Fibres optiques : comment la photonique a révolutionné les télécommunications

On oublie parfois que la lumière n’est pas toujours visible. Celle dont va nous parler Philippe Gallion, professeur et chercheur à Télécom ParisTech, se situe dans l’infrarouge et, guidée le long de fibres optiques, nous connecte les uns aux autres sans même que l’on en ait conscience. Dans le cadre de l’année internationale de la lumière, il présentera, le 23 mars prochain, une conférence publique sur la photonique, intitulée « La lumière, messagère du monde connecté ». Il dévoile ici quelques-uns des secrets du développement des fibres optiques, une technologie qui se diffuse aujourd’hui dans tous les domaines industriels.

Qu’est-ce que la photonique et comment vous y êtes-vous intéressé ?

Philippe Gallion : La photonique, c’est l’ensemble des technologies qui utilisent l’optique pour le transport, le traitement et la captation de l’information. J’ai été recruté à Télécom ParisTech en 1978 pour initialiser la recherche et l’enseignement dans le domaine des fibres optiques et de l’optoélectronique. C’était le moment où on commençait à en parler et à y croire. Les ingénieurs prenaient conscience que c’était là une technologie alternative aux fils de cuivre, qui atteignaient leurs limites. La fibre optique permet de transporter l’information plus efficacement. Elle est dans la plupart des cas en silice (du verre), un matériau diélectrique (c’est un milieu qui ne peut pas conduire le courant électrique), et le photon de la lumière n’étant pas chargé, il interagit très peu ce type de matière. Il y avait conjonction entre un besoin sociétal sur l’augmentation des débits et des distances et la potentialité technologique des fibres optiques. Aujourd’hui, l’intérêt de la fibre optique, c’est de vaincre la distance, de faire qu’il n’y ait plus de fracture numérique, grâce au très haut débit ; et de permettre de symétriser les communications, c’est-dire de pouvoir émettre autant d’information que l’on en reçoit. Leur déploiement est l’objectif du plan ambitieux très haut débit, FTTH (Fiber to the home).

Durant votre carrière, quelles ont été les grandes étapes scientifiques dans le domaine des fibres optiques ?

Philippe Gallion : Nous avons, mon groupe de recherche et moi, d’abord assisté à la maturation des fibres optiques. Elles étaient au départ multimodes : les photons y prenaient des chemins différents à des vitesses différentes, et les énergies qu’ils transportaient n’arrivaient pas en même temps au bout de la fibre, ce qui limitait le débit. Elles sont devenues monomodes dans les années 80. En parallèle, on est aussi passé des sources lasers à semi-conducteur d’une longueur d’onde de 0,85 à 1,5μm, ce qui correspond à l’utilisation optimale des fibres optiques, avec un minimum d’atténuation du signal.

La deuxième grande étape a été l’amplification du signal optique. Même si les photons interagissent très peu avec la matière, le signal finit quand même par s’atténuer et il faut le ré-amplifier au long de son parcours. Pour cela, il faut fournir de l’énergie au signal : on envoie donc un autre signal laser de pompe qui excite des atomes de la fibre et qui, en étant absorbé, provoque la création d’autres photons qui renforcent le signal. Une troisième avancée technique a été le multiplexage en longueur d’onde ou WDM (Wavelength Division Multiplexing), c’est-à-dire l’utilisation simultanée de plusieurs longueurs d’onde sur une même fibre. Chaque longueur d’onde se conduit comme un canal à peu près indépendant, ce qui permet notamment d’avoir un plus grand débit.

Enfin, nous avons travaillé dès le début sur la détection cohérente, qui permet de détecter l’amplitude et la phase du signal optique, et non plus uniquement sa puissance. Dès lors, on peut capitaliser tout le savoir-faire des communications sans-fil pour corriger les défauts de la transmission, en faisant du traitement du signal électronique en bout de liaison. Aujourd’hui, les communications cohérentes, c’est le sujet « chaud » pour les communications haut débit et grande distance entre villes et continents et les communications à l‘intérieur des data center.

Le banc de test de technologies de communications par fibres optiques ultra haut débit du laboratoire de télécommunications optiques (COMELEC)

Le banc de test de technologies de communications par fibres optiques ultra haut débit Banc de test fibres optiques Fibres optiques

Quels sont les challenges à venir ?

Philippe Gallion : Il reste à s’approprier en optique les techniques de synthèse et de traitement du signal et les méthodes de la communication numérique, à développer les circuits électroniques très rapides pour améliorer les fibres optiques et répondre à l’augmentation du trafic. Au département Communications et électronique de Télécom ParisTech, on dispose justement des différents savoirs-faire : communication numérique et communication optique, circuits électroniques rapides. Sur le plus long terme, il faut améliorer la distribution de l’amplification car la succession d’atténuations et d’amplification du signal génère du bruit et la gestion des non-linéarités qui altèrent le signal.

On utilise aussi les propriétés quantiques de la lumière pour sécuriser les réseaux en faisant de la cryptographie quantique. La lumière quand on considère une très petite quantité de photons la particularité que l’on ne peut lire l’information qu’ils portent qu’une seule fois et que l’on ne peut pas dupliquer le signal optique au préalable. Mais il est difficile de passer des potentialités de la physique, à une d’implémentation, technologique crédible. Les nanotechnologies, en cours de développement vont aussi fournir de nouveaux dispositifs avec des propriétés inédites qu’il nous faudra comprendre et dont il nous faudra explorer la richesse.

Un autre grand défi de demain sera d’accompagner la diffusion des technologies optiques jusque chez tous les abonnés avec des coûts maîtrisés (poser la fibre à Paris coûte quelques centaines d’euros, contre quelques milliers à la campagne), et des financements adaptés. Enfin les technologies développée pour les communications sont diffusantes et nous les retrouvons dans tous les domaines industriels : médecine, transports, aéronautique, spatial, militaire, énergie, environnement.

Après avoir été à l’origine du déploiement rapide d’Internet, les technologies optiques continuent aujourd’hui de révolutionner l’industrie. Si vous voulez en savoir plus sur le rôle particulier joué par la lumière dans les systèmes et les réseaux de communications qui nous connectent et interconnectent de plus en plus les objets qui nous entourent, rendez-vous le lundi 23 mars à 18h30 à Télécom ParisTech.

Conférence exceptionnelle « La lumière, messagère du monde connecté »
Lundi 23 mars, à partir de 18h30
Amphi B312, Télécom ParisTech
46 rue Barrault, 75634 Paris Cedex 13.
Un cocktail de bienvenue sera servi dès 17h30.

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Le plus marron

Des fibres optiques pour guider la lumière

« Le guidage de la lumière utilise sa propension naturelle à rester confinée aux endroits où sa vitesse est la plus faible, c’est-à-dire là où l’indice de réfraction est le plus élevé, tout comme l’eau à une propension à s’installer au fond d’une rigole. Une fibre optique est donc constituée d’un cœur diélectrique cylindrique, entouré par une gaine diélectrique d’indice plus faible. Le mécanisme de guidage est la réflexion, sans pertes, de la lumière se propageant dans le cœur, lorsqu’elle rencontre la gaine qui est un milieu d’indice plus faible. »

Lire « Le FTTH, la révolution de l’optique » par Philippe Gallion pour en savoir plus sur la technologie des fibres optiques.

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