la conformité du nouveau dispositif aux conventions, lois et réglementations applicables ;
- Un comité d’utilisateurs finaux dont l’Armée de l’Air, la Marine nationale, la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale et la Préfecture de Police de Paris.
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