Les 12, 13 et 14 décembre 2014, professionnels du contenu et fournisseurs de technologies se sont réunis lors d’un hackathon et ont planché 48 heures d’affilée pour créer les livres numériques de demain tout en réfléchissant à leur modèle économique. Antoine Garnier, chef de projet Digital publishing à la direction scientfiique de l’Institut Mines-Télécom, a participé à l’organisation de cet événement. A l’heure de la restitution, qui a eu lieu mardi 3 février au Salon du cross-media publishing, revenons avec lui sur les résultats de cet événement et sur ce que peut apporter la recherche au secteur du digital publishing.
« Aujourd’hui, c’est important de parler de lecture numérique car ce sont des usages de plus en plus appelés par les utilisateurs, explique Antoine Garnier. En octobre, une enquête de l’Hadopi a révélé que les utilisateurs appellent de leurs vœux le bundle (ou offre groupée) – on commence à lire un livre papier chez soi et on le continue dans le métro au format numérique ; et aussi le streaming » (offres d’abonnements dits illimités, dont le prix n’est pas fixé par l’éditeur). Or, le Syndicat National de l’Edition (SNE) se positionne actuellement contre le streaming, de peur que cela érode la valeur du livre. « Le problème, quand les offres sont en retard sur la demande, c’est que cela se traduit par du piratage ou par l’arrivée d’acteurs transnationaux qui croquent le marché. » L’enjeu pour les éditeurs est donc de retrouver la valeur en développant des formats innovants et un modèle économique viable.
Un hackathon pour rassembler professionnels du contenu et des technologies
Pour atteindre cet objectif, il fallait « réussir à faire collaborer des professionnels du contenu et des fournisseurs de technologies, dans un cadre informel, sur des sujets concrets qu’ils n’ont pas l’habitude d’aborder. » Ainsi est né le hackhathon « Usages du livre », organisé par le Labo de l’édition, Cap Digital et le Digital Publishing Institute (DPI), en collaboration avec l’Institut Mines-Télécom, dont la restitution a eu lieu mardi dernier. Lors de ces trois jours de création, des éditeurs de livres ont apporté leur contenu, comme cette petite BD de Bayard, animée ensuite par des étudiants du Master Création et Édition Numériques de l’Université Paris 8.
En parallèle, la société Beingenious a mis à disposition son outil PandaSuite, qui permet de créer des livres-applications. Ses développeurs ont travaillé avec une cartographe et une graphiste à partir de L’Atlas de Rome édité par Autrement. Résultat : une carte interactive qui dévoile visuellement l’évolution de la ville au fil du temps.
« Le hackathon, c’est un lieu pour faire des rencontres et tisser des liens. C’est aussi un moment pour essayer de repousser les limites sur un certain nombre de sujets, » précise Antoine Garnier.
« Faire germer des solutions issues des laboratoires »
En cela, l’Institut Mines-Télécom a un rôle à jouer : « Souvent, les éditeurs n’ont pas les compétences en interne. Nous, on a la techno (réalité augmentée, cryptographie, search engine, recommandation, indexation, ontologie), des gens qui ont envie de travailler et des liens avec les entreprises. On peut faire germer des solutions issues à la fois des laboratoires et de l’écosystème (éditeurs, développeurs…). » Par exemple, lors du hackathon, l’Institut a présenté deux technologies. Télécom Saint-Etienne* a développé un moteur pour faire de la recherche dynamique et de la recommandation sur une collection de textes (epubs). Télécom SudParis a travaillé sur la reconnaissance d’image et les couvertures de livres. « Suite au hackathon, une grande entreprise du livre a trouvé intéressante cette technologie et voudrait l’intégrer dans son application. On est chez un ami, on voit un livre qu’on veut acheter, on le photographie et l’application vous permet soit de l’acheter en ligne soit, grâce à la géolocalisation, vous indique la librairie la plus proche. L’intérêt pour les librairies : cela accroît leur zone de chalandise, leur zone de vente. »
Pour continuer à promouvoir les rencontres et les échanges, un prochain hackathon sur la presse et les objets connectés pourrait être organisé avant l’été, ainsi qu’un nouveau séminaire du DPI sur le livre. Et en vue pour l’Institut : « Maintenant qu’on a une expertise en digital publishing, on cherche à avoir des projets d’envergure européenne sur des sujets qui sont fondamentalement transfrontaliers, notamment au niveau d’H2020. » Car oui, le livre numérique, ce n’est pas seulement tourner des pages virtuelles, c’est aussi et cela sera de plus en plus une véritable expérience multimédia interactive, dont nous n’avons sans doute même pas encore idée !
*Télécom Saint-Etienne est une école associée de l’Institut Mines-Télécom
A voir : Revivez le hackathon #Usages du Livre
Le digital publishing et l’Institut Mines-Télécom
Comment les chercheurs spécialisés dans le numérique en sont-ils venus à s’intéresser aux problématiques de l’édition ? « Un certain nombre de projets de digital publishing se sont montés à l’Institut Mines-Télécom en réponse à des appels à projets en 2010-2012, raconte Antoine Garnier. On a vu qu’on se retrouvait sur des projets cruciaux. » En 2012, l’Institut s’engage dans le projet collaboratif FIRE, financé par le Fonds national sur la Société Numérique (FSN) dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir pour le développement de l’économie numérique, qui a pour ambition de créer des services pour le livre et la presse sur tablette. FIRE est à l’origine de la création du think tank Digital Publishing Institute, dans lequel l’Institut Mines-Télécom collabore. « L’expertise acquise via ces projets nous permet aujourd’hui d’aller voir des entreprises et de leur proposer des projets collaboratifs, alliant analyse stratégique et réponse technologique selon la direction du marché, qui leur permettent d’avancer. » Parmi eux, on trouve le projet MO3T, un gestionnaire de droits pour les livres numériques qui sera lancé courant 2015, ou encore le projet Open Publishing Cloud proposé aux éditeurs par l’entreprise Immanens : « On démembre un texte mais on conserve les métadonnées qui précisent que ce texte était illustré par telle photo, ce qui permet de réutiliser l’un ou l’autre ailleurs tout en sachant à quoi on a affaire. »
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